L’intensité montre d’un cran dans cet épisode (et pour cause puisque celui-ci a failli figure de season finale), alors qu’une Sydney Barrett horrifiée découvre l’étendue de la noirceur cachée chez David (par l’entremise d’un Amahl Farouk ayant changé d’hôte), qui ne peut plus attribuer toutes ses fautes graves à son parasite désormais (revenu d’entre les morts à la fin et prêt pour leur confrontation tant attendue).
Dans l’ensemble, cette saison 2 de Legion semble avoir moins reçu les faveurs d’un certain nombre de téléspectateurs, sans doute lié au fait qu’il s’agit-là d’une phase de transition/flux, où la « chenille » (David) de la saison 1 devient le « papillon » (Legion) de la saison 3 (peut-être bien la meilleure du lot tout compte fait). Le bilan reste toujours positif mais cette fois un peu plus contrasté, sachant que cette saison 2 aura d’abord souffert de la comparaison avec une saison 1 plus concise (car contenant moins d’épisodes) et avec une saison 3 à la dynamique plus palpitante (selon le bon souvenir que j’en garde).
Legion frappe fort à l’occasion de cette fin de saison (beaucoup plus que celle de la saison 1), en jetant un regard rétrospectif (et non rétroactif) sur le point de départ de la série, afin d’apporter un nouvel éclairage (le diagnostic était donc erroné, comme l’indique une révélation faisant plus office de twist que de retcon). La terrible vérité à propos de David était sous les yeux des protagonistes pendant tout ce temps, avec des indices parsemés ici et là (il n’y a guère que le retors Farouk qui n’aura pas été dupe). Un constat d’échec pour ses alliés, dès lors voués à lui courir après dans l’espoir de limiter les dégâts.
Si le début de cet épisode (réalisé par Keith « Christine » Gordon) marque la rétine d’entrée de jeu, par le biais de ce combat mental très inventif sur le plan visuel (avec des effets moins coûteux que des CGI de blockbusters, puisqu’il s’agit-là aussi d’une astuce budgétaire) et ponctuée par une reprise très mémorable de « Behind Blue Eyes », le final marque les esprits quant à lui, de par ses sombres implications (tel le tort irréparable envers Syd). Seul le semblant d’happy end concernant Oliver et Melanie Bird allège un peu l’atmosphère de ce rude final qui ne laisse personne indifférent (la preuve de son efficacité), dont la tournure permet de se renouveler (en remontant aux sources du problème).
Afin d’apporter une fraîche perspective à ce début de saison très prometteur (réalisé par une pointure* de chez Pixar), le récit adopte le point de vue d’une nouvelle venue, plus jeune que le reste du casting (la voyageuse temporelle Switch). Une façon singulière d’annoncer son nouveau programme, par le biais des nombreuses possibilités qu’offrent ces pouvoirs-là (un nouveau personnage pas dénuée de problèmes personnels et autres « daddy issues », or cela tombe bien puisque l’illustre père de Legion est une des figures centrales de cette saison finale, un peu plus proche de la 1ère sur le plan visuel).
*Andrew Stanton, dont le parcours (alternant entre l’animation et le ciné live) n’est pas sans rappeler celui de Brad Bird en terme de revers communs (après le bide de John Carter, Andrew Stanston s’est refait la cerise en retournant chez Pixar pour un prequel du Monde de Nemo, tandis qu’après le bide de Tomorrowland, Brad Bird s’est refait la cerise chez Pixar pour une suite des Indestructibles)
Désormais à la tête d’un « nouveau » groupe (constitué à partir des rares vestiges de la bande de drogués de Lenny), à mi-chemin entre la secte, le harem & la communauté hippie, David Haller a gagné en sérénité mais n’a rien perdu de son air inquiétant (quand bien même sa schizophrénie n’est pas le focus cette fois). Après une saison 1 dont la direction artistique lorgnait pas mal du côté des années 60/70 (en particulier l’esthétique des productions britanniques de cette période), cette saison 3 renoue avec cette veine, optant cette fois pour une ambiance plus psychédélique et des looks typés « flower power » (même Syd arbore désormais des lunettes à la Janis Joplin). L’atmosphère est clairement différente, alors que la série se repose plus sur son versant musical par le biais des clips musicaux.
Chapitre 21 (2019) Saison 3, épisode 2 Scénaristes : Noah Hawley, Olivia Dufault & Kate Thulin
Alors que le plan de David Haller s’avère plus difficile à concrétiser que prévu, résultant au kidnapping du scientifique Carry (l’occasion pour l’acteur Bill Irwin de démontrer son talent gestuel, lors d’une séquence humoristique digne des stars du cinéma muet d’antan), celui-ci chemine toujours sur sa mauvaise pente, prompt à la manipulation et ne s’appesantissant pas outre-mesure sur ses actes (préférant au contraire user d’une solution plus « facile » pour les effacer à sa propre manière). Plutôt que les moults références éparpillées ici et là à Alice au pays des merveilles et Charlie Brown, LE moment central de ce second épisode est avant tout le face-à-face entre David & Sydney, dont les échanges verbaux ne peuvent qu’être tendus suite à la façon dont cela s’est très mal terminé entre eux.
Legion a beau être un mutant surpuissant (et se considérer encore comme une victime en dépit de ce qu’il a commis), sa forte emprise a néanmoins des limites, comme le lui avait déjà annoncé Amahl Farouk en amont (l’impossibilité de forcer quelqu’un à l’aimer). Cela se confirme avec cette franche discussion entre ces deux anciens amants aux différents irréconciliables. La preuve que la série, en dehors de son aspect S.F. et de son lot de bizarreries, n’a jamais perdu de vue l’essentiel, à savoir les personnages et leur état mental, bien plus important dans l’absolu que leurs super-pouvoirs (qui ne fait qu’accentuer au fond des traits de caractère). Pour que les choses rentrent dans l’ordre (au-delà du Shadow King), il semblerait qu’il faille une solution encore plus radicale qu’un voyage dans le temps…
Voyager dans le temps jusqu’à la source du problème de David (pas seulement Farouk) impliquait tôt ou tard de s’attarder sur ses parents biologiques, et c’est précisément ce que fait cet épisode-là. Un chapitre particulier qui fait office de libre adaptation d’Uncanny X-Men #161 (tout en mettant de côté le volet « jeune Magnéto traqueur de nazis », déjà adapté en 2011 dans le film X-Men: First Class).
Débutant d’abord comme une sorte de relecture/remake de l’épisode pilote (car ces deux jeunes couples se sont rencontrés dans des circonstances assez similaires) pour ensuite virer au film de maison hantée (la perméabilité entre ces deux époques distinctes finissant par devenir à force la source d’un crucial paradoxe temporel), ce chapitre se montre en outre aussi souple que les comics en terme de temporalité, puisque les époux Charles Xavier et Gabrielle Haller conservent ici leurs liens avec des événements historiques précis, et cela alors même que leurs fils David n’a que 33 ans dans le présent.
Il semblerait que les producteurs ont envisagés de se tourner vers James McAvoy pour reprendre le rôle d’un Charles Xavier encore chevelu (en amont de la sortie du piteux Dark Phoenix), avant de se raviser finalement (en se tournant plutôt vers un acteur de Counterpart et Game of Thrones). Ce n’est sans doute pas plus mal, car cela aura ainsi permit à Legion de conserver son indépendance jusqu’au bout et son caractère d’ovni complètement à part (quand bien même le fauteuil roulant vite aperçu dans la saison 1 provenait d’un des films X-Men). L’occasion aussi de se réapproprier le personnage, en le dépeignant ici sous l’angle du jeune mari/père plutôt que l’équivalent du Pape de la « Mutanité ».
Chapter 23 (2019) Saison 3, épisode 4 Scénaristes : Olivia Dufault & Charles Yu
Confié à Daniel Kwan (le futur réalisateur du film oscarisé Everything Everywhere All At Once), cet pisode axé sur l’expérimentation visuelle (mais pas seulement cela) fait donc autant la part belle aux aspects conceptuels (l’impact de ces time demons/eaters sur l’ensemble de l’épisode, du montage jusqu’aux personnages) et émotionnels (Syd à la rencontre de Syd et le sort des proches de Lenny).
Une manière efficace de renouer avec l’ambiance horrifique des précédentes saisons, comme si la série lorgnait un peu du côté des séries tv britanniques de S.F. concernant le look de ces créatures (leur allure, et leur façon saccadée de bouger, rappelle autant les aliens d’Attack the Block que les anges de Doctor Who). Soit un mélange équilibré de style et de substance (en favorisant l’introspection de personnages confrontés à leurs pires craintes, l’innovation visuelle étant ainsi au service de l’histoire).
Chapitre 24 (2019) Saison 3, épisode 5 Scénaristes : Olivia Dufault & Ben Winters
Si l’horreur de l’épisode précédent était de l’ordre du fantastique/surnaturel, celle de cette épisode-là est cette fois fermement ancrée dans le réel (les hippies armés, évoquant le cas Charles Manson dans l’inconscient collectif), donc plus perturbante (David se comportant comme un boogeyman de slasher).
Le loup est dans la bergerie et il ne fait pas de quartiers ; la série pouvant se permettre de faire le ménage dans le casting à quelques épisodes de la fin (pas seulement des figurants mais aussi des personnages secondaires présents depuis le pilote). Même Lenny, pourtant dévouée à la cause jusque-là, fait ici ses adieux (mieux vaut retourner dans le néant selon elle plutôt que d’être à nouveau une pauvre marionnette). Leur ennemi commun n’aura donc pas suffit à enterrer la hache de guerre entre Division 3 et Legion (partisan d’une fin justifiant les moyens selon lui), qui trouvent le temps de chanter en coeur (Magnolia style) une reprise de “(What’s So Funny ‘Bout) Peace, Love & Understanding”.
Là où l’épisode précédent se concentrait sur un David allant de plus en plus loin dans le côté obscur, celui-ci le délaisse complètement pour mieux se focaliser sur Syd (prolongeant ainsi cette tradition d’avoir un épisode qui lui est dédié à chaque saison). Ce qui peut être vu de prime abord comme un énième détour narratif (via cette réalité alternative sur le plan astral, permettant de bénéficier d’une seconde chance/vie) s’inscrit en réalité dans les thématiques de cette saison (l’éternel débat « nature vs nurture », revisité à la sauce Legion, par le biais d’une Battle de rap (!) avec un grand méchant loup tout droit sorti d’un univers de conte, ainsi que le retour appréciable des époux Oliver & Mélanie Bird.
La cadence s’accélère dans cet avant-dernier épisode, alors que deux factions distinctes et opposés (team David & team Syd) se rendent toutes deux dans le passé pour respectivement prévenir Charles Xavier & Gabrielle Haller de ce qui se trame, dans l’espoir de sauver David (version bébé) du drame à venir. Un recentrage des enjeux qui ne laisse que peu de place à certains personnages secondaires du coup (Switch de plus en plus mal au point, affectée qu’elle est par l’impact du voyage dans le temps, ou encore le duo Carry/Kerry qui se tourne les pouces), tandis que les personnages considérés centraux (Legion/Xavier/Farouk d’un côté, Syd/Gabrielle de l’autre) se taille la part du lion, en terme de temps à l’écran (avec une mention de ce passage obligé qu’est « seriez vous capable de tuer bébé Hitler ? »)
Après une saison 1 souvent axée sur le versant émotionnel du show puis une saison 2 favorisant plutôt un aspect plus cérébral, cette excellente saison 3 constitue une bonne synthèse des deux précédentes, offrant ainsi le meilleur des mondes dans un mix équilibré. Tout en indiquant le rôle-clé du duo/couple David/Syd concernant le dénouement (l’alpha & l’omega du show, tels Kevin Garvey/Nora Durst de The Leftovers, James McGill/Kim Wexler de Better Call Saul, Dale Cooper/Laura Palmer de Twin Peaks).
Entre les deux Shadow King distincts, les time demons et les différentes personnalités de David/Legion, le dernier épisode de Legion a un programme plutôt chargé en terme de dangers, sauf que Hawley a plusieurs as dans sa manche, qu’il s’agisse d’un deus ex machina (Switch révèle sa véritable nature) et de personnages ayant appris à la dure le pouvoir de la compassion durant la série (Sydney & Farouk).
Un final apaisé au parfum quelque peu doux-amer (l’effacement de l’ardoise se faisant au prix d’un très grand sacrifice), qui sonne juste sur le plan émotionnel, en offrant de beaux adieux à chacun de ses protagonistes (Switch et son père, David/Charles, Carry/Kerry, Farouk/David, Charles/Gabrielle et bien sûr les ex David/Syd, ceux sur lesquels la série s’ouvre et se referme, aux côtés d’un bébé heureux). Happy Jack indeed.