LES PRÉDATEURS DE LA NUIT (Jess Franco)

Thriller/horreur
Long métrage français/espagnol
Réalisé par Jess Franco
Scénarisé par René Chateau, Michel Lebrun, Jean Mazarin, Pierre Rippert et Jess Franco
Avec Helmut Berger, Brigitte Lahaie, Chris Mitchum, Florence Guérin, Stéphane Audran, Caroline Munro, Telly Savalas, Anton Diffring, Marcel Philippot…
Année de production : 1988

En 1987, René Chateau, distributeur et éditeur vidéo (son nom évoque toujours bien des souvenirs à ceux qui écumaient les vidéo-clubs à l’époque), a accompagné sa petite amie actrice, une certaine Brigitte Lahaie, sur le tournage de Dark Mission, les Fleurs du Mal, un film d’action produit par la firme Eurociné, responsable des pires zèderies des années 70/80. Il a alors l’occasion d’observer les méthodes du réalisateur espagnol Jess Franco et la débrouillardise du bonhomme qui était capable de tourner deux films à la fois avec un budget microscopique (ce qui explique qu’il pouvait torcher une dizaine de pelloches par an).

Titillé par des envies de production, René Chateau avait en tête une réactualisation des Yeux sans visage, le classique de George Franju. Jess Franco n’était au départ pas totalement convaincu…peut-être parce qu’il avait lui-même signé un film influencé par le Franju, L’Horrible Dr Orloff en 1962. Mais comme Chateau lui proposait un budget un peu plus confortable que ce dont il avait l’habitude, le stakhanoviste ibérique a empoché le chèque sans garder un bon souvenir de l’expérience compte tenu de l’interventionnisme de René Chateau sur le tournage.

Les Prédateurs de la Nuit fut l’un des bides de l’année 1988 et a sonné le glas de la carrière de producteur à peine débutée de René Chateau. Le résultat final est un étrange et bancal hybride, au croisement de plusieurs genres (policier, drame, horreur, comédie involontaire…) et presque sage pour du Franco (pas de zooms, pas de flous, presque pas de femmes à poil…mais tout de même quelques plans gores bien trash) qui fut paraît-il « bridé » par les intentions commerciales de Chateau, auteur de l’histoire sous le pseudonyme de Fred Castle (!).

La dynamique du trio principal, qui mêle voyeurisme, sado-masochisme et inceste, aurait pu créer un peu plus le malaise. Mais ces scènes sont filmées trop mollement et les acteurs pas assez impliqués, à l’exception de Brigitte Lahaie en infirmière nymphomane et sadique, pour être véritablement efficaces. La partie enquête fait un peu trop remplissage et le fait que la bande-originale consiste en une insipide ritournelle (composée par Romano Musumarra, à qui l’on doit notamment Toute première fois de Jeanne Mas et Ouragan de Stéphanie de Monaco…ouch…) réutilisée une bonne dizaine de fois et en toutes circonstances n’aide pas à créer l’atmosphère adéquate.

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On retrouve donc ici le thème de la greffe de visage menée par un chirurgien esthétique prêt à tout (en droguant et en enlevant des jeunes femmes) pour reconstituer le visage de sa soeur adorée défigurée par une ancienne cliente mécontente. Le rôle est joué en mode automatique par Helmut Berger, comédien autrichien révélé par Luchino Visconti en plein déclin suite à ses problèmes de drogue. Parce qu’il a commis l’erreur de kidnapper la fille mannequin (Caroline Munro, dont la carrière marquait le pas à l’approche de la quarantaine…elle allait ensuite s’éloigner progressivement des écrans pour s’occuper de sa famille) d’un richissime homme d’affaires américain (Telly Savalas, présent pour une poignée de scènes qu’il a du tourner en une journée), il a sur ses traces un détective campé par l’inexpressif Chris Mitchum, version sous tranquillisants de son illustre père.

L’histoire part donc dans tous les sens (il faut ajouter les bons vieux clichés ambulants du gay à la voix criarde sorti d’un vaudeville, du serviteur stupide et violent…peut-être le protagoniste le plus « Franco » et le plus Z du lot…et de l’ancien nazi) et se permet même une sorte de mise en abyme (avec l’actrice Florence Guérin, vue dans Le Déclic, qui joue son propre rôle) avant de se diriger vers un final en queue de poisson, du genre qui annonce une suite qui n’est jamais arrivée (parce que faut pas déconner, hein…).

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