REALISATEUR
John Ford
SCENARISTES
James Warner Bellah et Willis Goldbeck
DISTRIBUTION
James Stewart, John Wayne, Vera Miles, Lee Marvin, Edmond O’Brien, Woddy Strode, Lee Van Cleef, John Carradine…
INFOS
Long métrage américain
Genre : western
Titre original : The Man Who Shot Liberty Valance
Année de production : 1962
Le titre ne laisse pas planer le doute : Liberty Valance, grand méchant incarné par l’excellent Lee Marvin qui personnifie à lui tout seul toute la violence de l’Ouest Sauvage, terminera le film entre quatre planches. C’est une certitude car au moment où le long métrage démarre, cet événement fait déjà partie du passé. L’emploi du passé est justement déjà un bon indice de la manière dont l’histoire sera racontée : un long flashback qui amènera ses auditeurs, autant les journalistes qui écoutent le récit du sénateur Ransom Stoddard (impeccable James Stewart) que les spectateurs, à examiner sous un autre angle la matière dont sont faites les légendes.
Car si Liberty Valance est une menace importante (il ne faut pas sous-estimer son rôle qui est bien amenée par la dramatisation de la peur qu’il inspire aux habitants de la petite ville de Shinbone), le conflit qui anime l’antépénutième western de John Ford (avant son segment de La Conquête de l’Ouest et Les Cheyennes) se déroule également sur d’autres plans, ce qui alimente la tension sans recourir aux scènes d’action.
Car de scènes d’action, de gunfights dans la grande tradition du western, il n’y en a quasiment pas dans L’Homme qui tua Liberty Valance. Le film propose une réflexion mélancolique sur la fin d’une époque à travers le portrait de deux hommes, deux figures du bien qui n’ont pourtant pas la même vision des choses. James Stewart est Ransom Stoddard, avocat idéaliste qui veut apporter la loi à des territoires qui n’en ont pas. Stoddard représente le futur, il apporte l’éducation, il enseigne l’égalité, il aide à organiser des élections libres…bref, il rassemble, ce qui n’est pas une chose aisée. Face aux difficultés, l’homme est agité, tourmenté, à l’opposé de l’autre héros du film, Tom Doniphon, campé par John Wayne.
Tom est quant à lui une force tranquille, personnage Fordien très différent de Stoddard tout en partageant une certaine complémentarité avec le représentant de la loi. La loi de Doniphon, c’est celle de l’Ouest…il se dit plus dangereux que Liberty Valance mais il est avant tout un homme bon et courageux…enfin sauf quand il s’agit de déclarer véritablement sa flamme à la femme qu’il aime, Hallie, jouée par Vera Miles (Psychose). Tout au long de l’histoire, Doniphon et Stoddard vont s’opposer, s’énerver, se respecter car ils savent très bien que la victoire de l’un fera que l’autre devra obligatoirement s’effacer…
Thèmes passionnants pour un superbe western crépusculaire (la fin d’une période pour le genre pourrait-on dire, quatre ans avant sa réinvention européenne), magnifié par une spendide photographie en noir et blanc et la maestria toujours intacte de John Ford derrière la caméra. Il se dit que John Wayne n’a jamais été très fan de son personnage. Le Duke avait sa propre vision du héros de western et il aurait avoué qu’il ne savait pas trop quoi faire de son Tom Doniphon. Il fait pourtant bien ressortir les différents aspects de la personnalité du cow-boy, plus complexe qu’il n’y paraît…et il se révèle vraiment émouvant dans ses dernières scènes…
Un dernier quart d’heure funèbre, amer qui finit de démythifier l’aura de Ransom Stoddard tel qu’il apparaît dans les premières minutes. Mais pour les journalistes qui ont écouté la confession de l’avocat devenu sénateur, c’est le mythe qui est le plus important, qui pousse les gens à se dépasser…pas de savoir qui a réellement tué Liberty Valance. Car c’est ça l’Ouest…quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende…