C’est l’aspect académique du dessin.
(et attention, je le dis parce que je viens d’y penser : l’académisme et le réalisme, c’est deux choses séparées : Sienkiewicz a une base académique, parce qu’il a appris comment faire, et il s’en est complètement libéré, jouant avec les limites du réalisme et les frontières de la caricature.)
Là encore, dans l’académisme, il y a des bons et des moins bons. Si on tient un peu un crayon, on finit par voir la maîtrise, ce que j’appelle « la base de dessin ». Et après, il y a le vernis. Un gars comme Ethan Van Sciver, il encre comme Brian Bolland, sauf qu’il n’a pas la base de dessin de Brian Bolland, et pour qui tient un crayon de temps en temps, c’est frappant.
Dans la catégorie « mauvais dessinateurs », il y a des gars qui ont une forte personnalité. On pourrait parler bien évidemment de Kirby, qui commet des fautes partout, mais qui a créé un système, un code, et qui a dépassé tout ça. Tim Sale aussi est un mauvais dessinateur au sens technique. Je pourrais aussi citer Eddie Campbell ou l’un de mes petits préférés, Flint Henry, qui a fait du Grimjack ou du Man-Bat.
Après, y a des cas étranges : Colan, par exemple. Sa base de dessin, elle est là, il a une approche académique. Mais au fil des ans, il s’est émancipé de tout ça : ses éclairages sont impressionnants mais contradictoires, ses perspectives sont faussées, ses visages ne sont pas droits, ses compositions sont bordéliques… et pourtant, tout fonctionne. Il est parti d’un dessin académique pour évoluer vers une espèce de chaos visuel (et si c’était un étudiant en école d’art, il serait recalé).
Là-dessus, académique ou pas, je crois qu’il y a de mauvais dessinateurs tout court. Dans l’approche réaliste, je trouve que Tom Lyle n’a jamais su se débarrasser de ses faiblesses, de même que Rob Guillory, dans une perspective pas académique, ne parvient pas à donner du volume et du relief à son trait (retirez-lui la couleur et le scénario, il reste un mauvais dessin).
C’est très difficile à expliquer, le mauvais dessin. C’est à la fois une mauvaise technique, de mauvais choix et une absence de personnalité. Parfois l’un, parfois les trois. C’est compliqué.
Moi, je refuse le terme : d’une c’est souvent la trace d’un anglicisme, et de deux, l’artiste, il fait « son » truc. Là, c’est souvent des illustrateurs sur commande. Employer « artiste » ici me semble revenir à galvauder le terme.
Jim