MISS PAS TOUCHE t.1-4 (Hubert / Kerascoët)

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Très chouette. Très noir et cruel aussi derrière la première apparence d’une certaine légèreté.

Miss Pas touche - Intégrale - Tome 1

La série phare d’Hubert et des Kerascoët enfin réunie en deux magnifiques intégrales !

  • Éditeur : DARGAUD (18 juin 2021)
  • Langue : Français
  • Broché : 96 pages
  • ISBN-10 : 2205200941
  • ISBN-13 : 978-2205200942
  • Poids de l’article : 807 g
  • Dimensions : 24.1 x 1.4 x 32 cm

Miss Pas touche - Intégrale - Tome 2

La série phare d’Hubert et des Kerascoët enfin réunie en deux magnifiques intégrales !

  • Éditeur : DARGAUD (18 juin 2021)
  • Langue : Français
  • Broché : 96 pages
  • ISBN-10 : 220520095X
  • ISBN-13 : 978-2205200959
  • Poids de l’article : 794 g
  • Dimensions : 24.3 x 1.3 x 31.9 cm

Je viens de lire le premier diptyque, et c’est bien sympa. Plus aventure / enquête et moins drame psychologique que je ne m’étais imaginé.

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Donc Blanche, une jeune femme pudibonde, est bonne chez une patronne radine. Sa sœur Agathe se divertit en fréquentant les guinguettes du bord de Marne, ce qui inquiète l’héroïne à cause de la série d’assassinats sanglants dont les victimes sont retrouvées démembrées. Et un jour, Agathe meurt, dans le minable galetas que la patronne loue aux deux sœurs. Blanche est persuadée qu’elle a été tué par « le boucher des guinguettes », alors que la police, qui s’arrête à la mise en scène, classe l’affaire en suicide. Sans le sou, Blanche cherche un travail, et soupçonne que la dernière victime est une prostituée. Elle trouve donc un emploi au Pompadour, un claque de luxe où elle n’est pas femme de ménage, mais dominatrice. Miss Pas Touche entame sa carrière.

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Ce premier récit est franchement pas mal. Et pourtant, je ne suis pas très client de ce style exploité par la collection « Poisson Pilote » et hérité de ce qu’on avait appelé la « nouvelle BD », une expression en vogue il y a une grosse vingtaine d’années et désormais bien désuète tant cette école a fait des petits. Le dessin, qui cherche volontairement l’imprécision du premier jet et le flou du croquis, et les couleurs désaturées en aplats composent un cocktail qui ne m’a jamais enthousiasmé. Je suis donc passé à côté de pas mal de choses, y compris cette série dont la réputation n’est pourtant plus à faire.

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Il y a de bien belles choses : une case blanche pour représenter l’horreur et le basculement, des ruptures de tonalité qui donnent une personnalité complexe à la série et décrivent le cheminement de l’héroïne… Et tant mieux car l’intrigue, en soi, est simple : Blanche est effectivement au bon endroit pour trouver le coupable, mais elle vise la mauvaise personne. S’ensuivent quelques quiproquos qui entretiennent le suspense.

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Sous le dessin faussement simple, le scénario n’hésite pas à montrer des choses dures (la prostitution, bien entendu, mais aussi un assassinat, la haine, la culpabilité…). On y parle de la condition de la femme, de la corruption des milieux d’influence… Les dialogues signés Hubert sonnent juste et mettent en valeur des personnages parfois truculents, parfois fragiles, souvent complexes. Une complexité qui permet à un lecteur comme moi de dépasser la (fausse) simplicité du dessin.

Jim

J’ai trouvé récemment les tomes 3 et 4, qui proposent une deuxième intrigue.

Blanche fait la rencontre d’un client étrange, un jeune héritier prénommé Antoine qui loue ses services afin qu’elle… ne fasse rien. Il se contente de la regarder, de fumer et de sourire. Voire de danser. Puis elle est invité par ce prétendant d’un genre nouveau au restaurant ou dans les plus chics magasins. Parallèlement, elle renoue avec sa mère, désargentée et à la vie dissolue. Enfin, la méfiance gronde parmi les filles du Pompadour qui complote contre Blanche la fouetteuse.

Bien sûr, l’affaire tourne mal, à plusieurs niveaux : la relation entre Blanche et Antoine semble motivée par des raisons secrètes, et Blanche est la victime d’un traquenard mené par les autres filles. Le dessin expressif mais parfois à peine esquissé des Kerascoët est agréable à l’œil, c’est léger, aérien, souple, ça se lit vite. Les dialogues sont sympathiques, bien caractérisés, avec ce qui faut de gouaille mais pas trop.

Jim

Alors que la première partie de ce diptyque commençait sous un éclairage de comédie, avec les non-dits et les incompréhensions du vaudeville (et les sous-entendus pas trop dissimulés visant à mettre le lecteurs dans la confidence d’un secret qui échappe à Blanche), cette deuxième partie est nettement plus sombre.

D’une part, on renoue avec les ficelles du polar ayant présidé à la naissance de la série (ici : complot, empoisonnement, enlèvement, poursuites…), dans des séquences qui bougent, nocturnes et sombres. D’autre part, le scénariste dévoile ses cartes : il nous parle du traitement inhumain réservé à l’homosexualité dans une société qui perçoit ce choix de vie comme une maladie. L’oie blanche qu’est… Blanche, justement, ne comprend qu’en retard, ce qui permet de jouer la carte de la surprise. Ce qui est intéressant, c’est que ce personnage ne se montre pas héroïque ou progressiste, mais incarne les aveuglements de son époque.

Je suis assez étonné du plaisir que je prends à lire cette série. D’ordinaire, je ne suis pas tellement client de cette « nouvelle BD française », cette génération d’héritiers de Sempé qui recourent à un dessin esquissé, aux apparences trompeuses de brouillon, sous des couleurs en aplats. Le catalogue de la collection « Poisson Pilote », en général, ce n’est pas ma came. Pourtant, la narration, la gestion des cases muettes, le placement des bulles, tout concourt à faire du récit quelque chose de fluide et d’élégant, où rien ne bute.

Jim