En dépit de personnages anémiques (hormis peut-être le pilote de l’aile rouge perdu dans le temps qui acquiert de l’épaisseur pendant sa brève escale chez les Mayas), j’étais plutôt pris dans l’histoire jusqu’à ce que survienne le cliffhanger du deuxième épisode et que les explications commencent à pointer le bout de leur nez. La révélation sur l’identité de l’ennemi était prévisible (pas forcément le personnage en lui-même, mais d’où il vient et ce qu’il représente) et à partir de là, dès que les motivations de l’ennemi sont connues et que le propos qui sous-tend l’histoire est exposé, le récit verse dans une morale conformiste et lénifiante.
[spoiler]L’histoire se développe sur deux lignes temporelles distinctes. D’un côté, on suit les pas d’un des premiers pilotes de l’aile rouge, un vaisseau qui permet de voyager dans le temps, qui est perdu dans le passé suite à une mission qui s’est mal terminée. De l’autre, on suit son fils, quelques années plus tard, qui est également devenu pilote d’une aile rouge et qui reprend la guerre dans laquelle était impliquée son père, face à mystérieuse armée qui a aussi la technologie pour voyager dans le temps.
L’humanité a épuisé les ressources de la Terre, ne laissant rien à ses héritiers, hormis l’obligation de s’exiler dans l’espace pour survivre. Et les héritiers en question, trop occupés à se déchirer, finissent par s’accorder sur un point: puisque leurs ancêtres sont responsables de cette situation, autant utiliser le voyage dans le temps pour aller piller le passé et le présent afin de bâtir un futur plus agréable.
Face à cette découverte choquante, le héros, dont l’adversaire futuriste n’est autre que son propre fils, décide de détruire toutes les installations des belligérants et de retourner dans le passé pour bien s’occuper de son fils afin qu’il ne devienne pas un fou dangereux dans le futur qui menacera le flux du temps.
Voilà, en mettant de côté le techno babillage, c’est le propos qui sous-tend Red Wing. A moins que certaines choses ne m’aient échappé (ce qui est tout à fait possible), ça se résume au constat béat qu’il faut prendre soin de notre planète sous peine de condamner nos descendants à long terme, ce qui ne fait que rabâcher une problématique déjà soulevée depuis pas mal de temps à notre époque. Alors qu’à mon sens, tout l’intérêt de créer un contexte de science-fiction autour de ça aurait été d’essayer d’apporter des solutions technologiques et sociales, qu’elles soient fictives ou possibles, et proposer ainsi une véritable réflexion au lecteur pour le faire cogiter.
C’est peut-être moi qui surinterprète les intentions d’Hickman (peut-être qu’il ne visait qu’à produire un simple divertissement, auquel cas je n’y ai adhéré que le temps de deux épisodes), mais à partir du moment où les personnages me semblent servir uniquement de rouages de l’intrigue, j’ai eu la désagréable impression que le scénariste m’imposait ses vues sur la thématique écologique sans proposer d’éléments pour que je puisse me faire ma propre opinion.[/spoiler]
Par ailleurs, je n’ai rien compris à la conclusion, même après avoir relu deux fois les dernières pages.
[spoiler]Dans la première ligne temporelle de l’histoire, le pilote perdu détruit les installations de l’armée du futur et s’échappe avec un de leurs vaisseaux pour être auprès de son fils et l’empêcher de mal tourner.
Dans la deuxième ligne temporelle, le fils et ses coéquipiers ont essuyé une attaque sur la station spatiale où ils sont postés et, après un âpre combat, ils pansent leurs blessures. Suite à la perte d’un de ses amis pendant l’attaque, le général de la station prend à part le fils pour lui faire quelques révélations.
On savait que c’était le général qui avait engagé le père comme pilote avant qu’il ne s’égare dans le temps. A la fin, le général dévoile un peu l’historique du moteur pour voyager dans le temps, conçu par son propre père, et révèle qu’il a bâti la station et mis en place le programme de vol temporel pour faire honneur à l’esprit créatif et précurseur de son père. Pendant la discussion, une case nous révèle la photo que le général conserve sur son bureau, et qui représente son père. Et il s’agit visiblement du jeune pilote avec qui il parle en ce moment même. Du moins, c’est ce que j’ai compris, parce qu’il n’y a pas de dialogues ou de récitatifs pour le confirmer, mais le dessin est explicite.
Et c’est à ce moment-là que ça coince. Comment serait-ce possible puisque son père n’est qu’un jeune pilote pas très doué qui n’a visiblement rien inventé. L’explication la plus plausible est celle décrite dans le résumé de l’éditeur, à savoir que le général n’est pas le fils du jeune pilote mais en réalité son père, qui est revenu de son excursion du futur pour veiller sur le fils qu’il n’a pas vraiment connu. Sauf que ça ne colle ni avec la photo sur le bureau, qui représente trait pour trait le jeune pilote en compagnie d’une femme (une de ses collègues présentée en amont dans le récit), ni avec la réplique du général, qui précise bien qu’il s’agit de son père.[/spoiler]
J’ai beau me creuser la tête en tenant compte du fait que le temps dans cette histoire est représenté comme une spirale recourbée sur elle-même et que les paradoxes temporels n’existent pas, je ne vois pas comment les deux solutions sont possibles, ne serait-ce que vis à vis des informations données via les dialogues et le dessin. J’ai l’impression d’être passé à côté de quelque chose, alors que l’histoire ne m’avait pas semblé complexe jusque-là. Si quelqu’un a compris le dénouement, j’apprécierai qu’il m’éclaire sur sa signification.