J’ai relu récemment le TPB de 1993 que j’ai chez moi, dans ma frénésie supermanienne actuelle.
Pour (double) rappel, la saga emprunte son nom à un épisode de la série télévisée avec George Reeves, et constitue le dernier gros événement éditorial avant « Death of Superman ». Nous sommes en 1992 et les aventures du héros tournent bien, avec un système élaboré par Mike Carlin où chaque équipe apporte ses idées. Les textes d’accompagnement, notamment la préface par Roger Stern, jettent une lumière intéressante sur ces habitudes méthodologiques, et notamment sur les fameux « Super-Summits », vastes réunions auxquelles les auteurs sont conviés afin d’établir le programme des publications dans les six ou douze mois à venir.
Comme souvent dans les TPB de l’époque (1993, c’est le moment où Reign of Supermen est encore en cours de publication, mais c’est aussi une période où les habitudes éditoriales ne sont pas encore fixées), le recueil dispose d’une jolie couverture inédite de Dan Jurgens, qui s’étend sur la quatrième de couv.
Reprise d’ailleurs, si j’en crois les images que je trouve sur le net, dans l’édition plus récente :
Le récit est simple : Brainiac revient.
Je ne connais pas tous les détails comblant son parcours entre le moment où sa conscience s’extirpe du corps de Milton Fine et celui où il reprend le contrôle de son vaisseau spatial en forme de crâne, mais le super-vilain a en tout cas été présent en subplot depuis longtemps dans les séries. Après s’être attaqué à la planète Almerac, foyer de Maxima (encore un personnage apparu à la fin du sommaire de Superman: The Exile and Other Stories Omnibus) et avoir pris le contrôle mental de celle-ci, l’extraterrestre vert constitue une petite force de frappe et projette de mener une contre-attaque sur Terre.
Le sommaire s’ouvre sur Action Comics #674, par Roger Stern, Bob McLeod et Denis Rodier (ce dernier se pliant sans accroc au style de son dessinateur, au point qu’on a l’impression que ce dernier s’encre seul). L’action débute dans l’espace avec un Superman au costume gris confronté à différents extraterrestres, dont Draaga, un ancien gladiateur du Warworld désireux de retrouver son honneur en affrontant à nouveau l’Homme d’Acier.
Sauf qu’il ne s’agit pas du héros, mais de Matrix, déjà évoquée dans ces colonnes. Elle porte encore l’apparence clarkoïde qu’elle avait adoptée durant l’exil spatial du tenant du titre, mais retrouve son aspect de Supergirl lors du combat. À la fin du récit, cependant, elle tombe sous la coupe des pouvoirs mentaux de Brainiac, qui a déjà contrôlé Maxima. Roger Stern, fidèle à ses habitudes d’écriture, parvient en plus à créer des scènes faisant le point sur Jimmy Olsen et Bibbo. L’épisode est généreux, limpide et donne un nouveau statut à Matrix. Sans donner l’impression de se précipiter.
Le cross-over proprement dit commence dans les pages de Superman - The Man of Steel #9, la plus récente addition au catalogue, une série dirigée par la scénariste Louise Simonson et le dessinateur Jon Bogdanove. On pourrait résumer son style à « caricature et démesure » : ses dessins sont puissants, exagérés, recourant à de grandes cases et à des expressions et des corps déformés. Très agréable, son approche diverge cependant du réalisme académique de mise sur ces titres. Mais c’est souvent l’occasion d’un tourbillon de folie.
Si le prologue par Stern est équilibré et prend le temps, ce « premier assaut » de Brainiac est caractérisé par l’action omniprésente et par la vitesse. Le vaisseau en forme de crâne apparaît au-dessus de Metropolis, causant des dégâts conséquents, et Superman part explorer l’appareil, constatant qu’il est vide.
Prévenu que Brainiac va bientôt passer à la vitesse supérieure, et comprenant que son adversaire est désormais aux commandes du Warworld, le héros cherche des alliés dans Superman #65, ce qui vaut à Dan Jurgens de signer une couverture sur fond blanc, pour laquelle il a milité auprès de Carlin.
Après la mission d’Orion et Lightray, qui se conclut par leur capture, les héros, menés par Superman, portent la contre-attaque dans Adventures of Superman #488. Ils sont alors confrontés à Brainiac et ses esclaves mentaux, tandis que sur Terre un commando à la tête duquel on trouve Aquaman et Nightwing se chargent de repousser les forces du tyran.
Tout cela est très chouette, dynamique, enlevé, épique, surtout quand Tom Grummett s’ingénie à dessiner des bastons surpeuplées. Mais les choses vont peut-être un peu trop vite. On a parfois l’impression qu’il manque une scène, qu’une explication aurait pu figurer, qu’un raccord aurait dû être mis en avant, afin de justifier cette profusion de péripéties (c’est le cas avec la « trahison » de Kilowog, annoncée par celles de Guy Gardner et de Flash, mais tout de même, c’est un brin rapide). L’ensemble est plutôt sympathique, d’autant que le contrôle mental de Brainiac permet de justifier le changement de camp de certains personnages et le retournement de plusieurs situations, mais la sensation diffuse qu’il n’y a pas assez de pages reste présente.
La « quatrième frappe » survient dans Superman - The Man of Steel #10, dont la couverture est un hommage (et un renversement) à celle signalant la mort de Superman dans Crisis. Draaga, le gladiateur bafoué, s’interpose entre la nouvelle Supergirl et le danger imminent, et se sacrifie. C’était prévisible, mais la scène ne manque pas de souffle.
Dans Superman #66, alors que le Warworld se profile à l’horizon de la Terre et que le fils de Luthor (en fait, l’ancien dont l’esprit est transplanté dans un corps cloné) et le professeur Hamilton organisent la résistance, les héros parviennent enfin à couper Brainiac de son arsenal mental.
La conclusion paraît dans Adventures of Superman #489, où les héros reviennent sur Terre à l’aide d’un Boom Tube, à l’occasion d’une fête organisée par Luthor et Hamilton. Le recueil se conclut sur une page en milieu d’épisode, insistant sur le nouveau rôle de Supergirl, destinée à s’imposer dans les séries, mais aussi sur l’héritage de la série, puisque l’action de cette scène se situe en présence du Cellkeeper (ancien personnage du Warworld) et près de la tombe du Cleric, toujours dans cette optique d’évolution au long cours organisée par Carlin.
Le récit est très agréable, mais il aurait peut-être gagné à être décompressé. On le sent à cette conclusion qui s’empresse d’utiliser la deuxième moitié de l’épisode afin de lancer une intrigue autour du professeur Hamilton, victime de ses inventions. Le rythme (trop) soutenu a également pour conséquence d’oublier un temps les personnages civils des séries : exit Lois Lane, Jimmy Olsen, Perry White, qui ne réapparaissent qu’à la faveur de scènes directement en lien avec l’intrigue en cours, et non en vue de développer les personnages ou d’annoncer de nouveaux récits à venir.
Néanmoins, la saga revêt une certaine importance, au moins d’un point de vue éditorial. Elle remet Brainiac au centre de l’échiquier cosmique, conclusion d’une longue sous-intrigue qui se déroule depuis la fin de la période Byrne. Elle place également Superman au centre de la communauté super-héroïque, l’imposant en chef de guerre, ce qui annonce son rôle à la tête de la Ligue de Justice dont Dan Jurgens reprend le titre au même moment. Dans le même ordre d’idée, le scénariste et dessinateur souhaite récupérer Maxima, que Jerry Ordway destinait au rang de souveraine du Warworld : la planète-arène sera donc confiée à Orion, un temps. Panic in the Sky s’avère donc, au-delà de l’hommage à la série télévisée et d’une certaine précipitation dans la forme, une lecture agréable, pleine d’action, et un tournant dans la construction du personnage, Carlin et ses équipes accomplissant là encore ce qu’ils avaient promis des années plus tôt, à savoir remettre Superman sur le devant de la scène.
Jim