RÉÉDITIONS DC : TPBs, Hardcovers, Graphic Novels

Si la série Batman - The Caped Crusader reprend les Batman de l’ère O’Neil, son pendant, Batman - The Dark Knight Detective, compile les épisodes de Detective Comics correspondant à la même période.

Le premier tome de Batman - The Dark Knight Detective couvrait, en gros, la période Mike Barr, et s’arrêtait juste avant l’arrivée d’Alan Grant et John Wagner, deux auteurs britanniques transfuges de 2000 A.D. Avec ce tandem d’auteurs irrévérencieux, associés à un jeune dessinateur prometteur, Norm Breyfogle, qui développe très rapidement des idées précises quant au traitement graphique de Batman, Denny O’Neil semble avoir trouvé l’équipe en or. À raison. Et d’un coup, la série est électrisée.

Le premier épisode du recueil est Detective Comics #583. On y parle de trafic de drogue, de petite délinquance, et on y observe un Batman qui fonce, véritable rouleau compresseur au milieu des malfrats. Action, vitesse, rapidité, et mauvais esprit. Cet épisode, quand il est sorti, a fait causer. Je me souviens qu’à l’époque, je lisais une rubrique chroniquant les sorties américaines (était-ce dans USA Magazine ou dans Pilote & Charlie, je ne sais plus…) et les chroniqueurs se sont arrêtés sur cette scène du premier épisode du tandem où Batman plonge la tête d’un bandit dans les toilettes puis tire la chasse.

Breyfogle, de son côté, dessine un Batman tout en mouvement, élancé, étiré même au gré des déformations anatomiques qu’il impose au personnage. Les traits de mouvements sont nombreux, accélérant plus encore la sensation d’accélération est saisissante. De plus, il commence à cadrer Batman en contre-plongée, et comme il rallonge les oreilles du masque, il établit un code graphique assez étourdissante, celui d’un visage pyramidal, presque symbolique. Au début, Breyfogle est encré par Kim DeMulder mais, bien vite, il sera associé à Steve Mitchell, et le résultat dispose d’une personnalité vraiment affirmée. Detective Comics trouve en quelque sorte sa voix plus vite que Batman.

De leur côté, Grant et Wagner choisissent de privilégier les rapports de Batman à la criminalité, comme si les soucis personnels étaient réservés à la série Batman. Et dans cette perspective, ils apportent un bataillon de nouveaux vilains, qui auront un succès plus ou moins grands, mais dans l’ensemble, le tandem de scénaristes fait mouche.

Les épisode 583 et 584 font intervenir Scarface, le vilain ventriloque, un personnage que les deux scénaristes avaient d’abord envisagé d’opposer à Juge Dredd. Dans l’univers de Batman, le méchant connaîtra une belle carrière. Dans les deux chapitres suivants, ils confrontent Batman au Ratcatcher, qui aura lui aussi un parcours plutôt honorable. Pas mal, pour deux créations. Leur troisième méchant, le Corrosive Man, qui occupe les épisodes 587 à 589, n’aura pas le même bonheur, mais ce criminel pathétique, qui rappelle le Clayface de Len Wein et plein de méchants marvéliens.

La suite du sommaire donne l’occasion de découvrir un « Bonus Book », petite histoire réalisée par des débutants, consacré à Poison Ivy, ainsi que Detective Comics Annual #1, réalisé par Denny O’Neil, Klaus Janson et Tony DeZuniga (Janson ne s’encrant pas, pour une fois, ce qui donne un résultat aussi surprenant qu’agréable). Le scénariste en profite pour faire intervenir Ra’s Al Ghul, Talia et Question, un héros dont il écrit les aventures à la même période : la suite d’ailleurs de cet Annual se trouvera dans un numéro équivalent dédié à Vic Sage.

Les auteurs venant de la lointaine Angleterre, il fallait bien qu’un jour Batman fasse le voyage en sens inverse : c’est ainsi qu’il fait un détour par Londres dans Detective Comics #590. L’équipe est complètement efficace, et l’action le dispute au drame et aux sentiments. Parfaitement rodé.

Le dernier épisode confronte Batman au « Temps du Rêve » des aborigènes australiens, dans cette logique amenée par Grant et Wagner (mais qui semble plaire à O’Neil, lui-même adepte d’un Batman globe-trotter) de sortir le justicier de sa zone de confort, de sa jungle urbaine. Encore une occasion pour jouer aussi sur les perceptions du personnage, comme souvent avec les deux scénaristes.

Un TPB qui montre comment une série, en renouvelant tout son personnel, parvient à trouver son ton, sa voix, sa singularité.

Jim