RÉÉDITIONS DC : TPBs, Hardcovers, Graphic Novels

Je viens de relire la fin du run de Bill Messner-Loebs sur Wonder Woman, illustré par Mike Deodato (qui faisait une entrée remarquée chez les deux majors à cette occasion).
Pour faire court, c’est pas mal du tout, mais ça a un goût d’inachevé.

L’ensemble des épisodes a été compilé dans deux petits TPB, tels qu’on en faisait il y a vingt ans à une époque où l’édition de TPB n’était pas monnaie courante. Le premier s’intitule « The Contest » et le second « The Challenge of Artemis ».

51BYZJW9QYL

Bill Messner-Loeb est sur la série depuis une grosse vingtaine d’épisodes, succédant à George Pérez qui avait refait de la Princesse Amazone un personnage incontournable. Il avait réussi à s’émanciper de l’ombre de son prédécesseur, ce qui n’était pas facile. Je n’ai pas tous les épisodes de cette période, mais ce qui frappe, c’est l’approche du scénariste, qui confronte son personnage au monde réel, et notamment à l’argent (comparable un peu à ce qu’il a fait sur Flash). Il est en général assisté de dessinateurs plutôt compétents mais pas tape-à-l’œil (Jill Thompson, Paris Cullins, Lee Moder…). L’arrivée de Deodato au numéro 90 va donc changer la donne.
Même si son premier épisode est encore assez calme, Deodato lorgnant vers Silvestri, Garcia-Lopez voire Russ Manning, le dessinateur va rapidement imposer le style qu’on lui connaît, fait de cases éclatées et de bimbos aux jambes kilométriques.

L’intrigue est en gros la suivante : Diana vient de libérer Themyscira du joug de Circe, qui avait fait disparaître l’île dans l’espace-temps. Elle est contente de retrouver sa mère (Hippolyta) et ses copines (Mala, Phillipus…), mais pour les Amazones, la séparation a duré dix ans, durant lesquels les guerrières se sont trouvées opposées à une tribu perdue, avec laquelle elle doivent s’allier afin de survivre. Ces Amazones retrouvées partagent désormais une partie de l’île.
La Reine Hippolyta, persuadée que sa fille n’a pas réellement bougé son popotin pour sauver les Amazones, organise un nouveau tournoi visant à désigner une nouvelle Wonder Woman qui, elle, assumera son rôle. Diana s’inscrit, mais c’est Artemis, membre de la tribu perdue, qui remporte la mise. Dans le même temps, Diana a découvert quelques secrets familiaux et met en doute la parole de sa mère quant à sa naissance et sa lignée. Bref, le torchon brûle entre la mère et la fille.

Messner-Loebs pratique une politique de guerilla, secouant le statu quo de la série régulièrement. L’irruption d’un dessinateur spectaculaire (mais qui ne fera pas illusion longtemps) est l’occasion d’un bon secouage de cocotier. Endossant un autre uniforme, Diana s’associe à un détective privé afin de mener des enquêtes lucratives qui lui permettront d’aider ses amies. Et on sent bien que le scénariste a un fil rouge à dérouler mais, au fil des épisodes, on a l’impression qu’il se précipite pour ranger les jouets. En effet, les choses mises en place (l’agence de détective de Diana, la campagne de comm d’Artemis…) sont éclipsées par des séquences de baston fort spectaculaires mais un peu encombrantes.

La narration de Messner-Loeb procède souvent par ellipse, mais la mise en scène de Deodato rend parfois l’ensemble un peu flou. Il est de notoriété publique qu’à l’époque, le dessinateur ne lisait pas très bien l’anglais, ce qui occasionnait parfois des erreurs, des bourdes. Ici, si le premier épisode est à peu près nickel (avec même un effet narratif intéressant : une même scène vue par deux personnages différents, avec deux interprétations opposées), on a quand même des scènes bizarres, des personnages qui sortent de nulle part, et visiblement des dialogues plaqués à des fins de colmatage.

http://static6.comicvine.com/uploads/original/11117/111172593/5215096-1131481fbdc6519423467de278fb75a9.jpg

Le récit emmène Diana au milieu d’une guerre des gangs à Boston, à laquelle participe le White Magician, qui s’avère être le gros méchant qui tire les marrons du feu. Parallèlement, Artemis lutte contre des vilains caricaturaux (genre : The Chauvinist) et s’épuise dans ce qui s’avère n’être qu’une mise en scène de ses chargés de comm.
C’est là qu’on sent que le scénariste en avait encore sous la pédale. Parce que plein de choses demeurent irrésolues ou simplement survolées. Par exemple, rien n’est résolu concernant les chargés de comm. L’affaire de l’agence de détective est abandonnée en cours de route. Artemis meurt* à la fin du combat contre le White Magician devenu un monstre, et se contente de dire à Diana dans un dernier râle qu’elle est la seule et unique Wonder Woman.
Les choses étant précipitées, il manque à cette série d’épisodes une engueulade franche entre les deux héroïnes, et peut-être aussi de grandes scènes d’action communes, que l’on ne voit en fait qu’en couverture. Ce qui rajoute à ce sentiment d’inachevé.
Quand Messner-Loebs et Deodato partent, ils sont remplacés par John Byrne, invité par l’editor Paul Kupperberg. Ce dernier souhaitait-il secouer à nouveau le cocotier de la série ? Messner-Loebs n’avait-il plus rien à dire ? Les relations éditoriales s’étaient-elles distendues ?

Il y a un sentiment de « dommage, quand même », à la lecture de ces deux TPB. L’épisode 100 comprend beaucoup de belles scènes, et s’il a un rythme tout à fait convenable, on sent bien que le scénariste range les jouets et boucle ses intrigues. Il y a une idée formidable concernant Circe, où l’on reconnaît une idée que Messner-Loebs a souvent exploitée, à savoir la rédemption du vilain. Et là encore, on se dit qu’il aurait peut-être géré les choses différemment, relançant l’affaire autour de la méchante.
Quelque chose que l’on retrouvera d’ailleurs dans les épisodes de Thor que Messner-Loebs (illustré par différents membres du Deodato Studio), qui reprennent l’idée de la sorcière convertie (l’Enchanteresse) et du double arrogant (Red Norvell). Un run qu’il n’aura pas non plus le temps de faire fructifier.

Jim

  • J’ai pas trop bien suivi, mais de mémoire, elle est revenue. Et il me semble par Messner-Loebs. Le scénariste promoteur à la tête d’une série dérivée. C’est un peu comme Thunderstrike créé par DeFalco, par exemple…