L’ennemi des Jeunes Titans, qui a constitué l’un des éléments forts de la saison 2 d’Arrow (des trois premières que j’ai vues, c’est la seule qui mérite le déplacement) et s’annonce comme l’ennemi de poids dans le prochain film consacré à Batman, a eu droit à une série à son nom, écrite par son co-créateur, Marv Wolfman.
En 1992, les débuts de la série avaient déjà fait l’objet d’un recueil, Deathstroke: Full Cycle, reprenant New Titans #70 et les cinq premiers numéros du titre, dans lesquels l’anti-héros affronte un nouveau Ravager. Le tout sous une nouvelle couverture formidable de Mike Zeck, l’un des points forts de la série (ses illustrations sont somptueuses).
Ces derniers temps, dans la logique patrimoniale de DC, la série est reprise en gros volumes, dans une optique "intégrale. À ma connaissance, il n’y a pour l’instant que deux recueils, le troisième semblant annoncé pour avril prochain (et devant contenir les numéros 14 à 20, mais bon, les trois premiers étant connectés au cross-over « Total Chaos », je me demande si c’est facile à lire : à voir dans quelques mois).
Bref.
J’ai donc lu les deux premiers recueils. Je connaissais vaguement quelques péripéties, pour être parvenu à rassembler quelques fascicules, notamment ceux mettant en scène Pat Trayce, la deuxième Vigilante. Mais tout relire dans l’ordre est assez intéressant.
Le premier volume se tient très bien : un seul scénariste, Wolfman, un seul dessinateur, Steve Erwin, qui a un style réaliste pas désagréable (ses décors sont un peu faiblards, mais ses personnages sont bien tenus et il a une narration efficace, on sent chez lui l’influence classique qui fait le miel d’un Eduardo Barreto, sans l’élégance de ce dernier cependant), un déroulement logique des péripéties (Deathstroke ayant affronté le nouveau Ravager, il cherche à identifier une mystérieuse organisation ayant financé les menées terroristes de ce dernier, ce qui le conduit à Gotham à l’occasion de l’arc « City of Assassins »…).
Le deuxième tome est plus disparate. Les deux épisodes de l’entraînement de Pat Trayce sont dessinés par Art Nichols et encrés par George Pérez, c’est plutôt joli mais ça marque une rupture. S’enchaînent un épisode de Superman par Jurgens, un fill-in écrit par Steven Grant, un Annual faisant partie de la saga « Eclipso Within »… Bref, ça part un brin dans tous les sens, même si Jonathan Peterson et Wolfman lui-même maintiennent la cohésion. Gageons que le tome suivant sera mieux tenu.
Dans l’ensemble, ça reste très agréable à lire. L’air du temps de l’époque (nous sommes au tout début des années 1990) est à la promotion de héros musclés, violents et armés jusqu’aux dents, dans le sillage des robliefelderies engrangeant de grands succès chez Marvel. Lancer une série Deathstroke rentre parfaitement dans cette logique. Sauf que Wolfman la pervertit délicatement. Le personnage, au moment du lancement, vient de participer à la saga des Wildebeest au sein de la série New Titans, devant tuer son fils Joe possédé par une entité maléfique. à cette occasion, il est allié aux Titans qui le considère comme un héros. Et il est profondément traumatisé par cette mort.
Mais justement, là où d’autres héros s’endurcissent face au deuil, quelque chose casse chez Slade Wilson et une facette inconnue apparaît : il ne devient pas plus méchant, mais plus attentif, plus dévoué à ceux qu’il a choisi d’aimer. Il prend des distances, également, mais il demeure sensible au chagrin, à l’inquiétude. Bref, le parcours inverse de celui que suivent les comics de l’époque. Les auteurs ne s’y trompent pas, d’ailleurs : dans l’un des épisodes, Wilson affronte une parodie de X-Force, et Zeck met en scène sur la couverture l’affrontement entre Slade et Hemp, une brute borgne équipé d’un flingue plus gros que lui, pastiche évident de Cable. Zeck recourt à un encrage tout en hachure pour Hemp, alors que Deathstroke est encré à sa manière habituelle.
Autre point intéressant : ceux qui connaissent le boulot de Wolfman savent que le thème de la réputation est central chez lui : les super-vilains tentent souvent de ruiner la réputation du héros (du Jester face à Daredevil à Vandal Savage contre Superman…). Ici, le thème est présent mais sous une autre forme, le mercenaire s’attachant à protéger une réputation qui, de toute façon, le précède. Les rapports entre l’assassin à gage et les héros sont à ce titres assez riches.
Bref, une lecture bien sympathique, qui offre son lot de péripéties et de baston avec une caractérisation solide. Et qui me donne encore plus envie de lire les New Titans de Wolfman de la même période (que je connais for mal).
Jim