RÉÉDITIONS DC : TPBs, Hardcovers, Graphic Novels

Parmi les choses que j’ai dans ma bibliothèque et que je n’ai jamais lues, il y a « Shaman », le premier arc de Legends of the Dark Knight, réalisé par Denny O’Neil et Ed Hannigan.

Rappelons rapidement le principe de cette série, lancée à la fin des années 1980 : il s’agit d’explorer les premières années de carrière de Batman, en donnant diverses suites au Year One de Miller et Mazzucchelli. La série a proposé des histoires succulentes par des équipes variées, et constitue une petite mine pleine de pépites.
Ami et mentor de Miller, Denny O’Neil se charge d’écrire le premier récit, et c’est Ed Hannigan qui dessine. L’histoire n’est pas extraordinaire (Bruce Wayne en goguette à la montagne, ramène une légende indienne dont la propagation a des conséquences violentes : c’est très seventies, mais avec une intégration intelligente des apports de Miller).
J’ai souvent exprimé mon manque de goût pour la voix off telle que l’utilisent plein de scénaristes d’aujourd’hui, en guise de béquille narrative et peut-être de caution de sérieux, comme si donner à lire les pensées du personnage suffisait à rendre « adulte » le récit. En général, le résultat est lourd, envahissant, bavard, parfois trop littéraire pour être crédible, bref, c’est une faiblesse d’écriture trop visible.
Dans le cas de « Shaman », c’est tout le contraire. O’Neil, on peut penser que c’est lourd, mais il sait écrire. Et là, il mélange une voix off de narrateur, qui dit « il » pour désigner Batman, et une voix off de personnage, interne, structurée comme dans Year One. Et sans guillemets, sans changements de couleurs, rien. C’est simplement à l’écriture, au style, qu’on sent le passage de l’un à l’autre. Là, pour le coup, chapeau.
Au-delà de ces qualités évidentes (signalons qu’O’Neil écrit un Alfred moins sarcastique que celui de Miller, mais encore bien décalé), on retrouve les tics du scénariste. Par exemple, il envoie Bruce loin de Gotham, et, comme souvent, à la montagne : O’Neil aime bien la montagne. Le récit en lui-même, qui pourrait être signé Goodwin, est une enquête avec recherche d’indices et analyse de profil : « car après tout, c’est un détective », nous dit la voix off.

Question dessin, c’est plutôt sympa, mais assez classique. Assez DC, je dirais. Chez Hannigan, ce que j’aime le plus, c’est ses Spectacular Spider-Man où il singe Ditko, et ses couvertures, que ce soit chez DC ou Marvel. Là, il livre une prestation beaucoup plus plate. Narrativement, c’est impeccable, mais le trait en lui-même est éteint. L’impression de mon édition Titan Books, un peu terne, ne rend pas justice aux couleurs de Richmond Lewis et finit d’écraser le trait : je serais curieux d’avoir une version noir et blanc, pour le coup.
J’ai appris récemment qu’il existait un TPB américain du milieu des années 1990, orné d’une autre couverture, plus classique quant à elle. Je ne sais pas quelle est la qualité de papier.

Et apparemment, il y a une réédition américaine récente qui reprend la couverture de George Pratt, et dont on peut imaginer qu’elle offre un meilleur papier que celui de Titan Books. Bref, tout ça pour dire que le récit semble encore facilement accessible. Ceux qui apprécient l’histoire du personnage et qui sont curieux de sentir l’évolution, palpable durant cette période historique, seront sans doute intéressé par ce récit dans lequel un scénariste classique se glisse dans un mouvement général de modernisation.

Jim