RÉÉDITIONS DC : TPBs, Hardcovers, Graphic Novels

Voilà, j’ai quasiment tout relu des Demon de Garth Ennis, récemment réédités en deux tomes que je conseille aux amateurs de délicatesse, d’humour raffiné et de bon goût.

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La prestation d’Ennis, alors nettement moins connu et faisant partie de la fin de la « vague anglaise » qui a contribué à électriser les super-héros et à diversifier l’offre (alimentant notamment le catalogue Vertigo, ce qui n’est pas un mince exploit), est assez épatante. Le scénariste impose un style pétaradant, irrévérencieux et tonitruant, et même si, au milieu des années 1990, on commençait à être habitué (Demon et quelques autres séries faisaient figure de bouffées d’air frais, au milieu des grosses machineries influencées par l’approche bas du front d’Image). Avec un tel personnage, il peut offrir une vision différente, parce qu’on se trouve ici à la limite du genre super-héros.
Ennis débarque sur la série pour un premier épisode où Etrigan affronte un diable sobrement appelé Rectomm. Ça pose déjà l’ambiance. Après avoir mis le feu à un motard (le « toast rider »), le personnage quitte le scénariste, qui reviendra pour un Annual dans lequel apparaît Tommy Managhan, alias Hitman. Quand il devient scénariste régulier du titre, très peu de temps après, Ennis a déjà posé les bases de ce que sera sa saga : décrire les luttes intestines qui rongent les enfers, et créé une situation à Etrigan et Jason Blood s’étripent. Rectomm incarne la première idée, et Hitman la seconde, puisque Etrigan est très vite promu « tueur officiel des enfers », ce qui permet un parallèle entre les personnages.

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La situation dégénère tranquillement, Ennis proposant une version encore un peu verte d’un thème qui déclinera sur de nombreuses séries (Hellblazer, Preacher, jusqu’à Ghost Rider…), à savoir la guerre entre le ciel et l’enfer. Soignant son nouveau personnage, il fait embaucher Hitman à la solde d’abord d’Etrigan (qui veut descendre un rival démoniaque ayant pris l’apparence d’un mafieux) puis de Blood (qui veut garder un doigt sur la gâchette et un œil sur Merlin). Cela donne une idée de la fragilité des alliances mais également de la capacité qu’ont les personnages d’Ennis à évoluer (mais pas toujours à s’améliorer).
Rajoutons là-dessus le fait que Glenda est enceinte de Jason (purée, j’ai l’impression de résumer un épisode des Feux de l’amour) et qu’Etrigan a lui aussi connu récemment les joies de la paternité après avoir engrossé une démone qui lui a donné un héritier. Tout ceci dans le cadre d’une intrigue où Etrigan cherche à dominer l’enfer (mais pas que), poussant Blood à des extrémités en vue de le contrer.

Amoureux des récits de guerre, Ennis consacre son deuxième arc au Tank Hanté. Peu après, il signe une histoire de pirates dans le #50, deux mois avant l’arrivée du #0, à l’occasion de Zero Hour (qui génère des épisodes « d’origines », exercice un peu fastidieux dont Ennis se tire avec virtuosité). Mais à ce moment, le scénariste a une vision précise de ce qu’il veut faire (n’en déplaise à ses propos dans les préfaces, il semble avoir planifié plein de choses, tant ses développements sont naturels et jamais précipités), et chacun des passages obligés par le contexte éditorial s’inscrit avec fluidité dans le plan d’ensemble.
Ennis prend le parti de faire rimer Etrigan. Selon les scénaristes, ce n’est pas toujours le cas, et, de mémoire, Kirby n’était pas bien fixé sur la question non plus. Non seulement ses rimes sont aussi éloquentes que drôles, mais elles participent aussi de la construction du personnage, qui n’a pas toujours rimé (les épisodes sur le passé, les scènes de flash-back, tout cela explique que le choix des rimes contribuent à la construction du personnage).
Le dernier récit, « The Longest Day », qui est également à sa manière un récit de guerre (mêlant le western, la geste médiévale et les scènes de débarquement, pour dire vite), montre un Etrigan face aux affres du pouvoir, solitude et désœuvrement compris. Et comme souvent chez Ennis, c’est quand sa plume se fait mélancolique qu’elle est aussi hilarante. D’ailleurs, la lecture des deux recueils m’a conduit à exploser de rire à plusieurs reprises.

Excellente redécouverte, excellente initiative de la part de DC. Maintenant, j’aimerais bien lire aussi ceux de son prédécesseur (je crois que c’était Alan Grant). Je parie que ça vaut aussi le détour.

Jim