RÉÉDITIONS DC : TPBs, Hardcovers, Graphic Novels

En attendant le lancement de la Justice League Dark de Tynion, je me suis relu ce volume sorti il y a un peu plus d’un an. Ce TPB compile le one-shot Zatanna: Everyday Magic (2003) et les 16 numéros de la série régulière Zatanna (vol.2, 2010-2011), majoritairement écrits par Paul Dini — je reviendrai un peu plus loin sur ce « majoritairement » — avec aux crayons une pelletée de monde, Adam Beechen, Jamal Igle, Stéphane Roux, Chard Hardin, Jesus Saiz, Cliff Chiang, Rick Mays, Dustin Nguyen et Victor Ibáñez, sans oublier Adam Hughes pour les couvertures.

Bien qu’inégale, la série ressort quand même globalement du meilleur Dini. Publiée à peu près dans les mêmes eaux chronologiques que son run sur Detective Comics (qui faisait également la part belle à la jolie magicienne en bas résilles) ou son arc inaugural de Gotham City Sirens, cette série Zatanna un peu dans le même moule — succédant à une éphémère première mini-série en 4 épisodes de 1993, par Lee Mars et Esteban Maroto, dont on dira qu’elle n’a apparemment guère marqué les esprits — conjugue sur le mode « magique » quelques-uns des ingrédients préférés de l’auteur : mystère, humour, une louche de polar noir, un large zeste de sexy, une attention aux personnages secondaires « ordinaires » entourant le héros ou en l’occurrence l’héroïne, le tout avec un certain art pour intégrer les acquis de la continuité sans crouler sous celle-ci.

Le principe de la série, à la base, semble être de suivre la tournée de Zatanna se produisant sur différentes scènes de la Côte Ouest (un univers que Dini exploite d’autant mieux qu’il est marié à une magicienne professionnelle !), et de greffer des aventures en marge des représentations, tout en jouant sur les particularités des différents cadres. Ainsi l’arc à San Francisco convoque-t-il le passé ésotérico-hippie trouble de la ville, tandis que le clinquant de Las Vegas est le décor d’un affrontement avec Mammon, démon de l’avarice, et que la visite de Los Angeles renvoie à une réflexion sur Hollywood (et son « âge d’or »).

Le premier arc (#1-3) est à mon goût le meilleur, d’autant qu’il est servi au graphisme par un Stéphane Roux dont le trait n’est pas sans me rappeler un peu celui d’un J.H. Williams III. L’auteur et le dessinateur s’en sortent très bien pour arriver à louvoyer entre le glamour et l’horrifique, au fil d’une histoire qui introduit un méchant particulièrement réussi, Eldon Peck / Brother Night, sombre ex-gourou des seventies qui règne à présent sur le monde criminel magique ; l’arc introduit également Fuseli, un petit démon hantant les cauchemars dont le nom et l’apparence renvoient évidemment à un célèbre tableau, et l’inspecteur Dale Colton, un peu dépassé par tout ça.

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Mon autre arc préféré de la série (#8-11) joue avec le thème de la phobie des marionnettes ; lui aussi bénéficie d’un très bon traitement graphique, en bonne assuré cette fois par Cliff Chiang ; il introduit en outre encore un autre très bon personnage, le Dr. Jana Bodie, une psy pour les personnages « mystiques » de l’univers DC dont le cabinet se trouve dans un autre plan d’existence et dont l’apparence change en fonction de qui vient la consulter.

Même si j’isole ces deux arcs comme les plus réussis, on peut dire que jusque-là la tenue du contenu du volume varie du très bon à l’excellent. Malheureusement, après ce #13, la série essuie un premier coup de semonce avec le retrait de Dini pour deux numéros, cédant sa place à Adam Beechen s’essayant au scénario (pour une histoire très euhh… bizarre sur la jeune Zatanna arrêtant des malfrats avec les « barbelés » de son appareil dentaire) puis Matthew Sturges (et c’est guère mieux).

Puis Dini revient… et la série retrouve de sa superbe… et même un peu plus, puisqu’il semble parti pour boucler la boucle par rapport au début du run : il orchestre le come-back hautement flippant de Brother Night, lâche une révélation décisive sur l’inspecteur Colton, et nous fait même miroiter une implication du Spectre pour ce qui s’annonce comme un final forcément dantesque. Las, on n’aura… rien de tout ça puisque ce numéro marque aussi le dernier de Dini sur la série et que ces intrigues se voient purement et simplement abandonnées. :neutral_face:

Beechen signe un numéro gonflant, avec un cousin Zachary Zatara complètement hors style par rapport à son utilisation par Dini (très réussie) plus tôt dans la série dans l’arc à Vegas. Derek Frigols lui succède avec encore (comme pour le numéro par Sturges précédemment) le genre d’idée « géniale » dont on se dit qu’il y a probablement une bonne raison pour que tout le monde se soit retenu de l’exploiter auparavant, des persos mal écrits, des méchants qui auraient pu constituer une menace intéressante mais sortent un peu trop de nulle part pour être crédibles, et une fin hautement problématique où Zatanna provoque la mort sur le bûcher de ses adversaires et y assiste sourire aux lèvres. Seul le tout dernier numéro remonte le niveau, avec un Beechen un peu plus inspiré qu’auparavant au scénar, pour une intrigue tournant autour d’un camarade de classe de Klarion, et l’apport d’un Victor Ibáñez. Et accessoirement une dernière page qui relève du trollage de compétition, à destination du « public de DC » (Washington DC, dans le contexte, mais… dur de ne pas penser à autre chose !).

Il va sans dire que les New 52 passant par là juste après, on n’a plus jamais entendu parler de Brother Night (sauf, vérification faite, pour une brève apparition en dessin animé dans la série Justice League Action l’an dernier), de l’inspecteur Colton ou du Dr. Bodie.

Malgré cette fin en queue de poisson aussi regrettable que frustrante, ce TPB reste une lecture très recommandable pour toute la partie effectivement écrite par un Dini au mieux de sa forme et bien inspiré par le personnage — c’est-à-dire tout de même la majorité du volume.