RÉÉDITIONS DC : TPBs, Hardcovers, Graphic Novels

Le quatrième recueil sorti dans les années 2000 et concernant la série New Teen Titans est intitulé « Who is Donna Troy? » (contrairement aux trois précédents, il concerne une période de la série qui n’a pas eu droit à une version française). Enfin, la phrase ci-dessus est un peu mensongère (au même titre que la couverture du TPB) dans le sens où la série, une nouvelle fois, a changé de titre, devenant The New Titans, les héros abandonnant à cette occasion leur statut d’adolescents. On verra que la nature de l’intrigue donne également une autre signification à ce changement d’appellation.

944399

Rappelons pour la forme que la deuxième série The New Teen Titans avait été lancée en 1984 afin de conquérir le marché des librairies spécialisées, tandis que la première série avait été rebaptisée Tales of the Teen Titans (sans « new ») afin d’atteindre les lecteurs de kiosques. Celle-ci s’était éteinte au bout de quelque temps, ne laissant que la version de 1984, qui approche, au moment des faits, de son numéro 50. Rappelons également qu’il s’agit du second numéro 50 de l’histoire de « la » série, puisque Tales of the Teen Titans #50 avait abrité le mariage de Donna Troy et Terry Long. Ces petits rappels permettent de situer le parcours éditorial du titre, mais également d’établir un pont entre les événements éditoriaux, tous deux focalisés autour de Donna, et tous deux dessinés par George Pérez. En effet, le co-créateur de la série revient illustrer un chapitre important du groupe, après avoir illustré Crisis on Infinite Earths et avoir contribué à remettre Wonder Woman en selle. Après vingt-quatre épisodes en compagnie de l’Amazone, il revient faire la lumière sur la version adolescente de celle-ci, Wonder Girl.

RCO001_1566200221

Là encore, cette précision est importante. En effet, Crisis on Infinite Earths est passée par là, apportant une solution radicale à un « problème » inquiétant lecteurs, auteurs et responsables éditoriaux (à savoir : la continuité) mais également son lot de problèmes. Et l’un d’eux concerne Donna Troy. En effet, il est admis depuis les années 1960 (et il me semble que Wolfman, alors en début de carrière, a contribué à établir ces détails) que la jeune femme a été recueillie dans un orphelinat en flammes puis élevée sur l’île des Amazones. Cependant, après Crisis, les lecteurs savent que Wonder Woman vient d’arriver dans « le Monde des Hommes », tandis que le passé héroïque de Donna est conservé, y compris son passage à l’orphelinat et ses premières aventures parmi les Titans. Donc, elle ne peut pas avoir été recueillie et formée par Diana. Il faut donc résoudre la contradiction. Comme souvent dans les comic books, l’affaire ne se limite pas à trois bulles explicatives mais mobilise une véritable saga d’ampleur cosmique, en cinq épisodes, un format que semble affectionner Wolfman puisqu’il l’avait déjà employé pour « The Terror of Trigon ».

RCO009_1566200221

La série change de titre, donc. Jusque-là, elle était illustrée par Eduardo Barreto, souvent encré par Romeo Tanghal (le résultat est très chouette mais on pourra regretter que le dessinateur n’ait pas assuré l’encrage, tant le résultat est en général d’une qualité supérieure). Je n’ai pas tout lu de cette période. Je ne sais donc pas comment Raven est revenue (dans une tenue blanche marquant sa résurrection, à la Gandalf, quoi) ni comment l’irritant Danny Chase a intégré l’équipe. Qu’importe, la relance du titre rend l’ensemble très accessible. Pour The New Titans #50, Pérez revient au dessin, sous une couverture peinte qu’il réalise en hommage au tout premier épisode de la série. Celle de The New Titans #54 est également un hommage, et il me semble que les autres aussi, même si ma connaissance de la série et ma mémoire ne me permettent pas de m’en assurer sans vérification (et aujourd’hui, c’est dimanche, donc j’ai la flemme !). Le premier chapitre de la saga est encré par Pérez, Bob McLeod et Romeo Tanghal. Les planches de McLeod sortent du lot, tant ce dernier confère aux crayonnés de Pérez des ombres et des modelés sans perdre en précision. Je n’ai jamais été un inconditionnel de McLeod, mais parfois certaines associations sont miraculeuses, et sa prestation ici en fait partie. Ses drapés évoquent un peu le travail de Tom Palmer, la rondeur de certains cernés celui de Joe Rubinstein, bref, je suis conquis. Et c’est dans les cases où il rajoute des ombres et travaille les éclairages que le résultat est le plus réussi. Tanghal encrera le dernier chapitre, avec son professionnalisme habituel, mais la richesse des matières sous le pinceau de McLeod disparaît.

RCO017_1566200221

Donc, Wolfman et Pérez doivent expliquer comment, malgré le ravalement subi par l’univers DC, Donna peut avoir vécu… ce qu’elle a vécu. Ils ne perdent pas de temps : dès le premier chapitre, la Tour des Titans est attaquée par des extraterrestres voyageant par l’entremise d’une boule métallique de petite taille (l’épisode suivant sera l’occasion d’une référence à Doctor Who). Après une baston brève mais dynamique, les jeunes héros se retrouvent face à une vieille femme, qui affirme à Donna que tous ses souvenirs sont des mensonges (le tout à grands renforts de pleine page où Pérez s’ingénie à bien montrer l’illusion). Épuisée et vieillissant à vue d’œil, elle avoue être Phoebe, déesse de la Lune.

RCO022_1566200221

Le deuxième chapitre est l’occasion d’un vaste flash-back dans lequel la vieille femme en toge lève le voile : les Titans de la mythologie, que nos héros ont déjà croisés à plusieurs reprises, sont partis dans l’espace afin de s’installer en tant que dieux d’un nouveau système. Mais les choses ont mal tourné, des demi-dieux sont apparus, tout est parti en vrille et, privés de fidèles et d’un monde sur lequel régner, les Titans se mirent à dépérir. Dans un dernier geste, l’une d’elles a éparpillé son énergie sur différentes planètes, afin de semer des « graines » (le terme « seeds » est utilisé dans le récit) dans le but de fabriquer une nouvelle génération d’être quasi-divins, de « nouveaux Titans » (d’où la polysémie de ce nouveau changement de titre), en recueillant des orphelins sur différents mondes, en les élevant parmi eux afin de leur conférer de grands pouvoirs, puis en les laissant guider leur peuple afin de pérenniser l’héritage mythologique. Donna Troy fait partie de ces enfants élus.

RCO014_w_1566200247

Le flash-back explique également que l’une des « seeds » en question, baptisée Sparta (les orphelins portent tous des noms de cités antiques), a décidé d’user de ses capacités afin de protéger son peuple puis de régner sur lui (à la Sinestro). Et sa folie la conduit à abattre les autres « graines » afin de récupérer son pouvoir et de devenir plus forte (à la Highlander). Désireuse de recouvrer ses pleins souvenirs et comprenant que sa vie n’est qu’un mensonge (schéma classique), Donna décide d’aller voir sur place, épaulée par ses équipiers.

RCO028_1566200247

Les trois derniers épisodes de la saga propulsent l’équipe dans l’espace. Le moins que l’on puisse dire est que ça tabasse. Alliances, trahison, règlements de compte, retrouvailles, l’ensemble bouge beaucoup. Les héros en prennent plein les gencives, notamment Cyborg, proprement démembré en place publique (là non plus, je n’ai pas lu la suite, mais j’ai bien l’impression que Wolfman va se servir du « reformatage » et de la « reconstruction » du personnage par la suite).

RCO015_1566200295

L’une des forces du récit est de montrer la solidarité du groupe, qui sait désormais travailler ensemble (les Titans ont appris à tirer parti des pouvoirs de Jericho tout en protégeant ce dernier). L’autre point fort se trouve dans le retour, quand cette mission fait peser ses conséquences sur l’équipe, en termes de fatigue et de traumatisme. Et puisque l’on parle de conséquences, il faut souligner que le dernier chapitre se conclut sur l’apparition de Troia, nouvelle identité de Donna.

RCO024_1566200345

Les origines de la jeune héroïne seront revisitées par la suite, notamment par Jay Faerber, là encore afin de mieux coller à la continuité. Mais pour l’heure, cette version tiendra quelque temps. Le TPB rassemble cette saga, précédée de l’épisode « Who is Wonder Girl? », issu de The New Teen Titans et dans lequel Dick Grayson tente d’éclairer le passé de son ami, et du mariage de Donna et Terry. Elle est également suivie d’un court épisode illustré par Phil Jimenez et situé après la « mort » de Donna. Le sommaire donc un peu disparate rend l’approche du personnage peut-être confuse, malgré la présence d’un petit encadrement éditorial destiné à l’éclairer. En plus de ce sommaire désordonné, le choix de l’équipe éditorial a été de supprimer les planches liées à des événements extérieurs, à l’exemple du cross-over Invasion ou de la mort de Jason Todd : les cinq épisodes de « Who is Donna Troy? » et son épilogue dans le numéro 55 sont présentés à la file, d’un bloc. Cela ne nuit guère à la lecture mais on sent, à des détails de ce genre, que les préoccupations éditoriales ont bien évolué en quinze ans, dans la constitution d’un TPB.

Jim