RÉÉDITIONS DC : TPBs, Hardcovers, Graphic Novels

Au début des années 1990, DC frappe son public en associant son justicier le plus célèbre (profitant alors de la « seconde Batmania » enclenchée par le film de Tim Burton, qui propulsera le héros au sommet de la gloire dont il ne descendra plus) à un autre personnage aux méthodes expéditives, Judge Dredd. S’ensuivront plusieurs rencontres qui seront compilées dans un recueil sorti en 2012 (et plusieurs fois réimprimé).

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La première des rencontres (qui seront étalées de 1991 à 1998), Batman / Judge Dredd: Judgment on Gotham, est réalisée par Alan Grant et John Wagner, deux scénaristes qui connaissent bien les protagonistes. En effet, le second est le co-créateur de Judge Dredd (sous l’impulsion de Pat Mills) et il a co-écrit de nombreuses aventures avec son complice. Et tous deux, depuis 1988, écrivent les aventures de Batman dans Detective Comics, cette fois-ci à l’initiative de Denny O’Neil. S’ils profitent du dessin énergique de Norm Breyfogle, qui impose des codes graphiques au Chevalier Noir (genre, les cases où la silhouette de Batman apparaît en motif pyramidal), ils instillent également une forme d’humour noir et d’ambiance grinçante qui convient parfaitement au protecteur de Gotham. Je me souviens d’un article (dans Pilote & Charlie ? Dans USA Magazine ? Sais plus…) où le signataire avait été particulièrement marqué par une scène où Batman plonge la tête d’un suspect dans les toilettes et tire la chasse. Les deux Anglais donnent aux aventures du super-héros une tonalité inédite pour l’époque.

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Bref, leur présence au sein de l’écurie DC a sans doute bien facilité le rapprochement entre les deux maisons d’édition. Pour confirmer cette « british touch », c’est Simon Bisley, alors connu pour son interprétation de Lobo et pour ses couvertures peintes (notamment sur Doom Patrol) qui met en scène cette rencontre, à base de sauts dimensionnels entre Gotham City et Mega City One.

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On sent bien un certain mauvais esprit de la part des scénaristes, qui confine bien évidemment au commentaire sur leurs personnages. L’un des moments les plus représentatifs de cette approche est celui de l’arrestation de Batman, pour transport et usage d’armes illégales et « vigilantisme ». Un comble de la part de Dredd. La pleine page dans laquelle la Psy-Judge Anderson lit dans l’esprit de Batman les images de son monde gothamien et trouve tout cela « bizarre » vaut également le détour.

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Forts de ce succès, les deux éditeurs remettront le couvert à plusieurs reprises, même si l’aspect anecdotique de ce genre de rencontres sera de plus en plus visible, émoussant à chaque fois l’intérêt de la chose. Vendetta in Gotham, écrit par le même tandem, est cette fois-ci dessiné par Cam Kennedy, à l’approche plus classique, puisqu’il ne peint pas. Il livre néanmoins une version gothique, brumeuse, industrielle et déformée de Gotham qui est très évocatrice. Les auteurs nous réservent quelques surprises au mauvais goût assumé, à l’exemple du duel dans le jardin d’enfants où Dredd démontre qu’il peut se battre en-dessous de la ceinture si besoin.

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Les deux scénaristes en profitent pour intégrer le Ventriloquist dans le récit, un super-vilain qu’ils avaient prévu à l’origine pour une aventure de Dredd et qui a fini par voir le jour dans Detective Comics.

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Retour à la peinture avec The Ultimate Riddle, confié cette fois à Carl Cristchlow et Dermot Power. Cette fois-ci, c’est donc le poseur d’énigme favori qui vient jouer les trouble-fête, sans pour autant que Dredd se départisse de sa raideur habituelle. Graphiquement, on est davantage dans la lignée de Bisley.

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Le Joker ne pouvait pas rester longtemps absent, et il tient donc la vedette dans Die Laughing, cette fois-ci peint par Glenn Fabry (sans doute l’un des plus convaincants sous-Bisley auxquels on puisse songer) et Jim Murray. Les deux scénaristes s’amusent à mixer leurs personnages, à mélanger corps, pouvoirs et idées, et le style des deux illustrateurs matérialisent leurs audaces. La structure du récit est un peu récurrente, et donc lassante (même si les auteurs choisissent de repousser un peu la rencontre proprement dit des héros afin de se consacrer en premier lieu aux méchants), mais visuellement, y a plein de belles images.

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Enfin, pour conclure cette bordée de cross-overs, Grant et Wagner racontent une autre rencontre, celle de Dredd face à Lobo, un héros qu’ils ont contribué à rendre populaire chez DC et dont ils animent la série mensuelle. C’est d’ailleurs au dessinateur Val Semeiks qu’ils s’associent pour Lobo / Judge Dredd: Psycho-Bikers vs the Mutants from Hell, ce dernier étant l’illustrateur régulier de la série régulière.

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Nettement plus classique dans son approche formelle, ce récit profite du goût du dessinateur pour les personnages grotesques et les décors foisonnants. Les grandes cases consacrées aux bars malfamés qu’affectionne Lobo ou aux embranchements de voies rapides sillonnant Mega City One sont savoureuses. Son trait réaliste, avec quelques rondeurs parfois proches de la caricature, convient à merveille à ce genre de récits outrés qui ne se prennent pas au sérieux.

Jim