Après le succès, tant éditorial que commercial et critique, de Crisis on Infinite Earths, qui a permis de redéfinir l’univers DC en 1986, l’éditeur a multiplié les grands événements éditoriaux, donnant des rendez-vous annuels aux lecteurs avec Legends puis Millenium… En 1994, c’était Zero Hour, dont le sous-titre était « Crisis in Time ».
Toutes les séries sont impactées à l’été 1994. Les comics datés d’octobre sont tous numérotés 0 et proposent de se pencher sur les changements que ce « méli-mélo spatio-temporel » a généré (une décennie plus tard, l’éditeur refera le coup avec les conséquences d’Infinite Crisis, en modifiant à discrétion la continuité, et le début des années 2010 verra le retour des numéros 0 dans le cadre du New 52 : comme quoi, rien ne se perd…). Le recueil Superman Zero Hour rassemble les différents épisodes de septembre et octobre 1994 dans lesquels l’Homme d’Acier et ses alliés Superboy et Steel affrontent les modifications multiverselles alors en cours.
Le sommaire commence par les épisodes de septembre 1994. Et notamment Superman The Man of Steel #37, dans lequel le protecteur de Metropolis voit apparaître différentes versions de Batman, parmi lesquelles celle de Neal Adams, celle de Frank Miller ou encore celle de Bob Kane. Si la narration présente des samples directs des uns et des autres, Jon Bogdanove s’amuse à singer les différents styles et s’en sort particulièrement bien.
Le lettreur Ken Lopez s’amuse aussi à trouver des équivalences modernes aux bulles des différents protagonistes, et l’effet est plutôt réjouissant.
Les autres productions de septembre proposent des situations cocasses, à l’exemple de The Adventures of Superman #516 où le héros se retrouve dans un monde où Superman n’existe pas, où Metropolis est défendue par le Centurion et où Lois Lane file un parfait amour torride avec ce justicier néo-romain. Peter Krause donne à Clark une trogne de garçonnet triste et déboussolé (au moins jusqu’à ce qu’il comprenne ce qui lui arrive) tout à fait hilarante.
Dans Superman #93, Dan Jurgens confronte le héros à ses parents kryptoniens, et dans Action Comics ##703, David Michelinie et Butch Guice explorent une ligne temporelle où les époux Kent ont trouvé un enfant mort et où Superman n’existe pas. À la fin de l’épisode, le monde s’efface, conformément au calendrier du cross-over.
La suite du recueil voit défiler les numéros 0 des mêmes séries. C’est là que, à la faveur des bouleversements temporels, les auteurs autour de Mike Carlin réécrivent un peu l’histoire, explorent la jeunesse de Clark Kent et mettent en avant la figure de Kenny Braverman, un camarade de lycée brillant… mais souvent second derrière Clark. Dans le même temps, au présent, Clark reçoit ce qui s’apparente à des menaces de mort.
Ces épisodes constituent une sorte de prologue à la saga « Death of Clark Kent », dont l’édition en TPB ne contient que quelques extraits avant le lancement de l’intrigue : avec ce Superman Zero Hour, les complétistes pourront donc assister aux premiers assauts du criminel appelé Conduit.
La fin du sommaire est consacrée d’abord à Superboy (par Karl Kesel et Tom Grummett) puis à Steel (par Louise Simonson et Chris Batista). Si les seconds me semblent plus anecdotiques, Superboy #8 est fort agréable (comme le reste de cette série mésestimée à tort), le clone de Superman se retrouvant embarqué dans la tempête temporelle et devant affronter le Superboy classique des années 1950, dont le QG était situé dans la cave de la maison Kent, en plein cœur de Smallville.
L’épisode offre un plaisir nostalgique évident pour les vieux lecteurs qui se rappellent encore les récits surannés du Clark adolescent. Kesel aligne les dialogues sympas pleins de clins d’œil et Grummett assure le spectacle avec cette touche presque semi-réaliste qui a fait sa réputation. Et puis les auteurs semblent aussi s’amuser à citer, discrètement, l’un des épisodes de Byrne où le héros rencontre sa version juvénile (en l’occurrence venue d’un univers de poche), et place donc leur récit dans une sorte de tradition.
Au final, le recueil, très plaisant pour les fans complétistes (et je suis content, il y a plein d’épisodes que je n’avais pas en fascicules), propose un sommaire peut-être anecdotique, puisque détaché de Zero Hour ou de Death of Clark Kent. Offert au sein d’une petite collection, il prendrait sans doute plus de sens. Mais il permet d’éclairer une période éditoriale houleuse et riche tout en profitant du travail d’auteurs visiblement enthousiastes. Je vois qu’il existe l’équivalent pour Batman : sans être batmanophile, je crois que je vais m’y intéresser.
Jim