RÉÉDITIONS MARVEL : TPBs, omnibus, masterworks, Epic…

Parmi les idées saugrenues de Brian Bendis quand il a sévi sur les Vengeurs, il y a eu celle d’un groupe formé en 1959 par Nick Fury (le vrai, le premier…). En réalité, ainsi que Bendis l’a précisé dans un tweet de 2017, l’idée vient de Chaykin, qui l’a proposée à Tom Breevort, ce dernier choisissant d’intégrer le principe dans la série New Avengers, à l’occasion d’un récit situé entre deux époques, le présent illustré par Mike Deodato et le passé dessiné par Chaykin lui-même. Après cette histoire, il ne faudra pas longtemps avant que le créateur d’American Flagg! donne à son bébé une déclinaison et des enrichissements.

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La mini-série, lancée à la fin de l’année 2011, présente les personnages alors qu’ils se connaissent déjà et qu’ils ont déjà vécu des aventures communes. En gros, c’est la « suite » de ce que l’on a aperçu dans New Avengers. Le récit débute alors qu’ils sont tous réunis à table dans ce qui semble un repas d’adieu. On retrouve notamment Ulysses Bloodstone et Ernst Sablinova, le Silver Sable de l’époque, qui seront rapidement écartés au profit d’autres personnages (dommage, j’aurais bien aimé les voir plus longtemps.

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Les convives se séparent, mais très vite l’intrigue montre qu’on cherche à les éliminer. Parallèlement, on suit un nouveau protagoniste, une jolie blonde qui s’avèrera bien vite être Louise Mason, alias la Blonde Phantom. Celle-ci joue les espionnes infiltrées auprès d’un ancien dignitaire nazi, Dieter Skul.

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À la fin de l’épisode, Nick Fury croise le fer avec Powell McTeague, un agent britannique (gallois, préciserait-il) venu lui apporter des informations et requérir son aide, et qui fait immanquablement penser à John Steed et à son acteur, Patrick McNee.

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Ce premier épisode donne le ton : au-delà du « complot contre l’Amérique », intrigue récurrente de résurgence nazie chez Chaykin, qui l’a déjà exploitée dans son légendaire Blackhawk des années 1980 et, plus récemment, dans sa mini-série Dominic Fortune, la mini-série est l’occasion de visiter l’univers Marvel de l’époque. Louise Mason est en mission en Latvérie (où la capitale ne s’appelle pas encore Doomstadt), Sydenham, l’un des opposants aux héros, conclut des traités au Wakanda…

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L’autre point fort est également d’inscrire la mini-série dans une continuité Marvel étroite, Chaykin s’ingéniant à tirer de l’oubli des personnages obscurs qui n’ont fait bien souvent qu’une apparition ou deux. Ainsi, Skul est un méchant de Marvel Fanfare #16, daté de septembre 1984, dans lequel Marv Wolfman et Dave Cockrum mettent en scène un aviateur de la Seconde Guerre mondiale, Sky-Wolf. De même, Sydenham est un personnage secondaire du légendaire Uncanny X-Men #268, de Chris Claremont et Jim Lee. Le Lord of Death, quant à lui, remonte carrément à All Winners Comics #1, daté de juillet 1941. Même les Übermädschen que le groupe affrontera dans le troisième épisode proviennent d’un précédent comic book, en l’occurrence Miss America Comics 70th Anniversary Special, de 2009. Il y a bien que Powell McTeague qui soit une création.

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Sur les informations recueillies par Louise Mason, Nick Fury décide se rassembler son équipe et d’enquêter. Une partie de la troupe affronte le Baron Blood et Brain Drain (deux vilains déjà apparus ailleurs : je vous laisse chercher, c’est facile) dans le Pacifique Sud, tandis que Fury et la Blonde Phantom luttent contre les zombies du Lord of Death en Latvérie.

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L’intrigue se poursuit tranquillement : Sydenham joue sur plusieurs tableaux à l’insu des héros mais pas des lecteurs qui en savent donc un peu plus que les justiciers, la résurgence des nazis prend une tournure surnaturelle et un nom familier aux lecteurs de Doctor Strange se fait entendre, et la confrontation finale se profile…

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Chaykin parvient à donner tour à tour la vedette à ses héros principaux, là où l’on aurait pu croire qu’il aurait mis Dominic Fortune en avant au détriment des autres. Il parvient même à donner de l’importance à certaines apparitions fugaces, à l’exemple de Dum Dum Dugan (au détour d’une case) ou de Gorilla Man qui a droit à sa séquence.

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L’ensemble se lit avec beaucoup de plaisir. L’action se déroulant dans la continuité « grand public » et loin du label MAX dans lequel Chaykin a évolué à l’occasion de Dominic Fortune ou War Is Hell, il y a bien entendu beaucoup moins de cul, tout ceci se limitant à quelques allusions légères. Si l’auteur s’amuse avec des thèmes et structures qu’il affectionne (le héros cynique venu d’une tradition juive qui se découvre une conscience, les milieux politiques nourrissant leur propre perte, des intrigues assez simples racontées de manière volontairement décousue…), la mini-série est un véritable paquet de biscuits pour fans.

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Chaykin a su s’émanciper des séries consacrées aux Vengeurs et donner à son petit casting son heure de gloire à l’occasion d’un tour de piste assez tonitruant. Il livre une mini-série qui n’a rien de novateur et qui pourrait laisser un sentiment de déjà-vu même chez ses inconditionnels, mais qui témoigne d’une affection évidente pour ses héros et pour la dimension « aventures » du genre super-héroïque.

Jim