Si le personnage de Speedball est durablement associé à Steve Ditko, avec certains héros duquel il partage des signes distinctifs évidents, il naît de l’esprit de Tom DeFalco.
Ce dernier développe un héros adolescent au début des années 1980, qu’il appelle « Ricochet ». Gagnant de l’assurance au sein de la rédaction Marvel, il propose le personnage. Mais à l’époque, le projet d’un « nouvel univers » est en route, et à la demande de Jim Shooter il intègre certaines caractéristiques de son héros au sein de la série Kickers Inc., elle-même publiée sous l’éphémère label « New Universe ».
Les Kickers Inc., pour faire court (et ne pas m’obliger à aller plus loin que les premiers épisodes de DeFalco et Frenz) constituent une sorte de pendant sportif aux Challengers de l’Inconnu ou aux Quatre Fantastiques. Dans la mouture qui voit le jour, DeFalco a intégré quelques idées, mais pas tout. Si bien qu’après l’échec de cette nouvelle ligne éditoriale, il reprend son projet de base.
Entre-temps, DeFalco est devenu rédacteur en chef de Marvel. Il ne peut donc approuver ses propres projets. Il constitue par conséquent un comité éditorial autour de Mark Gruenwald et glisse son dossier, rebaptisé « The Bouncer », dans la pile, sous couvert d’anonymat. Le comité retient quelques projets, dont celui-ci (sous réserve qu’on lui trouve un autre nom : ce sera Speedball), et y assigne… Steve Ditko, le co-créateur de Spider-Man et Doctor Strange.
Dès le début, Steve Ditko s’investit dans le projet, suggérant des idées et livrant même des intrigues. Bien sûr, très vite, DeFalco se retrouve débordé par ses nouvelles responsabilités. Il parvient à rédiger l’intrigue de deux histoires mais très vite, il cède la place. Si Ditko continue à inventer la plupart des histoires, c’est d’abord Roger Stern (pourtant débordé à l’époque) qui se charge des dialogues, avant d’être remplacé par Mary Jo Duffy, sur les conseils de Ditko.
Le premier numéro, daté de septembre 1988, suscitera l’enthousiasme de la rédaction, si bien qu’une petite histoire de présentation sera proposée dans Marvel Age Annual #4, ainsi qu’un récit dans Amazing Spider-Man Annual #22. Ditko répond à l’appel à chaque fois et les dialoguistes tentent de suivre le rythme. Petite bizarrerie, le premier fascicule, censé présenter le personnage, le montre… de dos !
La série présente donc les aventures de Robert Phillip « Robbie » Baldwin, jeune lycéen de la petite ville de Springdale, qui gagne ses pouvoirs à la manière Marvel, à la suite d’une expérience ratée. Cette expérience a d’ailleurs la particularité de toucher également Niels, un chat que le héros va passer son temps à essayer d’attraper. Ce qui vaudra une savoureuse histoire de Mary Jo Duffy, dans Speedball #6, où notre héros sont félin bondissant croisent le chemin de chats extraterrestres qui se méprennent sur l’espèce dominante sur Terre.
L’investissement de Ditko se fait sentir de bien des manières. Ses super-vilains sont bien souvent des hommes sans pouvoirs mais dont les masques définissent en grande partie leur rôle et leur personnalité. De même, Robbie vit avec son père assistant du procureur et sa mère actrice : tous deux se chamaillent sans cesse, discutant de politique et affichant des opinions irréconciliables : on retrouve, en plus édulcoré (Stern et Duffy n’occupent pas le rôle de contradicteur qu’avait Steve Skeates à l’époque), la dialectique « faucon / colombe » qui prévalait à la série Hawk & Dove chez DC. Une partie des intrigues consistera à fouiller le passé des parents de Robbie, qui entretiennent leur lot de non-dits et de secrets.
La série, souvent constituée de récits d’une dizaine de pages, contient quelques chouettes surprises. Par exemple, un récit sur les dérives de la science dans le domaine agro-alimentaire (Speedball #10)…
… ou encore l’arrivée d’une belle brune richissime parmi les élèves de Springdale High (Speedball #8). Monica de Luis ne sera pas sans rappeler une certaine Veronica vivant à Riverdale, Robbie endossant pour l’occasion le rôle d’un Archie de circonstance.
Faute de succès, la série s’arrête à son dixième numéro. Sous la houlette de Terry Kavanagh, alors responsable éditoriale du titre, d’autres histoires avaient été commandées. Elle trouveront refuge soit dans Marvel Comics Presents, soit dans l’anthologie Marvel Super Heroes, qui accueille bien souvent des histoires sans écrin. En 2019, l’éditeur fait paraître un recueil de toutes ces histoires de Ditko, avec toutes les couvertures et une préface très éclairante de Roger Stern. Occasion de retrouver une série un peu datée, mais souriante, dans laquelle Ditko livre une prestation grand public sans se trahir.
Jim