La série des Champions, publiée dans les années 1970 et plus ou moins calquée sur le principe de celle des Defenders, à savoir une équipe fourre-tout qui permet de faire vivre quelques personnages-licences tout en jouant sur l’idée d’une non-équipe pas vraiment faite pour être réunie, est un peu oubliée aujourd’hui. Et pourtant, elle a eu droit à des rééditions, d’abord sous la forme des deux tomes de The Champions Classic (l’édition que j’ai) puis sous celle de The Champions Classic - The Complete Collection.
Le projet est développé par le scénariste Tony Isabella, qui souhaite dans un premier temps associé deux anciens X-Men, Angel et Iceman, au nouveau héros Black Goliath. Mais ce dernier a récemment eu droit à sa propre série mensuelle, ce qui oblige l’auteur à revoir sa copie. La série est dans un premier temps supervisée par Len Wein, qui demande au scénariste d’assembler une équipe de cinq héros, ce qui conduit Isabella à sélectionner Hercule, Black Widow et Ghost Rider. Ce dernier grille la politesse à d’autres prétendants, parmi lesquels Captain Marvel, Power Man ou Son of Satan. D’après la légende, c’est David Anthony Kraft qui trouve le nom du groupe, au départ prévu pour apparaître dans un format Giant-Size, sans doute à un rythme trimestriel.
Mais des problèmes techniques et des retards dans la production feront que la série sortira officiellement en mensuel, sous l’égide de Marv Wolfman, avec une cover date d’octobre 1975. Un bazar éditorial qui se confirmera tout au long de la série.
Donc, le premier épisode est écrit par Tony Isabella, illustré par Don Heck et Mike Esposito, et commence avec Warren et Bobby, les deux anciens X-Men qui ont repris leurs études à l’université U.C.L.A. Ils voit un portail dimensionnel s’ouvrir, duquel jaillissent des harpies à la recherche de la déesse Vénus. Rapidement, tout ce chahut attire l’attention de Black Widow, qui cherche un boulot en Californie, de Ghost Rider, qui ne peut pas motarder tranquille sans se faire alpaguer par Cerberus, et bien sûr par Hercules. Une fois réunis, les Champions, qui ne portent pas encore ce nom, se retrouvent face à Pluto.
Ce dernier court après Venus, dont il veut faire son épouse. Les héros s’y opposent, mais chose intéressante, ils perdent. Venus et Hercules sont emportés au royaume des dieux olympiens, et le groupe… se sépare !
Bien entendu, l’intrigue a une suite, puisque les membres mènent un assaut sur l’Olympe dans l’épisode suivant. Épisode dont les dialogues sont signés par Bill Mantlo et dont le dessin est assuré par George Tuska : ça y est, la valse des auteurs commence.
Et ça continue avec le quatrième épisode, écrit par Chris Claremont (encore une affaire de possession mentale) et dessiné par George Tuska…
… avant le retour d’Isabella et Heck pour le cinquième numéro et l’arrivée du super-vilain Rampage, qui sera le premier ennemi original de l’équipe. Le seul élément stable, c’est Rich Buckler, qui signe de très dynamiques couvertures.
Isabella semble intéressé par les atermoiements de Natacha, dont l’associé Ivan commente les hésitations en lui rappelant que ses expériences auprès des Avengers ou de Daredevil n’ont jamais été probantes. Avec Hercules, c’est peut-être le seul personnage que le scénariste peut utiliser librement, puisque Ghost Rider dispose à cette époque de sa propre série qui contient les développements importants du personnage.
En revanche, dès qu’il s’agit d’action, il développe ses intrigues en plongeant Angel et Iceman dans la bagarre : ce sont les deux principaux vecteurs de l’avancée des intrigues. Et dans le septième épisode, c’est au tour de Darkstar et Griffin de surgir, tandis qu’une nouvelle intrigue se développe autour du passé de nos deux ressortissants russes.
La série semble avoir trouvé son identité : elle dispose de ses propres ennemis, de ses intrigues au long cours, d’une équipe stable (pour l’instant). Cependant, il faut remarquer qu’elle est passé bimestrielle, ce qui indique que les ventes ne sont pas satisfaisantes.
Quant à l’équipe, non, elle n’est pas stable. Au huitième épisode, Bill Mantlo et Bob Hall reprennent le flambeau. Le scénariste décide de faire un léger bond dans le temps : on a quitté Black Widow alors qu’elle voyait apparaître le Titanium Man. Et Mantlo débute son épisode quand les équipiers de Natacha découvrent des clichés montrant sa capture.
Le changement d’équipe correspond aussi à l’arrivée d’Archie Goodwin, qui remplace Marv Wolfman au poste de rédacteur en chef. Dans cette deuxième moitié des années 1970, Goodwin est confronté à des chiffres de vente pas toujours encourageant, et son règne correspond à des réductions de voilure assez notable. Pour Champions, il semble vouloir redonner sa chance à la série en dynamisant l’équipe créatrice.
L’intrigue autour du fils d’Ivan Petrovich se conclut de manière musclée et rocambolesque dans le dixième épisode. Et dans le numéro suivant (la série est redevenue mensuelle), c’est un jeune dessinateur prometteur qui rejoint le scénariste Bill Mantlo et l’encreur Bob Layton : John Byrne.
Et là, l’espace de quelques courts numéros, la série est en état de grâce : des personnages bien écrits, la volonté d’avoir un groupe cohérent sans faire fi du passé de ses membres, et des aventures trépidantes.
L’ironie veut également que ce soit avec Mantlo et Byrne que le Black Goliath trouve enfin sa place dans le groupe : la première volonté de Tony Isabella est concrétisée, alors que le scénariste est parti travailler chez DC.
La première aventure réalisée par la nouvelle équipe (et qui conclut le premier tome de l’édition en deux volumes) voit le retour du Warlord Kaa, une créature faite d’ombre, issu de l’époque des « monster comics », et que Hulk avait déjà rencontrée dans un épisode dessiné par Herb Trimpe. Le tout dans un récit faisant apparaître Hawkeye et le Two-Gun Kid. Du bonheur pour les fans !
Et les choses s’enchaînent à grande vitesse. Le tome 2 de la première réédition débute donc avec l’épisode 12, dans lequel Black Goliath affronte le Stilt-Man. Ce dernier est à la recherche d’un artefact appartenant au Stranger (ce qui permet à Mantlo et Byrne de glisser un flash-back renvoyant à l’excellent Silver Surfer #5), ce qui conduit les héros dans la dimension de Kamo-Tharn.
Les auteurs signent deux épisodes endiablés, riches comme trois TPB d’aujourd’hui (oui, j’exagère… un peu !). Et visiblement en pleine forme, ils livrent un nouveau diptyque dans lequel ils inventent un terrible vilain, the Swarm, que Mantlo réutilisera par la suite dans ses Spectacular Spider-Man.
On notera que, pour l’occasion, John Byrne participe à l’élaboration de l’intrigue avec Mantlo, crédité du rôle de « storyteller » avec son scénariste.
Les cinq épisodes de Mantlo et Byrne dévoilent tout le potentiel de la série, où des personnages attachants affrontent des menaces de tous ordres. Ça fonctionne très bien. Visiblement, la rédaction soutient la série, puisque les personnages apparaissent dans d’autres titres. C’est ainsi que ce tome 2 reproduit Iron Man Annual #4, où les Champions affrontent MODOK aux côtés de Tête de Fer, dans une histoire écrite par Bill Mantlo et dessinée par George Tuska.
Encore George Tuska, cette fois-ci sur un scénario de Jim Shooter (alors l’assistant d’Archie Goodwin), pour Avengers #163. Cette nouvelle confrontation avec Iron Man les conduit à affronter Typhon, encore un personnage mythologique.
La suite des aventures des Champions se déroule dans Super-Villain Team-Up #14, une série alors écrite par Bill Mantlo et illustrée par Bob Hall. L’épisode voit le triomphe de Doctor Doom et le retour de Magneto en pleine forme.
L’intrigue se clôt dans Champions #16, également par Mantlo et Hall. Et le dernier épisode voit des mutants chercher secours auprès des Champions, dans des pages dessinée par George Tuska et, étonnamment, encrées par Byrne.
Le recueil se conclut avec deux épisodes d’une série consacrée au Tisseur, Spectacular Spider-Man #17 et 18, où le héros s’allie aux Champions afin d’affronter Rampage, dans ce qui ressemble à une volonté de la part de Bill Mantlo de résoudre quelques intrigues en cours.
À nouveau, ce sont Angel et Iceman qui sont au centre de l’intrigue, dans un juste retour des choses, puisqu’ils figuraient dans les premières pages de l’histoire du groupe. Une histoire qui mérite d’être redécouverte.
Jim