RÉÉDITIONS MARVEL : TPBs, omnibus, masterworks, Epic…

Je l’ai terminé.
J’ai mis du temps car, inconsciemment, « je ne voulais pas » le finir, tant j’ai « rêvé » de lire toute cette saga, en entier, sans le pouvoir, étant plus jeune.
Mais je l’ai terminé !
Et j’en suis très content.

Bob Harras maintient une grande cohérence dans sa saga The Gathering tout au long d’un très grand nombre de pages et d’épisodes, même si Proctor fait (trop) souvent office du cliché du manipulateur dans l’ombre. On voit finalement trop peu les Gatherers, pas assez montrés et surtout creusés.
Clairement, un remake en 2021 aurait quantité de one-shots sur les différents doubles plus ou moins maléfiques des Avengers. Ce serait sûrement trop, mais ça permettrait de poursuivre le plaisir, bien qu’ici il y ait le « frisson » de l’inconnu et de l’imagination qui comble les blancs. Bref.

En soi, ma lecture a été faite sous deux visions, deux façons de lire et de juger.

La première a été le plaisir de lecture « classique ».
L’ensemble a bien sûr le goût des comics des 90s, mais tout passe plutôt bien. Steve Epting signe l’essentiel des numéros, avec un style que j’apprécie beaucoup, très dynamique et vif, avec souvent de jolis jeux d’ombre. Rétrospectivement, je préfère ce style-là à celui qu’il a eu sur les Captain America d’Ed Brubaker, plus « joli », plus « propre », mais trop figé et en soi « trop propre ». Ici, c’est souvent un peu crade, un peu nerveux, j’aime.
Le scénario de Bob Harras multiplie les rebondissements et les bagarres, avec aussi quelques moments d’émotion bien vus. J’apprécie le soin sur les personnages, même si certains restent clichés. Deathcry est le prototype de la femme dangereuse des 90s, mais son rapport et son flirt agressif avec Vision fonctionnent. Vision est lui aussi bien creusé, Harras revenant au forceps sur les « apports » de John Byrne dans les West Coast Avengers, en réhumanisant le personnage. Ca y va franco, avec un Evil Vision un peu neuneu, mais ça fait bien le job.
Proctor demeure un bon super-vilain classique, avec un lien personnel avec les Avengers, une envie de nuire et les moyens pour. La vue d’un Gardien (Ute) vaincu, soumis, torturé reste marquante, et les Gatherers sont de bons adversaires. Les éléments sur la folie de Circé sont pertinents, avec notamment de bons doutes sur les meurtres qu’elle aurait commis. La résolution est un peu facile, car elle fait de Proctor un être surpuissant sans qu’on sache forcément d’où ça vient, mais « ça passe ».
Je retiens surtout, en fait, le très bon travail sur les personnages. Oh, tous ne sont pas logés à la même enseigne : Hercule est creusé mais superficiellement, avec un look plus proche de la série TV de l’époque, et une approche plus sérieuse que le lourdaud classique qu’il (est) était (trop) souvent devenu ; Captain America ne fait que des passages, bien que l’édition contienne un numéro de Marvel Age où Bob Harras explique ne pas le vouloir car il fait trop d’ombre aux autres ; Black Widow n’est qu’une ombre, une donneuse d’ordres sympathique mais effacée. Le focus est bien sur Circé, personnage troublé bien écrit car troublant ; Crystal, « la nouvelle » qui découvre tout comme le lecteur, et a un très bel arc narratif sentiment avec Black Knight et Quicksilver, lui aussi de plus en plus présent sur la fin, avec de beaux moments ; et donc Black Knight, sur lequel on reviendra.
Il y a de la tension, il y a de la pression. Le crossover Bloodties avec les X-Men est plutôt bon, même si la menace de Fabian Cortez paraît désormais « faible », des années après. La planche où il menace Luna est quand même terrible.
Le final, en fin, est un rien décevant, même si Bob Harras l’étire sur plusieurs épisodes. Il ramène Cap’, Thunderstrike sans qu’ils servent vraiment. Proctor bénéficie d’un épisode d’origines, qui fait bien le job, avant une conclusion rude et sèche, un peu précipitée sur lui (il se fait avoir facilement, hein). Mais ce sont bien les dernières pages qui touchent, avec Circé « obligée » de partir, de quitter cette dimension car son Mahd Wy’ry empire (et parce que Dane s’est libéré du Gann Josin, un peu facilement aussi). Et Dane, « enfin libre », qui décide d’agir en son âme et conscience, avec un épilogue récitatif final de Crystal, qui m’a évidemment touché.

Bien évidemment, ma deuxième grille de lecture vise Black Knight lui-même… et quel festival !
Je retrouve ici tout ce que j’ai pu aimer dans le personnage, lié à des lectures d’époque sur cette période. Bob Harras le dit dans le Marvel Age : il en fait celui auquel le lecteur peut s’identifier, « le héros » de cette saga et de cette période. Bon, le héros des 90s doit avoir les cheveux mi-longs, des bandanas, une attitude badass assumée, un côté rebelle… a posteriori, c’est parfois un peu risible, mais ça fonctionne. D’une part du fait du Gann Josin, qui perturbe Dane. De l’autre, parce que comme Harras le dit, Dane est entouré de dieux, super-soldats et autres surhumains, et s’il veut bien faire, il est inconsciemment limité et crispé par son statut de « simple humain ».
Bob Harras multiplie les éléments et rajouts sur lui, que ça soit Bloodwraith en double négatif ou le fameux triangle amoureux. Ce dernier fonctionne bien, dure longuement, mais livre surtout de très beaux moments d’émotion inattendus. La discussion Pietro/Dane où le premier vient, malgré son ego, demander au second de laisser une chance à son mariage, c’est juste superbe de caractérisation. Le final renforce encore la noblesse de Dane, brut de décoffrage en apparence mais terriblement « digne » en soi.
Et bon, Bob Harras s’amuse avec Steve Epting notamment pour multiplier les moments épiques et les planches intenses sur Black Knight, donc c’est quand même très agréable. Le personnage est vraiment central, mais imparfait, avec cette décision de tuer l’Intelligence Suprême qui le ronge, son envie d’y aller quoi qu’il arrive, mais ensuite les remords sur les conséquences.

Un fill-in sur les Déviants est intégré, avec toujours cette marotte de Ghaur d’avoir un Uni-Mind Déviant. Pourquoi pas, mais c’est redondant.
Le volume contient aussi le one-shot Exodus par Ben Raab et un jeune Jim Cheung. Bon, Raab rapatrie Circé et Dane de l’Ultraverse, sans le nommer, et en réinstituant le Gann Josin, qui s’évaporera par la suite (comme le dit Ostrander dans Heroes for Hire, merci encore @Jim_Laine pour les numéros que j’ai dévorés). L’épisode n’est pas mauvais, mais reste pataud et maladroit ; du Ben Raab, quoi.

Bref, que dire de ce gros volume ? Essentiellement du bon.
Comme fan de Black Knight, ce fut un plaisir émouvant et réel de voir « enfin » tout ce que j’ai rêvé de lire, avec « mon personnage » vraiment central et bien écrit.
Comme fan des Avengers, ce fut une lecture agréable et prenante, avec une belle saga, bien construite et rythmée.
Comme lecteur tout court, ce fut là aussi une expérience intéressante, avec beaucoup de plaisir de lecture via des auteurs impliqués qui ont le temps de bien avancer leurs pions, certes classiques mais bien amenés.

C’est vraiment top, et ça fait plaisir.

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