RÉÉDITIONS MARVEL : TPBs, omnibus, masterworks, Epic…

J’ai relu en VO la série Inhumans, de Paul Jenkins et Jae Lee, que j’avais lue en son temps lors de la publication VF. Atrocement lettrée, je m’en souviens, ça m’avait gâché le plaisir.

En revanche, j’avais quand même gardé un souvenir très positif de l’histoire, qui m’avait semblé fine, intelligente, rusée, mais un peu longue. La relecture confirme l’ensemble de ces impressions, mais apporte une sensibilité différente.

Le principe est le suivant : Attilan est posé sur une île aux environs des Açores (à la suite du cross-over Atlantis Rising, ou bien je confonds ?), et des forces militaires se mettent en tête de forcer la barrière qui protège la ville des Inhumains. La série de douze numéros raconte donc la montée de la pression (l’escalade, c’est à la mode), les trahisons, les stratégies de défense, tout ça…

Paul Jenkins est rusé, et il donne à chaque chapitre un centre d’intérêt et une tonalité différente. Par exemple, le premier épisode est centré sur Black Bolt et sur les implications étourdissantes liées à son silence à son contrôle total de lui-même, jusqu’à son sommeil.

Le deuxième épisode se penche sur l’étape de passage à l’âge adulte dans cette société, quand les jeunes acquièrent leurs pouvoirs, activés par les brumes tératogènes. Et s’arrête sur le cas d’un des impétrants, pour qui la métamorphose a raté et l’a transformé en Primitif Alpha. Et ainsi de suite.

C’est donc l’occasion de passer par la redéfinition de pouvoirs (c’est le cas de Karnak, dont la maîtrise des failles ne se limite pas aux constructions architecturales), à l’évocation de souvenirs (dans le cas de Triton), voir des reconstitutions de points de vue (comme pour Lockjaw).

C’est souvent brillant, d’autant que Jenkins s’ingénie à recréer des niveaux de langue et des tics langagiers permettant de caractériser les personnages : Triton, par exemple, a une conception assez fantaisiste, ou hésitante, de la grammaire, une dimension qui m’avait échappé en VF (je soupçonne une traduction ayant aplati ces aspérités volontaires).

Les Inhumains bénéficient, à l’occasion de cette série publiée sous le label Marvel Knight, d’une approche « à la Vertigo », avec une volonté de rendre à la fois réaliste, évocatrice et magique leur société et leurs pouvoirs. En relisant les épisodes, je me disais que les personnages Marvel ont peut-être moins bénéficié de cette réécriture plus creusée, plus profonde, que les personnages DC, sans doute parce que, en définitive, ils ont eu moins la chance d’avoir un Alan Moore ou un Neil Gaiman pour éclairer leur mythologie sous une lumière plus crue. Ces douze épisodes font partie de cette approche. Et force est de constater que, même si les personnages ont plus ou moins repris leurs designs d’origine, les apports de Jenkins restent présent. Son Karnak est toujours là, repris par Warren Ellis, par exemple.

La mini est une vaste histoire, un seul assaut, contré par un maître stratège, Black Bolt. C’est d’ailleurs à la fois la force et la faiblesse de la série : Black Bolt maîtrise tout, depuis le début, et réussit un coup de billard à trois bandes, rendant l’île à Namor, exfiltrant sa ville et ses citoyens et parvenant à vaincre ses ennemis. Il s’impose en stratège froid, cynique, calculateur, qui a tout préparé (un peu comme le T’Challa version Dwayne McDuffie), et Jenkins conclut sa saga sur ce constat : où cette construction mentale peut-elle mener le monarque ?

Douze épisodes peut-être un peu froids, parfaitement maîtrisés, à l’image de cette société bâtie sur l’inégalité et la prédestination, mais qui ont imposé à l’époque une écriture et une vision de ces personnages.

Jim

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