RÉÉDITIONS MARVEL : TPBs, omnibus, masterworks, Epic…

Quel plaisir, quel régal.

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Ouais, j’ai relu récemment Avengers Forever, dans l’édition de 2011. Une série que je connais bien, mais que je n’avais pas relue depuis quelque temps tout de même. Et l’anniversaire de nos amis Vengeurs a été un prétexte facile.

L’histoire est connue : Rick Jones est blessé, les Vengeurs le conduisent devant l’Intelligence Suprême, qui a, lors de la Kree-Skrull War, déclenché la première manifestation de la « Destiny Force ». Et c’est au chevet de Jones que se manifestent différents personnages, dont Libra (ancien membre du Zodiac, qui s’est présenté comme le père de Mantis), Kang et Immortus. Ce dernier veut tuer Jones et c’est Kang qui le défend.

Et à nouveau, les mystérieuses énergies en Rick se manifestent. Cette fois, plutôt que de convoquer des héros venus d’un lointain passé (et correspondant aux lectures de jeunesse d’un certain Roy Thomas), c’est un petit bataillon de Vengeurs, extirpés de différentes époques, qui se manifeste.

Et c’est le début d’une saga écrite par Kurt Busiek et dessinée par Carlos Pacheco. À mes yeux, les deux auteurs sont au top niveau : Pacheco débute sa collaboration avec l’encreur Jesus Merino, ce qui confère à ses dessins plus de profondeur et de détail (et d’élégance) que sur ses récents X-Men ; quant à Busiek, il livre selon le meilleur de sa prestation sur le groupe (à égalité avec son JLAvengers, autre tour de force). Une équipe qui tutoie les cieux pour un récit qui, là encore selon mes goûts, fait partie des meilleurs récits liés aux Vengeurs (j’aurais presque tendance à le mettre en tête, mais c’est peut-être l’enthousiasme de la relecture qui s’exprime ici).

Les deux numéros suivants racontent la course-poursuite du groupe improvisé autour de Rick Jones, leur lutte aux côtés de Kang, la fuite hors du temps, l’arrivée à Chronopolis (fatale erreur, la cité est déjà assaillie), puis la nouvelle fuite à bord du Sphinx temporel. Cette mise en bouche est intense, et Pacheco livre des doubles pages incroyables. Les décors sont impressionnants, les cadrages virevoltent, les anatomies sont tordues et expressives, mais l’encrage de Merino arrondis les angles et les traits saillants que l’on trouvait dans X-Men. Toujours autant d’énergie mais avec un zest de douceur en plus.

À partir d’Avengers Forever #4, l’équipe, divisée en petites unités, part explorer des zones temporelles inondées des mêmes énergies que celle qu’ils ont identifiée. Cela permet donc aux auteurs de revenir sur des passages particuliers de la série (Kang au far-west, par Steve Englehart), d’explorer des futurs possibles (celui de Killraven, le héros de Don McGregor, dans une version super-héroïsée) ou de croiser des ancêtres (les Vengeurs des années 1950…).

C’est pas mal du tout, parce que ça donne à rêver et que ça crée du lien entre différents pans du Multivers Marvel. Ça permet de recroiser des figures intéressantes, de raccrocher les wagons avec des intrigues abandonnées par l’éditorial (l’irruption d’Immortus dans le monde fifties des anciens Vengeurs est traité à la manière de ce que Byrne proposait sur West Coast Avengers, ce qui est un moyen de valider a posteriori la proposition de ce dernier…), et ça facilite aussi l’explication des enjeux (notamment dans la partie Killraven, qui détaille de quelle manière Immortus empêche l’humanité de porter le conflit sur Mars).

Après, c’est un peu, selon mes goûts, le petit ventre mou de la série. Bon, un ventre mou comme ça, j’en veux tous les jours, bien sûr. Mais personnellement, les quêtes, c’est pas mon truc. Et l’équipe divisée en sous-groupe, c’est une astuce qu’affectionne Roy Thomas mais que j’ai tendance à toujours trouver artificielle. Busiek s’en sort très bien puisqu’il en profite pour pousser la caractérisation et donner de l’épaisseur à ses personnages. Mais c’est franchement pas la partie que j’apprécie le plus, malgré le déluge d’idées et de biscuits pour fans que ces épisodes contiennent.

Qu’importe, Busiek en a encore sous la pédale et les épisodes suivants sauront contenter les grognons dans mon genre. Les Vengeurs partent à l’assaut des Limbes d’Immortus, en suivant une piste développée à partir d’une idée astucieuse : les Space Phantoms sont plusieurs (Busiek s’appuyant sur une idée dans un vieil épisode de Thor). Et là, ça devient vraiment très chouette.

Mais les épisodes 8 et 9 peuvent paraître difficiles à certains, si leurs goûts ne les portent pas vers la continuité, les flash-backs et ce genre de choses. Car effectivement le huitième chapitre est une visite guidée (par un Space Phantom) de l’histoire du groupe, avec des mises au point, des validations, des explications, du rangement… tandis que le neuvième se consacre à Kang lui-même et opère une exploration similaire. Les deux chapitres s’éloignent de l’action non-stop et s’avèrent un peu bavards (moi, j’appelle ça « immersifs »). Personnellement, j’adore, parce que Busiek ne jette rien, il ne casse rien, au contraire il répare.

Mais effectivement, ça peut paraître long. Busiek est bavard de base (le premier épisode est noyé dans les récitatifs facilitant la contextualisation, mais on sent un peu le scénariste s’écouter écrire), et là, fatalement, avec toutes les mises au point qu’il s’impose, ces deux épisodes sont bien copieux. Ça rassasie.

Mais que de trouvailles. Busiek parvient rétrospectivement à justifier la saga temporelle de Bob Harras, confuse, bordélique, incohérente, avec des personnages qui ne parlent pas comme ils le devraient : forcément, c’étaient des imposteurs. L’autre petit effet secondaire, c’est que si l’on n’est pas fan ou connaisseur des Vengeurs, peut-être que ces deux chapitres peuvent paraître un brin abscons, malgré la clarté (« immersive », héhé…) du propos. Là, j’avoue que je ne sais pas. Je sais en revanche qu’une partie du plaisir éprouvé à cette relecture vient de ma connaissance de la série.

Les trois derniers constituent la mise en place puis la narration de la bataille finale, qui oppose nos Vengeurs (assemblés par Rick Jones) à une armada convoquée par Immortus, à l’occasion de cette fameuse « Destiny War » que les deux Vengeurs du futur, Songbird et Genis-Vell, connaissent déjà un peu. En chemin, trahison, retournement de situation, moment de courage, transformations… les coups de théâtre sont nombreux.

L’énorme, la gigantesque, la colossale bataille finale est l’occasion de croiser des versions alternatives de différents héros. Pacheco consacre notamment une double page aux Vengeurs égyptiens aperçus dans les New Warriors de Nicieza et Bagley, et moi, je les aime bien, ceux-là.

Rarement une saga super-héroïque aura autant mérité le qualificatif « épique ». C’est costaud, c’est ambitieux, c’est servi par un dessin épatant (et on sent Pacheco évoluer au fil des épisodes, les déformations anatomiques et les muscles anguleux s’adoucissant petit à petit, les positions tordues cédant de plus en plus souvent la place aux poses hiératiques) et des doubles pages à couper le souffle.

Les coups de théâtre sont encore nombreux (on découvre le secret de Genis-Vell…), Kang retrouve un lustre incroyable, bref, c’est du tout bon. Il y a bien peu de reproches à faire au récit (il manque peut-être une vraie grosse confrontation avec Jonz Rickard, et les trois épisodes de quête ne sont que des diversions, comme souvent avec les quêtes… et j’imagine qu’on pourra chipoter ici et là sur quelques détails…), mais l’intrigue est d’une telle ampleur et l’action tellement enivrante que le lecteur est emporté, et que les images restent longtemps dans les mémoires.

Vraiment, un sommet de la série, un sommet de Marvel, et sans doute un sommet personnel pour Busiek et Pacheco, qui ont rarement été aussi grandioses. Dans sa préface, le scénariste explique qu’il s’est ménagé une part d’improvisation et qu’il n’a pas travaillé avec des scripts et un plan aussi verrouillés que d’ordinaire : le sentiment d’une incroyable maîtrise vient bien entendu contredire cette réalité, tant la série est équilibrée et guide le lecteur.
Quel plaisir, quel régal, quelle réussite.

Jim

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