Je viens de relire Captain America Corps, et c’est très sympa.
Le principe est simple : le Contemplator, l’un des Elders of the Universe, constate que des Captain America sont effacés dans diverses lignes temporelles. Il s’en ouvre à Uatu, et constate que ce dernier disparaît : est-ce un départ précipité ou une conséquence des bouleversements temporels ? Quoi qu’il en soit, la situation et grave et il décide de former un petit escadron composé de divers incarnations du héros.
Il réunit donc Steve Rogers au début de sa carrière durant le conflit mondial, USAgent dans son costume noir, Bucky Barnes quand il a repris le rôle, Shannon Carter alias American Dream issu de l’univers MC2 et Commander A, un petit nouveau créé pour l’occasion et venu d’un futur plus lointain. Ils sont cinq, et donc chacun sert de clé d’entrée à l’un des cinq épisodes de la mini-série.
Ils se retrouvent tous, arrachés à leurs époques, dans le repaire non-euclidien du Contemplator. Informés du danger, ils partent en mission et découvrent un monde (une ligne temporelle, censément être LA ligne temporelle) entièrement transformée, où les Vengeurs n’existent pas et où le pays est sous coupe réglée.
Déjà, ça pose un problème pour moi, et même si je comprends la logique de Stern (grosse menace multiverselle qui contient sa propre solution pour résoudre le problème à la fin de la mini), je trouve dommage d’avoir un prétexte colossal impliquant l’espace-temps en entier pour n’accoucher que d’une intrigue dans un seul univers. Rare sont les récits de ce type qui ont de réelles conséquences (effectivement, on en parle ailleurs, Age of Apocalypse a permis d’avoir de nouveaux personnages, Flashpoint a redessiné l’univers DC… pour le pire serais-je tenté de dire… mais pour l’essentiel, l’impact est moindre en général.
Ensuite, je ne suis jamais super-chaud face à des récits impliquant la perturbation de la continuité : on sait d’emblée que le héros parviendra à remettre les choses d’équerre, c’est implicite. Pour moi, ça tue tout suspense. Encore plus dans une mini-série dont le nombre limité de chapitres annonce dès le départ le compte à rebours vers la remise en ordre.
Au-delà de cet aspect « sans conséquence », cette mini Captain America Corps déroule un schéma assez classique : les héros sont capturés, soumis à la question, parviennent à se libérer, rencontrent des rebelles locaux qui sont les pendants alternatifs de personnages connus (Peter Parker, Matt Murdock, Luke Cage…), et fédèrent la révolte. Là aussi, le récit propose des mécanismes qui posent des questions : comment la rébellion, qui dure depuis des années visiblement et mobilisent des êtres à pouvoirs (on reconnaît Bloodstone) malgré l’absence de capacités surhumaines chez la plupart des résistants, peut soudain fonctionner avec l’adjonction de cinq Captain America ? Cela demande une suspension d’incrédulité assez habituelle dans ce genre de récits axés sur les héros, mais tout de même…
L’affaire se résout quand le Contemplator parvient à reconnecter Steve Rogers avec l’outil principal du changement de temporalité, un Cube Cosmique. Le contact entre deux versions alternatives de Steve crée une détonation spatio-temporelle qui permet de relancer la ligne temporelle à neuf.
Alors bon, oui, je peux donner l’impression de ne pas avoir apprécié cette relecture, mais ce n’est pas le cas. Les critiques que je peux émettre sont surtout dues à mon peu d’appétence pour ce genre d’histoires, mais l’ensemble est plutôt bien rythmé, excellemment dialogué, avec une succession de scènes qui relancent constamment le suspense. C’est convenu, mais très bien troussé. Et Philippe Briones s’en sort magnifiquement, avec une belle énergie (malgré quelques petites pétouilles narratives, un oubli de bouclier ici ou là, genre…).
Là où Stern est plutôt ingénieux, mais cela demande un peu d’attention, c’est qu’il caractérise ses personnages en fonction de ce qu’ils savent des autres personnages, et non de ce que le lecteur en sait. Par exemple, Commander A, qui vient d’un futur plus lointain où il est dans l’admiration de ses aînés, appelle le Winter Soldier « Jim », et non « James » ou « Bucky ». On a donc des petites touches dans les dialogues qui peuvent déconcerter. C’est bien joué, en matière de caractérisation, malgré les interrogations que cela peut soulever tant on n’est pas habitués à de telles variations de prénoms.
Dans l’ensemble, une chouette mini-série au rythme soutenu, exploitant un super-vilain méconnu et rendant hommage à la tradition lancée par Captain America.
Jim