Le troisième tome Essential Moon Knight reprend la première série jusqu’à sa conclusion, soit au numéro 38, les six numéros de Moon Knight: Fist of Konshu, ainsi que quelques épisodes issus de diverses anthologies.
Rétrospectivement, c’est intéressant de découvrir cette partie de l’histoire éditoriale du personnage, qui articule pas mal de facettes, en les équilibrant selon divers dosages.
On sent un glissement, une évolution dans la tonalité. Avec Doug Moench, qui reste jusqu’à Moon Knight #33, on a droit à des intrigues assez sombres, souvent « street level », et des problèmes humains (gangs de rue, drogue, maladie, pauvreté). Le super-héros apparaît presque comme étranger à ce monde frappé de réalisme, c’est du grim & gritty au sens basique du terme, à savoir que l’on traite de problèmes en prise avec la société.
Sur ces derniers épisodes, il est assisté d’un jeune Kevin Nowlan visiblement encore sous l’influence de Neal Adams, une influence peut-être demandée par l’éditorial afin de le rapprocher de Bill Sienkiewicz, mais qui disparaîtra progressivement.
Au départ de Moench, et avec le passage de Tony Isabella (aidé par Bob Hampton au dessin) puis l’arrivée d’Alan Zelenetz, c’est une tonalité un peu plus fantastique qui sera privilégiée. Non que l’on oublie les bases de la série. Mais on insiste davantage sur la nature divine des attributs du héros que sur ses troubles psychologiques, par exemple.
On notera une utilisation intéressante des back-ups : sous l’impulsion de Denny O’Neil, responsable éditorial du titre, la pagination s’est accrue, faisant ressembler le comic à un magazine, et une partie de celle-ci est vouée à des récits complémentaires, parfois déconnants comme « The Vault of Knight » (Moon Knight #34), parodie des EC Comics, parfois plus dramatiques, comme « Cancer » (Moon Knight #32), dessiné par un jeune Marc Silvestri. Mention spéciale à « Crawley », entièrement réalisé en pleines pages par Bill Sienkiewicz dans Moon Knight #37.
Les deux derniers épisodes, par Alan Zelenetz et Bo Hampton, reviennent aussi sur le passé de Marc Spector. Le scénariste parvient à développer la fibre surnaturelle du personnage en l’associant à son identité secrète et tourmentée.
C’est sans doute ce qui vaut au scénariste d’écrire les six numéros de Moon Knight: Fist of Konshu, dessinés par Chris Warner et encré par E. R. Cruz : étrange mélange qui associe la narration solide, presque millerienne, du premier aux effets de matières et aux profondeurs du second.
Le premier numéro fait la part belle aux hantises, aux voix dans la nuit (ou dans la tête), à la possession, et prend rapidement la forme d’une sorte de renaissance, comme si les auteurs voulaient s’approprier le personnage mais également le lancer vers de nouveaux défis. Cette alliance entre la psychose et la divinité me semble constituer l’une des références de la série actuelle, celle de Jed MacCay, qui revient sans frémir sur les liens entre Spector et son dieu d’adoption. Le sous-titre de la série est à ce titre très éloquent.
Zelenetz s’intéresse aussi au personnage de Marlene, qu’il éloigne un temps de Spector afin de mieux détailler sa propre vie. Il tente ainsi d’enrichir l’univers de la série et de donner une dimension plus humaine et plus fragile au héros sans passer par la psychose dont visiblement les créateurs ne savent plus trop que faire.
La série ne durera pas. Le dernier épisode est réalisé par Jim Owsley, Mark Beachum et Geoff Isherwood, signe que, malgré l’acharnement éditorial de Denny O’Neil, le public n’est plus au rendez-vous.
Le recueil se conclut sur la réédition de plusieurs récits, parmi lesquels Marvel Fanfare #30, contenant une aventure écrite par Ann Nocenti, dessinée par Brent Anderson et présentant une fibre écologiste un peu novatrice pour l’époque (et aux images brutales).
Suit Marvel Fanfare #38, par Jo Duffy et Judith Hunt, qui marque les retrouvailles de Bill Sienkiewicz avec le personnage puisqu’il assure l’encrage de récit mélangeant enfance malheureuse et relique magique. Puis un court récit assez anecdotique tiré de Marvel Fanfare #39 (écrit par Mike Carlin), l’aventure publiée dans Solo Avengers #3, et enfin un récit édité tardivement dans Marvel Super Heroes Spring Special, sous couverture de Jim Lee.
Une fin de sommaire moins glorieuse, mais qui boucle une période riche et prépare le lecteur à la future itération du personnage, celle de Chuck Dixon dans Marc Spector: Moon Knight.
Jim