RÉÉDITIONS MARVEL : TPBs, omnibus, masterworks, Epic…

Je me suis récemment plongé dans le deuxième Essential Marvel Team-Up, je ne sais plus pour quelle raison. Et c’est un plaisir.

Le tome reprend les épisodes 25 à 51. C’est la grande période Mantlo, qui reprend le scénario des mains de Len Wein et Gerry Conway (qui signe l’informelle trilogie de Jeremiah, dans Marvel Team-Up #33 à 35), et qui lance de grandes intrigues sur plusieurs numéros, là où précédemment la série privilégiait des récits en un seul tenant ou en eux parties. Au contraire, Mantlo testera les limites de la série en plaçant la barre plus haut grâce à des développements plus longs, parfois sur quatre épisodes. Il est sans doute encouragé en cela par Marv Wolfman, responsable éditorial de la série (parfois remplacé par Archie Goodwin), et la prestation de Mantlo (qui travaille aussi avec Wolfman sur Marvel Two-in-One à la même époque) montre le chemin à celui-ci : en effet, Wolfman laissera de grandes sagas enlevées sur la série consacrée à Ben Grimm, autour de Deathlok, de Spider-Woman à Londres ou, encore, du procès de Ben (la discréditation du héros, un thème très wolfmanien).

L’une des autres dimensions qui m’a frappé à la relecture (un peu en diagonale, certes), de ce recueil, c’est bien entendu la place que l’horreur prend dans les histoires. Une horreur toute mesurée, puisque nous sommes dans une parution soumise au Comics Code, mais horreur tout de même, incarnée par la présence de personnages tels que le Man-Wolf ou la Frankenstein Monster.

Nous sommes au milieu des années 1970 et l’assouplissement du Code, ainsi que le succès de revues grand format en noir & blanc ont offert une visibilité aux personnages issus du folklore horrifique, et bien entendu Mantlo s’empresse de faire vivre ces personnages aux côtés de Spidey. Rétrospectivement, à la lumière de ce qu’on sait de la carrière du scénariste, on sait que le thème de la santé est central dans son corpus. Santé du corps, santé de l’esprit. Les monstres, hybrides lupins ou corps recousus, évoquent le corps. De même que la présence du cyborg Deathlok offrira une autre facette à cette dimension. Mais la folie n’est jamais loin non plus, comme en témoigne l’arc, assez long, consacré au Wraith, le frère dément de la policière Jean DeWolfe.

En tout cas, Mantlo aligne les sagas qui ont du souffle, et la série adopte un rythme frénétique. Il est aidé en cela par Sal Buscema, souvent encré par Mike Esposito, qui livre des planches rapides, dynamiques, pleines d’action, avec des personnages héroïques, forts, fiers. Iconiques, comme disent nos amis outre-Atlantique.

Après Marvel Team-Up #36-37, qui fait intervenir le Monster of Frankenstein et le Man-Wolf, Mantlo signe un autre diptyque, dans les numéros 39 et 40, qui marquent le retour du Big Man et du Crime Master, deux figures de la mafia du temps de Ditko. Une intrigue ancrée dans la continuité (pour ma part, j’ai découvert cette version avant de lire celle de Ditko) que Mantlo résout en montrant, dans une réécriture cruelle de Roméo & Juliette, que ces nouvelles versions des méchants sont incarnées par les fils et fille des premiers tenants du titre (dont Nick Spencer se souviendra d’ailleurs).

Marvel Team-Up #41 est le début d’une saga en quatre parties où Spidey se trouve projeté dans l’Amérique des pionniers puritains et de la Chasse aux Sorcières, aux côtés de la Scarlet Witch, de Vision et de… Doctor Doom. C’est l’occasion d’une petite leçon d’histoire puisque le personnage de Cotton Mather, ici super-vilainisé, s’inspire d’un pamphlétaire de la fin du XVIIe siècle.

Pas fatigué pour autant, Mantlo ramène Spidey à son époque, mais bien entendu son voyage temporel se passe mal et le Tisseur se retrouve dans deux futurs alternatifs de l’univers Marvel, celui de Killraven (#45) puis celui de Deathlok (#46). Ici, Marvel Team-Up et la figure du héros servent d’écho promotionnel aux deux séries.

Si ces deux histoires sont sympathiques mais un peu anecdotiques (et recourent toutes deux, sous des formes différentes, au thème de l’hallucination et du contrôle mental), elles maintiennent le rythme de la série. Le Tisseur revient dans son époque à l’épisode suivant. En fait, l’épisode suivant, c’est Marvel Two-in-One #17, écrit par Mantlo, dessiné par Sal Buscema et supervisé par Wolfman, première partie d’un cross-over entre les deux anthologies. Pour des raisons qui tiennent sans doute au calendrier de publication, les deux équipes rédactionnelles sont inversées, cela se remarque aux dessinateurs : la partie dessinée par Ron Wilson, deuxième volet de cette bataille contre le Basilisk, se retrouve dans Marvel Team-Up #47, tandis que celle illustrée par Buscema paraît dans Marvel Two-in-One #17.

Huit épisodes d’affilée où les auteurs ont le pied au plancher. Mais Mantlo et Buscema ne ralentissent pas, puisqu’ils enchaînent aussitôt sur les épisodes 48 à 51, une histoire qui commence avec Iron Man et des avions explosifs télécommandés, et qui finit en drame familial chez les DeWolfe et en procès dramatique (dénotant la passion de Mantlo pour la chose juridique).

Belle envolée là encore, qui fait de Marvel Team-Up, dans ces années 1975-1976, une lecture trépidante et divertissante. Spidey y est entouré de personnages bien campés, Mantlo parvenant à installer, à l’occasion de cette saga, un casting récurrent, et les cliffhangers fonctionnent très bien. Les sagas proposées par le scénariste annoncent aussi ce que Claremont fera quand il reprendra le titre à partir du #57 (à noter que son compère Byrne signera trois épisodes, les #53 à 55, sur un scénario de Mantlo une fois encore empli de rebondissements) et donneront un élan au titre qui ne retombera que bien plus tard.

Jim

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