RÉÉDITIONS MARVEL : TPBs, omnibus, masterworks, Epic…

Si les noms d’Abnett et Lanning restent largement attachés à leur travail commun sur le pan cosmique de l’univers Marvel, qui fait toujours figure d’âge d’or, d’autres travaux que l’éditeur leur a confiés ont sans doute moins marqué les esprits – notamment leur passage, en 2011-2012, sur l’équipe des New Mutants. La publication récente d’un premier TPB collectant les épisodes écrits par eux (on peut raisonnablement en attendre deux autres) est l’occasion de se rafraîchir la mémoire, ou de corriger un oubli, ou une erreur d’appréciation pour ceux qui seraient passé à côté.

Il est vrai, cependant, que le run du duo, qui court des numéros 25 à 50 de la troisième itération à titre – en passant par un crossover avec Journey into Mystery entièrement co-écrit avec Kieron Gillen – s’apprécie peut-être surtout sur la durée… et que ses débuts, qui composent ce premier volume, ne furent pas nécessairement les plus immédiatement engageants. Il faut dire aussi que si le tandem avait pu jouir d’une grande liberté éditoriale du côté des étoiles, il n’en fut pas de même côté mutants, les premières volées d’épisodes, en particulier, se retrouvant tributaires des grands évènements en cours par ailleurs.

Après un premier épisode de transition qui sert essentiellement aux auteurs à ranger les jouets de leurs prédécesseurs, Zeb Wells et dans une moindre mesure Mike Carey (bref occupant du titre pour des tie-in à son évènement Age of X), ainsi qu’à définir leurs propres line-up et objectifs – ce qui se traduit, contrairement d’ailleurs à ce que pourrait laisser croire la couverture reprise pour le TPB, par la mise sur le banc de touche d’Illyana Raspoutine (Magik) et de Sam Guthrie (Cannonball), et par l’accession de Danielle Moonstar au rang de chef d’équipe –, le groupe est envoyé à la recherche de Nate Grey (X-Man) porté disparu. La courte enquête qui s’en suit intègre aussi les retombées de Civil War et de House of M. Une fois le cas bouclé, les auteurs ont à peine droit à un numéro de respiration avant de devoir livrer quatre épisodes de tie-in (#29-32) à l’évènement Fear Itself… puis d’enchaîner à gérer les retombées de Schism, qui divise les X-Men entre deux factions menées par Cyclope et Wolverine.

On le voit, le décollage du run se fait dans un environnement sévèrement balisé de tous côtés. Abnett et Lanning parviendront heureusement à s’affranchir de ces contraintes par la suite pour livrer un travail plus personnel, mais elles impactent assez lourdement leur début, même s’ils s’en tirent globalement avec les honneurs. Sur les épisodes de tie-in de Fear Itself par exemple, ils s’en sortent en plaçant leurs personnages sur un terrain parallèle, à part des grandes batailles en cours ; mais ils y trouvent également l’occasion de réactiver le passé de walkyrie de la déesse Hela de Dani Moonstar – un héritage de la fin des années 80 (sous la houlette de Chris Claremont puis Louise Simonson), « remis au goût du jour » l’année précédente par Gillen à l’occasion de l’évènement Siege. Cet aspect du personnage reviendra régulièrement par la suite au cours du run, au point que l’on peut y voir une façon pour nos deux compères de contourner la perte des pouvoirs mutants proprement dits dont Dani a été victime après House of M. – Cullen Bunn à son tour s’en souviendra, un peu plus tard, pour ses Fearless Defenders, et Matthew Rosenberg encore tout récemment à l’occasion de sa mini-série en cours tie-in à War of the Realms.

Incidemment, c’est dans ces épisodes qu’Abnett et Lanning choisissent de lancer la sous-intrigue la plus « légère » de leur run, qui se concrétise dans le dernier numéro du volume par un très réjouissant rendez-vous galant entre Magma et… Méphisto, qui met tout le monde sur les nerfs.

Par rapport au contenu de ce TPB, donc, le meilleur du run est à venir ; je pense notamment à l’arc du retour sur Paradise Island – qui conjugue atmosphère travaillée (option body horror, avec Leandro Fernandez au dessin), gestion intelligente de la continuité et trouvailles réjouissantes – ou au crossover avec Journey Into Mystery, deux séquences qu’on devrait retrouver dans le volume suivant (à paraître dès cet été)… mais globalement, comme dit plus haut, le run s’apprécie vraiment dans sa construction comme un tout avec des éléments qu’Abnett et Lanning sèment au fur et à mesure pour les faire « fleurir » – de façon plutôt explosive – dans la dernière ligne droite de la série.

Pourtant on aurait tort de ne voir dans cette première fournée d’épisodes qu’un prélude maladroit, car les auteurs y définissent déjà ce qui va être le grand thème de leur prestation : celui d’une équipe chargée par ses aînés de régler les problèmes que ceux-ci ont laissé traîner (tâches inachevées, problèmes en suspens et cadavres dans le placard…), alors que ses membres eux-mêmes portent chacun le poids de leur propre passé, plus ou moins traumatique ou en tout cas irrésolu, qui ne manquera pas de revenir les hanter.