C’est ce que je dis : c’est du collectif basé sur de l’identitaire. Et qui fait le jeu du capitalisme parce qu’elle éloigne de toute action collective de classe (j’aurais dû rajouter « de classe », je vais le mettre partout, désormais).
Parce que c’est encore et toujours une affaire de classe. Celle-ci n’est plus l’aristocratie d’avant la Révolution ou la bourgeoisie du XIXe siècle, c’est désormais une sorte de ploutocratie médiatique, mais ça reste toujours le même débat : les privilégiés contre les démunis. Et si les démunis se focalisent sur l’identité (qui est souvent teintée de déterminisme, ne serait-ce que biologique), ils oublient l’aspect « lutte des classes ».
Or, tout est affaire de construction de l’individu. Et un individu se construit en fonction de son sexe, de sa langue, de sa couleur, de sa sexualité, de l’environnement culturo-politique de son pays, mais aussi de sa classe sociale. Tout ces éléments compte pour l’individu. Mais pour le capital (et le capitalisme en tant que biotope social), y a pas grand-chose qui compte, à part la classe sociale. Les premiers éléments définissent des marchés potentiels et donc des bassins de clientèle. L’environnement culturo-politique ne compte guère, Stieglitz ou Ziegler expliquant bien que tous les régimes sont dans des logiques productivistes basées sur du pillage (des ressources naturelles ou humaines, des richesses des pays voisins, qu’ils soient colonisés annexés ou conquis…). Donc qu’est-ce qui reste ? La classe sociale, qui demeure la cheville ouvrière des mécanismes de domination (par l’argent d’abord, puis par l’accès à l’éducation, la santé, la culture, tout étant lié).
En ce sens, je pense (dans la foulée de Mark Fisher, qui selon tes propos « attribue une intentionalité au capitalisme », et je le suis complètement dans son raisonnement) que l’actuelle montée de revendication contre « l’homme blanc hétérosexuel dominant » est un écran de fumée, une diversion de prestidigitateur pour faire oublier le fond du problème : la confiscation des richesses par les riches au détriment des pauvres.
En gros, selon moi (mais Fisher l’a dit avant moi et de manière bien plus structurée), dire « mon patron m’a refusé une augmentation, il est misogyne / homophobe / raciste car je suis une femme / gay / de couleur », ça fait peut-être gagner des procès, mais ça dessert totalement la cause de la classe ouvrière / employée. L’employé qui ne peut attaquer son patron ni pour misogynie, ni pour homophobie, ni pour racisme, se retrouve un peu tout seul. Ce qu’on voit aujourd’hui, les dérives du mouvement woke, c’est le fruit de trente à quarante ans d’émasculation du langage à grand coup de politiquement correct. On a arrêté d’appeler un patron par son nom (à preuve, l’avènement du mot « employeur », qui est l’annonce de l’épouvantail « chômage »). Alors que le principe reste le même : le patron cherche à ne pas dépenser de sous. S’il refuse une augmentation, ce n’est pas misogynie, par homophobie ou par racisme, c’est parce qu’il juge que ne le mérite pas. Un patron misogynie brossera quand même sa meilleure vendeuse dans le sens du poil, parce que c’est sa meilleure vendeuse et qu’elle lui rapporte des sous (ou alors c’est définitivement un psychopathe, mais ça, c’est une autre affaire).
Jim