TEX SPÉCIAL (Collectif)

Rattrapant mon retard en texeries diverses, j’ai lu « Le Prophète Hualpai » hier soir.

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C’est dessiné par Corrado Mastantuono, formidable dessinateur chez Disney qui possède aussi un trait réaliste du meilleur effet (déjà évoqué autour de la série Elias le Maudit). Ici, il livre une prestation sublime, avec un trait écartelé entre deux tendances, d’un côté le trait lâché et nerveux à la Joe Kubert ou à la Jordi Bernet, et de l’autre un sens du détail et de l’éclairage raffiné qui n’est pas sans rappeler Lee Weeks ou le très méconnu Rodolfo Damaggio. Cette tension peut s’expliquer par le fait que, à l’image d’autres dessinateurs (Goran Parlov a évoqué le souci), il était inquiet à l’idée d’affronter ce qui est pour lui « un monolithe de la bande dessinée italienne », et l’équilibre qu’il trouve entre nervosité et netteté est sans doute le fruit de cette recherche, de cette attention.

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Le récit de Claudio Nizzi est classique. Si classique qu’il est déjà comparable, en de nombreux points, avec l’intrigue que ce dernier a signé pour « L’Ultime frontière » chroniqué plus haut : dans une réserve indienne (et non au Canada), des tensions conduisent les autorités (et pas la police montée canadienne) à demander l’aide de Tex Willer, qui vient avec Kit Carson, mais aussi avec son fils et Tiger Jack (donc pas avec Kit seulement) pour régler les affaires. Là-dessus se dessine la silhouette d’un prophète indien qui échauffe les esprits (et non un métis christianisé de force), dont on apprend assez vite qu’il trafique des armes avec des Blancs peu à cheval sur les lois. Par la suite, Kit Carson et le fils de Tex vont réveiller et capturer l’un des trafiquants puis remonter le fleuve afin de tendre un piège aux alliés de ce dernier. Je pense qu’il est possible de superposer certaines séquences d’un album à l’autre sans que ça déborde trop, tant le scénario semble jouer du copier-coller.

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Là encore, on retrouve le cow-boy défenseur de la loi, mal embouché et pour tout dire assez misanthrope. Personnellement, j’aime bien, mais effectivement Tex Willer ne rentre pas dans le moule du politiquement correct actuel. Il déteste tout le monde, les Indiens, les Blancs, les marins, les trafiquants, les riches… S’il a un certain sens de la justice (ou un sens d’une certaine justice, diront quelques mauvaises langues…), il commence par se montrer méfiant envers tout le monde.

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Le récit est rondement mené, plutôt musclé, et Corrado Mastantuono livre ici des pages d’un niveau particulièrement élevé, démontrant qu’il compte parmi les meilleurs dessinateurs d’Italie et peut-être du monde, rival potentiel du mythique Claudio Villa, celui qui aura modernisé le look du personnage et de la série. Magnifique.

Ah, et puis, question fautes, l’éditeur semble avoir un peu freiné. Il y en a encore, et des belles, mais moins que le festival qu’a été « L’Ultime frontière ».

Jim