Déception en ce qui me concerne, même si le film est loin d’être déshonorant…
Mais avec un pitch pareil et un casting aussi « stellaire », on pouvait s’attendre à mieux.
L’histoire signée Louis Bayard (qui est américain et non français, malgré son patronyme) est intéressante et s’appuie sur un fait réel de la biographie de Poe : l’auteur a bel et bien « étudié » à l’académie de Westpoint. Bon, j’imagine que l’acuité historique des faits s’arrête là.
Je redoutais un peu d’ailleurs les clins d’oeil inévitables (et il y en a en effet) au corpus de Poe ; ce genre de références est parfois lourdement appuyé, dans un tel contexte. Ici, mine de rien, c’est assez subtil : un corbeau par-ci, la chute d’une maison (comme chez Poe, dans tous les sens du terme : le bâtiment et la lignée) par-là, et évidemment, le détective Augustus comme probable source d’inspiration d’Auguste Dupin…
Tout ça est plutôt pas mal foutu, sans compter, pour ne rien gâter, que Poe est remarquablement incarné par l’excellent Harry Melling, qui a vraiment la tête d’un Poe jeune.
Bon, à la rigueur, si tout cela est plaisant, ça ne fait pas un bon film, bien sûr. Mais la première heure, au rythme très soutenu et dense, donne plutôt confiance, avec une efficacité dans l’exposition assez redoutable. Hélas, cette heure de très bonne tenue est suivie d’un gros ventre mou, alors que le film s’achève sur un double climax qui confère au film une dynamique un peu étrange, et pour tout dire bancale.
En effet, l’enquête, croit-on, se trouve résolue à un moment de manière assez décevante. Cette déception, compte-tenu du nombre restreint de suspects, était à prévoir. Tout ça pour ça, se dit-on… Mais le film rebondit alors vers une sorte de deuxième conclusion, bien plus surprenante (je l’avais pas vu venir, perso) et même assez touchante. Pas mal, mais de façon peut-être injuste je trouve que le film souffre énormément de la baisse d’intensité dramatique qui suit la première révélation. Inévitable peut-être, mais le ressenti est celui-là.
D’autre part, je ne suis pas sûr que la « vraie » révélation survive à un deuxième visionnage sans quelques rires involontaires… même si Cooper a été suffisamment malin pour planter des graines très tôt dans le métrage.
Et puisqu’on parle de Cooper : c’est le premier film signé par lui que je vois, donc je ne peux dresser de parallèle avec ses précédents métrages. Mais si la photo est magnifique (et tire des effets intéressants des paysages enneigés) et que quelques cadrages inspirés surnagent à l’occasion, sa mise en scène me semble très académique, voire un peu… chiante. Je relève quand même une utilisation intéressante des drones : l’utilisation de ceux-ci est devenue tellement courante et systématique qu’elle en est assez banale finalement ; mais Cooper opte pour des plans certes aériens mais « à basse altitude », genre trois quatre mètres, et j’adore le rendu je dois dire. Il y a des plans pas mal pendant les scènes de fouille en forêt à ce titre.
Mais sinon, rien de bien passionnant à signaler sur ce plan-là.
Il semblerait que Cooper soit également un directeur d’acteurs pas forcément très inspiré (il est pourtant lui-même acteur, je crois), tant les performances de ses interprètes varient en qualité. Si Melling ou Toby Jones sont excellents, Bale alterne entre les très convaincant et l’outrancier. Quant à Gillian Anderson par exemple, j’ai beau l’adorer, force est de constater qu’elle est totalement en roue libre ici.
Du gros potentiel donc, un peu gâché par un manque de vista au niveau de la mise en scène, et quelques soucis de dynamique globale dans la course du récit.
Un film qui reste fort agréable quand même, hein, si l’on kiffe ce type de whodunit.