Trève de blague, je crois que Soyouz a posé la bonne question, là.
(Il est fort pour les bonnes questions. Pour les bonnes réponses, c’est pas la même chanson, mais pour les bonnes questions, c’est un maître.)
Quand j’entends certains critiques, qui profèrent des âneries hénaurmes quand ils parlent d’une adaptation de BD, sans réellement parler du filmage, de l’éclairage, des acteurs, j’aurais tendance à dire « oui, il faut connaître l’œuvre avant ».
Ceci dit, cette approche signifie que si on n’a pas lu l’œuvre avant, faudrait pas aller voir le film. Vu que le cinéma est un art essentiellement d’adaptation, on n’irait pas voir grand-chose.
Donc je suis perplexifié.
Ceci dit, je me souviens toujours que quand je suis allé voir le premier Spider-Man, soit en 2002, j’y suis allé avec toute l’équipe Semic. Parmi laquelle il y avait des fins connaisseurs, et d’autres qui connaissent, on va dire, périphériquement. Et parmi eux, il y avait une grande lectrice de Tolkien, dont Le Seigneur des Anneaux venait d’être adapté l’année précédente. Donc fatalement, le débat est arrivé sur les adaptations (est-ce nécessaire, qu’est-ce qu’une « bonne » adaptation, tous ces poncifs…). Mais elle semblait bien connaître, genre connaître Le Seigneur des Anneaux comme je connais Spider-Man. Genre, trèèèèès bien.
Et je me suis rendu compte dans la conversation que certaines clés de lecture des films (du Jackson ou du Raimi) échappent à ceux qui ne connaissent pas bien le matériau de base. Dans le cas de ces deux films, en plus, qui sont réalisés par des gens à la personnalité marquée, connaître leur parcours, leurs fixettes, leur filmage, permet aussi d’apporter des clés de lectures, mais là, c’est pas tout à fait le même débat.
Du coup, dans la conversation, je me suis rendu compte qu’elle « lisait » le rapport du héros au vilain comme quelque chose de « nouveau » et elle trouvait ça pas original. Je lui ai donc expliqué que c’était à la base du matos des années 60 et que le Green Goblin était profondément original pour l’époque, comme le coup de l’Anneau l’était pour les années 50. Et que, comme Le Seigneur des Anneaux, Spider-Man était fondateur. Et que les deux adaptations restituaient des éléments fondateurs qui, cinquante ans plus tard, ne paraissaient plus trop originaux.
Autre anecdote : j’ai assisté, en 2006 (je crois) à un colloque à Cerisy-la-Salle consacré aux imaginaires modernes. Et une nana présentait une intervention sur le Spider-Man de Raimi. Et elle parlait de la figure féminine, qu’elle trouvait un peu rétrograde, très « damsel in distress ». J’ai pas pu me retenir de lui dire que ça venait des comics, qui avaient quelques décennies de plus, et que la construction des personnages féminins s’articulait sur la tension créé entre un modèle des années 1960 et une relecture des années 2000. Et dans la conversation, j’ai bien vu qu’elle connaissait pas la BD. Ou suffisamment mal pour rater des trucs.
Alors dans l’idéal, je pense effectivement qu’il est toujours mieux de connaître le matériau de base. Moi, je ne connais pas le Green Hornet, à part quelques pages de BD et quelques images chopées sur Youtube. Du coup, je n’ai pas aimé le film récent, mais peut-être que je passe à côté de quelque chose, que je n’ai pas saisi l’ironie, les références discrètes, tout ça…
Donc ouais, pour un spectateur, je pense que la question se pose.
Même hors super-héros : je crois que c’est Soyouz qui posait l’exemple des Chemins de la Perdition version BD ou version film : connaître les deux permet voir les différences et d’appliquer un regard différent sur le film, rien que par les choix opérés lors de l’adaptation.
Après, pour ce qui est des critiques professionnels, ceux qui reçoivent des sous pour parler des films, je crois que c’est un devoir, ça fait partie de leur boulot, que d’aller lire les BD dont les films sont inspirés. Au moins quelques épisodes.
Après tout, ils se renseignent bien quand il s’agit d’un roman.
La méconnaissance des critiques quant au matériau BD de base est souvent le signe d’un mépris irréductible envers le média BD.
Mais ça, c’est encore une autre histoire.
Merci, je ne savais pas que j’étais reconnu pour ça (ou alors, c’est juste pour me flatter, vilain). En même temps, pour le coup, c’est un peu mon taff de poser des questions, donc si elles sont bonnes, tant mieux, mais j’ai peut être moins de mérite !
Ouais, c’est encore moi ! Et je confirme que la fin du film est nulle à côté de celle de la BD !
Néanmoins, on a aussi parlé de Clones (The Surrrogates) et pour le coup, je trouve que le film et la BD se complètent assez bien !
Tout est rectifié, on peut lire la suite ici.
Tu n’es pas encore sauvé, je suis en train de créer un comité pour pendre ceux qui ont rigolé aux blagues dans Thor.[/quote]