Je viens de finir « Le Nommé Jeudi » de Chesterton et j’ai beaucoup aimé. Le roman n’est pas forcément homogène sur toute sa longueur mais il y a tant d’excellents passages et concepts que ce n’est pas gênant quand on fait le point en fin de lecture.
Je vois bien en quoi il a pu inspirer Patrick McGoohan pour « Le Prisonnier ».
Point curieux, l’édition que j’ai a perdu son sous-titre (qui existe déjà dans le titre original). Le titre complet est normalement « Le Nommé Jeudi : un cauchemar ».
Tu fais bien d’en parler. Ça me rappelle qu’il faut que j’aille l’emprunter à la bibliothèque. Et, ce faisant, je me suis rendu compte que Chesterton avait écrit une biographie de William Blake. Alléchant…
Chesterton sur William Blake ?? Ah oui, ce doit être quelque chose… Si j’avais eu connaissance de cette bio à un moment ou un autre, j’ai dû totalement l’oublier, ça ne me dit rien du tout, là.
Tu parles en termes « qualitatifs » ou en termes d’ambiance/d’atmosphère ? J’imagine le premier… Pour le second point, c’est précisément une des forces du roman que de jongler entre différentes tonalités, de manière assez virtuose, à mes yeux. Entre le côté presque burlesque de certaines péripéties et cette façon de clore le récit ultra-puissante et « métaphysique », le mélange est saisissant.
Je parle effectivement d’un point de vue qualitatif.
Le début (face à face Lucien Gregory et Gabriel Syme) et la fin sont tellement réussis que le milieu paraît un peu faiblard à côté. Il y a un côté répétitif qui m’a gêné au niveau des 2/3 du roman car on a bien compris ce qu’il en est des membres du conseil à ce moment là.
Ca reste tout de même une excellente lecture.
EPISODE 10 : Punition absolue dans le phare !!
Retour de l’émission après des vacances bien méritées (oui, oui)…
Le programme cette semaine :
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Pour le cinéma, on évoque l’actualité la plus brûlante avec « The Lighthouse », formidable deuxième film du décidément très prometteur Robert Eggers (« The VVitch »), qui dirige ici Willem Dafoe et Robert Pattinson dans des compositions d’anthologie.
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Pour la littérature, gros pavé au menu avec le deuxième tome d’« Absolute Directors » (sous-titré : « Le Temps de la Décadence »), texte jouissif qui évoque les épopées cinématographiques les plus folles et les plus rock n’roll des 60’s et des 70’s, et c’est signé Franck Buioni.
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Pour la BD, on exhume une sortie qui commence à dater un peu, avec l’album « Punisher - Au commencement », qui compile quelques mini-séries et autres numéros spéciaux consacrés au plus célèbre des vigilantes de chez Marvel ; c’est un spécialiste du perso qui s’y colle, en l’occurrence le fabuleux Garth Ennis.
Et pour la musique, ce sera :
« Subculture Encryptors », extrait du dernier album des suisses de Coilguns, « Filthy Dog », extrait de la BO de « The Lighthouse » signée par le canadien Mark Korven, « Mary Of Silence », excellente vieillerie labellisée nineties que l’on doit à Mazzy Star, et on termine en beauté (si j’ose dire) avec les rois de la déprime épique, j’ai nommé les anglais d’Esoteric, qui mettent de la joie dans nos vies avec « Sick And Tired »…!!!
« Outsiders and strangers from overseas
Fascinated by legends, attracted by myths
Nothing bright enough for us to keep
This quest for odd will never cease… »
Petite minute pinaillage
Dans la mythologie grecque (d’ailleurs c’est bien Ulysse qui les rencontre dans « L’Odyssée »), les sirènes sont des êtres mi-femme, mi-oiseau. C’est la mythologie nordique qui a démocratisée la sirène à queue de poisson.
Sinon, tu m’as donné envie de voir « The Lightouse » qui me tentait déjà bien à la base.
PS: Le morceau de Coilguns est très cool. Et effectivement, il y a un quelque chose qui m’a fait penser à Daughters.
Ah oui ? J’ignorais, ou si je l’ai su, j’ai oublié…
Ceci dit, à ma décharge, le film reprend la version nordique, à queue de poisson donc.
Concernant Coilguns et la connexion avec Daughters, je n’en retrouve plus trace mais il me semble bien avoir lu que les musiciens suisses avaient pris une énorme claque avec « You Won’t Get What You Want » (dernier album en date de Daughters, donc), et que leur propre album en a été fortement impactée ; ça me semble très clair à moi aussi…
C’est plus facile de les différencier en anglais : on a mermaid d’un côté (pour la femme-poisson) et siren de l’autre (pour la femme-oiseau).
Sachant que l’aspect de « naufrageuses » des sirènes provient bien, quand même, des sirènes grecques.
Bon, je n’avais plus que l’émission précédente à écouter… J’ai réduit mon retard !
Tori.
Biba hi, comme on dit chez nous !! (bravo à toi, autrement dit)
Moi aussi j avais rattrapé mon retard. J ai failli faire une réclamation
Bon, bon garth ennis au programme donc.
On ne dira jamais assez a quel point garth ennis est un tres grand scenariste et a quel point son influence est décisive dans le monde des comics.
Là où des moore puis morrison ont exploré les possibilités de l écriture, garth ennis a travaillé, il me semble, au plaisir de lecture.
Ça peut paraitre simple, mais c est décisif. C est un maitre du rythme et du dialogue qui travaille a rendre ses histoires extraordinairement agréable à lire.
Qu il soit ainsi doué pour l humour, dont on sait l importance du rythme dans les effets, n etonnera pas.
Il me semble que des auteurs comme vaughan ou brubaker ont quelque chose d ennis.
Absolument.
Peut-être son aura serait-elle plus grande s’il avait eu le goût de travailler dans le pur « super-slip », mais c’était pas son truc…
La grande époque du Vertigo des nineties était parfaite pour lui de ce point de vue. Je suis surpris de ne pas le voir plus travailler pour une écurie comme Image de nos jours, qui a un peu repris le flambeau du comics « auteurisant » à la Vertigo justement.
Si je suis d’accord avec le côté « plaisir de lecture » immédiat que tu évoques, je pense aussi qu’Ennis est un auteur plus « profond » qu’il n’y paraît, notamment sur le plan éthique et politique.
Le rapprochement avec un Vaughan me semble également pertinent, notamment pour la science du dialogue et la caractérisation.
Moins dans le cas d’un Brubaker, qui travaille sciemment avec des figures archétypales (type polar/film noir dans son cas) sans trop y toucher, alors que Garth Ennis va plutôt essayer de les détourner et s’amuser avec (quand Vaughan essaye carrément de s’en éloigner ou d’en inventer de nouvelles) ; j’en profite pour le préciser : on va reparler de Vaughan pas plus tard que cette semaine, dans l’émission.
Je souscris sur la profondeur d ennis. Tout d abord, je trouve qu il n a pas de rival concernant sa capacité à ecrire des histoires d amour, et en effet sous couvert de potacheries dans the boys, il reussit à faire d une entreprise un personnage principal, et même si le portrait est acide, il n est pas sans subtilité.
Pour brubaker, ma remarque ne vise pas les histoires en effet, mais bien le rythme de lecture, cette scansion, proche de la musicalité.
Brubaker utilise la voix off, là où ennis se repose souvent sur les dialogues, mais j y retrouve ce même effort de fluidité dans le récit.
Eh bien je citerai Brian K. Vaughan sur ce terrain-là justement ; il écrit de très belles histoires d’amour en BD, le bougre.
Je pense par exemple a l une des dernieres production de brubaker, kill or be killed, si je me souviens bien.
Je n ai aucun intérêt pour l histoire en elle même, qui est d ailleurs cousu de fil blanc. Mais le plaisir de lecture n en est en rien diminué. La voix off se marie très bien avec les scenes qu elle ponctue. Ça fonctionne par vague, avec des flux et reflux, j ai été très impressionné par cette maitrise de l ecriture qui est sans esbrouffe mais d une efficacité incroyable, sur moi en tout cas.
Ce n est pas si commun dans le champ des bd, des comics, ce soucis du rythme je trouve.
L ellipse est toujours masqué.
Si je devais faire une image, ce serait un plan sequence dont on ne saisit jamais les faux raccords
Oui, c est vrai.
Idem, et j’ai d’ailleurs lâché l’affaire après le premier tome : c’est bien usiné, comme tu le relèves, mais j’ai trouvé l’histoire très bateau, pour être franc.
Je ne sais pas. J’imagine que ça dépend des auteurs…
Je me souviens d’une interview de Frank Miller où il disait en substance : les auteurs de BD ont longtemps été complexés vis-à-vis du cinéma ou de la littérature, mais ils avaient oublié que la BD permet mieux que tout autre medium de « maîtriser » le tempo.
Même s’il est un auteur très critiqué (parfois à juste titre), je trouve qu’un Tom King fait des choses très intéressantes en la matière, modulant de façon parfois « extrême » le rythme de sa narration (épisodes lus en 4 mn 30 avec une réplique en boucle, alternant avec des épisodes bien plus bavards et denses).
Haha. Oui tom king, c est le travail sur le rythme, quand y en a pas.