UNDER THE SKIN (Jonathan Glazer)

Le teaser :

Mais qu’est-ce que c’est que ce pitch, on dirait un remake classieux de « La Mutante » avec Natasha (gasp…) Henstridge…
Ceci dit, sans avoir jamais vu un film de Glazer (je crois), j’ai entendu dire que le monsieur a du talent, « Birth » par exemple a plutôt bonne réputation (notamment du fait de sa photo paraît-il incroyable).

Oui, ça me fait penser à ça aussi !

La bande-annonce :

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J’ai beau chercher, je n’arrive pas à me rappeler de la dernière fois où je me suis autant ennuyé devant un film. Et sacré performance de la part de Scarlett Johansson, qui peut prétendre au prix du meilleur rôle dans la catégorie zombie au regard vide.

Aouch.
Je reste curieux de découvrir ce film qui se trimballe par ailleurs une réputation assez énorme, mais voilà un avis qui refroidit pas mal les ardeurs…

Pas étonnant que le film ait une certaine aura, c’est un ovni, chose qu’on ne peut décemment pas lui retirer. A ce sujet, le synopsis me semble partiellement incorrect, car les motivations du personnage dans la première moitié du film ne sont pas liées à la sexualité même s’il s’agit bien de prédation.

Détail qui a son importance, car le point de basculement du film vers la deuxième partie s’effectue lorsque l’extraterrestre rompt avec son quotidien de prédation pour déambuler et tenter de comprendre la nature humaine, d’expérimenter les sens et de s’éveiller à la sexualité. Le sous-texte du film me semble en grande partie s’articuler autour de la découverte du corps, d’où une sensualité latente dans un premier temps (en dépit des effeuillages successifs de Scarlett Johansson, Jonathan Glazer dépeint un érotisme froid dénué de contact et de sensation, souligné par l’environnement oppressant, qui est une pièce noire infinie sans aspérité autre que le sol liquide mouvant qui se révèle au fur et à mesure) qui évolue progressivement vers quelque chose de sensitif. Tout d’abord la découverte du touché, qui fait appel à la pureté de l’extraterrestre puisque cette première expérience se fait au contact d’un humain difforme (interprété par un acteur authentiquement déformé à la suite de plusieurs tumeurs, il ne porte aucune prothèse), sans que son physique ne soit un obstacle (l’extraterrestre lui fait la conversation le plus naturellement possible puisqu’elle ne semble pas faire de distinction physique par rapport à ses précédentes victimes). Et c’est sans doute à partir de là que la mécanique se dérègle, puisque la victime va réussir à s’échapper du piège mortel de l’extraterrestre et c’est ce qui va l’amener à s’interroger sur la nature humaine (après cette déconvenue, il y a ce plan dans lequel Scarlett Johansson passe un long moment à se contempler avec incompréhension dans un miroir où on ne distingue qu’une partie de son visage, masqué partiellement par l’obscurité).

Jusque-là, la première partie, qui s’ouvre sur une succession de fondus enchaînés sur les différentes couches de l’œil qui va servir de point d’observation tout au long du film, reposait sur la prédation d’êtres humains par le personnage de Scarlett Johansson, dont la nature extraterrestre n’est mise en évidence que dans son environnement « respectif ». La composition de cet environnement est d’ailleurs réfléchi au niveau de la photographie: deux salles différentes, sans élément autre que les personnages présents avec un décor vide infini. L’une des pièces est d’un blanc immaculé et à la luminosité accrue alors que les personnages sont dans l’ombre, l’autre pièce est d’un noir profond et impénétrable alors que seuls les personnages sont éclairés ou sont source de lumière. Un effet de miroir astucieux, à défaut de rendre les scènes en question véritablement intéressantes. Cependant, une des séquences dans laquelle Scarlett Johansson attire l’une de ses proies dans la salle en noir révèle l’envers du décor:

La victime s’enfonce dans le sol mouvant comme la précédente, mais au lieu de continuer à suivre l’extraterrestre avec la caméra une fois sa victime « noyée » comme précédemment, Jonathan Glazer dévoile le monde en dessous où résident les victimes. Maintenue dans un état d’animation suspendue, l’une des victimes se retrouve expurgée instantanément de tout ce qui compose intérieurement son corps, et il ne reste plus que la peau vide qui flotte. Tétanisant, surtout que le travail du son dans cette séquence contribue au malaise ambiant.

Un parti-pris étonnant de Jonathan Glazer pour filmer certaines scènes, c’est d’avoir eu recours à une « caméra cachée », captant des plans et des séquences qui font donc apparaître non pas des figurants mais des gens au naturel, notamment dans la séquence où l’extraterrestre trébuche dans la rue et au moins une bonne partie de la scène qui se déroule en boîte de nuit, quand l’extraterrestre erre seule au milieu des gens. Je ne suis pas convaincu de la valeur ajoutée du procédé pour ma part, qui ne me semble pas apporter plus d’authenticité au film que ne l’auraient fait de vrais acteurs. D’ailleurs, le film ayant été tourné en Ecosse, il faut s’accrocher pour arriver à comprendre ce que baragouinent les acteurs ou passants du cru. Mais l’anecdote est amusante.

Autre surprise du film, qui intervient à quelques minutes de la fin.

Alors qu’on en arrivait à penser que Jonathan Glazer avait fait le choix de ne pas montrer l’alien sous la peau de Scarlett Johansson, il prend le contre-pieds à la toute fin du film dans une séquence troublante. L’alien retire sa peau et contemple dans ses mains le visage humain de Scarlett Johansson, qui continue de cligner des yeux comme un dernier souffle. L’incompréhension de l’alien face à ce visage, et par extension à tout ce qu’il a vécu dans la deuxième partie du film (la découverte du goût dans le restaurant, le sexe et le rejet qui en résulte), revêt une sorte de mélancolie.

Il y a possiblement beaucoup de choses à dire sur ce film, mais les choix dans le déroulement du scénario et les partis-pris m’ont passablement ennuyé. La succession de fondus enchaînés au début, c’est original mais qu’est-ce que c’est rasoir (ça m’a fait penser au début de Melancholia de Lars Von Trier, où les quelques minutes pendant lesquelles on voit des planètes bouger au ralentis comptent triple), tout comme suivre Scarlett Johansson au volant de sa camionnette pendant des plombes à la recherche de proies pour les inviter et échanger des banalités. Une fois ça va, mais trois à quatre fois, au secours. Et les séquences avec les motards, si elles permettent plus ou moins de déduire la raison de la chasse à l’homme que mène l’extraterrestre, elles ne font que renforcer la léthargie générale distillée par le scénario. L’autre gros problème du film en plus de son rythme somnolant, c’est l’interprétation de Scarlett Johansson, qui bat des records d’inexpressivité en traversant le film avec la bouche mi-ouverte et les yeux écarquillés. Alors, on peut toujours se dire que c’est raccord avec l’interprétation d’un être qui n’est pas humain, qui n’éprouve pas d’émotions (même si elle découvre la peur à la fin), mais suivre une moule qui porte un film pendant près de deux heures, c’est rude. Reste des jolis plans (le fondu enchaîné avec le plan sur la forêt dans la dernière partie du film me semble faire sens contrairement au début, car il met en exergue la plénitude que ressent l’extraterrestre pendant un bref instant), une photographie et un montage très travaillés, mais ça ne suffit pas à en faire un bon film.

Ce ne sera pas la même musique pour moi : grand, très grand film que ce « Under the Skin » à mon humble avis. Quelques potes m’avaient prévenu que ça dépotait, et je me mords les doigts du coup de ne pas l’avoir vu sur grand écran…

De Glazer, c’est le premier film que je vois : ce réal’ est surtout réputé pour le soin tout particulier qu’il accorde à la photo de ses films, et c’est peu dire que celle de « Under the Skin » est fabuleuse : froide, précise, tranchante, c’est de toute beauté. Quant à la mise en scène, elle permet à Glazer, sur un pitch somme toute passe-partout (c’est celui de « La Mutante » après tout…), de donner naissance à des images tenant du jamais-vu.

Il y a un peu de Lynch chez Glazer, avec ce soin maniaque accordé au mixage sonore (quel boulot sur le son…) et l’utilisation oppressante des silences, mais aussi une foi inébranlable dans des effets parmi les plus primitifs du cinéma, notamment les surimpressions et les fondus-enchaîné, ce qui me touche toujours beaucoup.
Il y a du Kiyoshi Kurosawa aussi, dans cette façon de faire survenir les « évènements » cinématographiques au sein même du plan, dans sa continuité (et pas « reconstitués » par la grâce du découpage et / ou du montage), et dans cette façon de dilater les plans jusqu’à leur quasi point de rupture. Le montage du film d’ailleurs, très discret, se permet quelques libertés bienvenues, comme ces jump-cuts à la Lars Von Trier, qui passent comme une lettre à la poste.

Le film est aussi et surtout un grand film « sensoriel », et pas que du point de vue de la vision : certes cette fonction est mise en avant par le film et le medium lui-même, naturellement, mais il y a quelque chose de très beau à ainsi réussir à évoquer, sans le recours aux dialogues, le toucher et le goût de manière aussi subtile. Dans ces moments les plus « autres », le film devient quasi hypnotique, pour ne pas dire proprement hallucinogène (je n’insiste pas sur les séquences dans la « white room » et la « black room », pour filer la métaphore lynchienne, qui sont visuellement à tomber en plus d’être vraiment originales).
Thématiquement, le film aborde bien sûr la question de la prédation sexuelle, mais pas bêtement en procédant à une redistribution des cartes et en inversant les rôles : le final « renverse le renversement » en quelque sorte (tout en superposant les deux protagonistes par la grâce du montage, les « identifiant » l’un à l’autre).
Honnêtement, cette dimension pas inintéressante est largement occultée par le parti-pris de Glazer de s’attacher aux sensations de l’extra-terrestre plutôt qu’à ses « pensées rationnelles » (qui nous seront à jamais étrangères) : le film accouche alors de séquences parfois sublimes.
L’étrangeté de l’alien nous est par exemple présentée dès le début du film par ce plan macro sur une fourmi, un organisme totalement étranger au nôtre. Mais si la fourmi nous est étrangère, nous, quel effet produisons-nous sur une fourmi ? Une étrangeté plus radicale encore, peut-être : c’est dans cette « réciprocité de l’étrange » que le film trouve son fondement. Le perso incarné par Johansson ne nous est pas totalement étranger (elle parle notre langue après tout), mais ces longues séquences où elle est isolée par l’habitacle de son véhicule (c’est le côté road-movie du film), les sons lui parvenant étouffés ou altérés, résument son isolement irréductible du monde des hommes.

Pour ce qui est du rythme du film et du (non)jeu de Scarlett Johansson, je n’ai été gêné ni par l’un ni par l’autre : Johansson, en en faisant très peu, fait le job à merveille tout en cassant intelligemment son image d’actrice über-glamour (elle est sexy dans le film, mais à des lieues de son image bimboisée depuis"The Island" de Michael Bay, vulgaire tout en restant très troublante, ne cachant rien de quelques rondeurs charmantes habituellement gommées par Photoshop ou autres…) ; quant au rythme indolent du film, il me semble indissociable de l’effet hypnotique recherché par le cinéaste (j’ai du mal à m’ennuyer devant un film et c’est donc un argument que j’ai du mal à prendre en compte, le côté « chiant » d’un film…).
S’il est vrai que la première moitié du film consiste en une répétition ad libitum du schéma traque d’une proie / disparition de celle-ci, le réal et son scénariste ont l’intelligence de procéder par ellipses, de ne jamais montrer le « rituel » in extenso, et de permettre au spectateur de combler les trous par lui-même.

Et que dire de l’extraordinaire final, surprenant, plastiquement superbe et thématiquement vertigineux ? « Le plus profond, c’est la peau » disait Paul Valéry : voilà un aphorisme qui va comme un gant à ce film, où ce qui fait office de fond, c’est la forme, comme dans toute œuvre réellement accomplie.

Voilà une péloche qui rejoint directement mon panthéon perso des grands films barrés, hallucinants et hallucinés, aux côtés de « Ne vous retournez pas » de Nicolas Roeg, « Altered States » de Ken Russell, ou « 2001 » de Kubrick. Ouaip, carrément !!

Je me disais justement après la séance que je ne l’avais jamais trouvée déterminante dans des films précédents, mais que ça ne m’avait pas gêné jusqu’à présent parce qu’elle était portée par ses interactions avec les autres acteurs, et donc souvent par les échanges de dialogues générés par le scénario. Malheureusement, Under the skin est sous-dialogué, les quelques dialogues qui subsistent étant bassement utilitaires. Je ne lui trouve d’ailleurs aucun charme, ni dans son physique ni dans ce qu’elle dégage à l’écran, ce qui est handicapant pour un film qui repose en partie sur sa performance.

Tu en donnes la raison toi-même juste après:

C’est près de 50 minutes de film qui sont bâties sur le même schéma, à base de répétitions de séquences pauvrement dialoguées et d’actions répétitives. Sur un rythme léthargique. Qu’il y ait des ellipses ne change pas ce principe (ce sont les mêmes points clés qui sont répétés: l’accroche d’une personne, les platitudes échangées mutuellement et le piège de la maison), qui n’était déjà pas passionnant dès la première occurrence. Et même si thématiquement la suite est porteuse de questionnements sincères, ça se traduit souvent à l’écran par des péripéties insipides qui s’articulent autour d’une trame guère plus captivante. Franchement, sans même prendre en compte la mise en scène (qui est la seule chose avec le travail du son qui ait suscité mon intérêt), rien que le déroulement et le contenu du scénario m’étaient rédhibitoires dans Under the skin. Si je n’avais pas été au cinéma, je n’aurais pas regardé le film en entier.

Pour Johansson, si elle a peu de performances notables à son actif, je l’ai trouvé convaincantes dans quelques rôles, comme « Ghost World » ou « Lost in Translation », des rôles qui datent d’avant sa « transformation », d’ailleurs…
Je dois dire que je trouve son physique atypique (petite avec des rondeurs, le teint pas forcément hâlé…) rafraîchissant dans le contexte actuel, et pour parler très clairement, elle a suffisamment de sex-appeal (même s’il est « maquillé » en l’occurrence) pour remplir son rôle dans « Under The Skin ». Je trouve également sa voix un peu voilée et rauque (et très sexy) intéressante, comme semble l’avoir compris Spike Jonze, mais j’ai pas encore vu son film « Her » (où elle joue…une voix).

Pour les dialogues, c’est difficile de nier que le film est pauvre de ce côté-là ; en même temps ça me semble raccord avec les thèmes développés par le film : ne pas pénétrer les pensées de cette « étrangère » passe aussi par ce côté silencieux du film.

Pour le côté répétitif de la première moitié, je ne suis pas tout à fait en accord : certes il y a des répétitions (et je dois avouer que c’est un point qui m’intéresse beaucoup, les répétitions volontaires ; ça joue peut-être dans ma réception du film), mais pas aussi mécaniques que ça.

Pour le premier mec, on voit qu’elle l’aborde et on en reste là. Le second, elle l’aborde et il mord à l’hameçon. On ne voit pas ce qui se passe ensuite. Un autre est pris et on le voit disparaître dans ce liquide noirâtre ; un autre un peu plus tard disparaît et on voit ensuite ce qui se passe pour les « disparus » au cœur de ce liquide…

Du coup, chaque itération semble apporter quelque chose, en tout cas c’est comme ça que je l’ai vu. Une construction « sérielle », au sens premier du terme.
Ce qui me semble intéressant avec cette façon de faire, c’est que ça casse complètement le schéma habituel en trois actes « exposition / nœud du problème / dénouement », tout en ménageant quand même une montée en puissance dans la portée des révélations (même s’il semble évident que Glazer n’a que faire de « distraire » son spectateur ; c’est peut-être un tort).

Je pinaille sur ces quelques détails mais ça n’enlève rien au fait que je trouve ta réception du film tout à fait légitime bien entendu, et dûment explicitée, en plus. Je ne suis simplement pas forcément sensible aux mêmes axes.
Il est cependant probable que la plupart des spectateurs risquent de trouver le film ennuyeux, je peux le comprendre (et le craindre)…

Laissez tomber les gars, ça sert à rien de la critiquer, il est amoureux, Môôôsieur Photonix !

Ouch! Under the skin… « Très grand film »!?!
Probablement le plus mauvais film de l’année à mon avis.
Un objet pseudo arty qui n’en finit pas, une purge sans queue ni tête dont même un Lynch sous calmants ne serait pas capable d’approcher.
Peut être que si le film a autant fait le buzz c’est parce que Scarlett, avec ses airs vulgaires et son regard bovin,s’y dévoile sans vergogne…ou parce que le réal’ est hype… je ne sais pas, toujours est il que les critiques de cinéma « professionnels » pètent bien souvent plus haut que leurs…et leur avis est loin de faire autorité pour moi. Mais chacun ses goûts je reconnais…
Entre ça et le navrant Lucy, la ScarJo est loin de remonter dans mon estime!

Rhôôôôôh, 'Fab !! Je m’attendais à mieux de ta part… :wink:

Que tu n’aimes pas le film, soit, mais pas cette enfilade de clichés, s’il-te-plaît !!!
Le plus mauvais film de l’année ? Au moins. C’est faire totalement abstraction de l’aspect technique du film, à cent coudées au-dessus de la concurrence.
Objet « pseudo-arty » ? Purge « sans queue ni tête » ? Je sais pas ce que ça veut dire. Pour le coup ce sont des mots alignés les uns derrière les autres, mais une fois qu’on a dit ça on est pas plus avancé.
Le réal est hype ? Ben ça fait dix ans qu’il n’a pas fait un film, c’est de la hype sur le long terme alors…

Moi non plus y’a pas beaucoup d’avis qui font autorité pour moi (je me fie à mes yeux et mes oreilles, étonnamment), même si j’avoue que je ne sais pas ce que tu veux dire pas « critique professionnel », ni par « péter plus que son… ». Mais là j’ai vu, j’ai pris une claque, point.

Je n’ai pas vu Lost in translation en entier, mais j’y observais déjà ce qui me gêne chez elle, tant physiquement que dans son jeu, et qui me semble constant même dans des rôles différents (je pense à Vicky Christina Barcelona ou son rôle de veuve noire dans le Marvel universe) : son visage n’a que peu d’aspérités, pas vraiment de traits prononcés, et véhicule de fait difficilement l’émotion puisque que ce n’est pas une actrice expansive, démonstrative dans sa performance. Elle est me semble plus dans le registre de l’understatement que du sur-jeu, ce que je ne critique pas en soi, mais encore faut-il réussir à communiquer des choses, et c’est là que ça coince à mon sens. Elle ne fait que rarement passer quelque chose. Tu me diras que dans le cas d’Under the skin, c’est raccord avec ce que requiert l’interprétation de son personnage qui n’est pas humain, et qui découvre les sensations propres à l’humain au fur et à mesure du film, mais c’est quelque chose qui me laisse de marbre dans ce cas, précisément parce qu’on ne pénètre pas la personnalité de l’extraterrestre, qui apparaît de fait comme une coquille qui réagit graduellement et de façon primaire aux stimulus extérieurs qu’elle subit. La démarche m’apparaît vaine, même si elle n’est pas illégitime.

[quote=« Photonik »]Pour le côté répétitif de la première moitié, je ne suis pas tout à fait en accord : certes il y a des répétitions (et je dois avouer que c’est un point qui m’intéresse beaucoup, les répétitions volontaires ; ça joue peut-être dans ma réception du film), mais pas aussi mécaniques que ça.

Pour le premier mec, on voit qu’elle l’aborde et on en reste là. Le second, elle l’aborde et il mord à l’hameçon. On ne voit pas ce qui se passe ensuite. Un autre est pris et on le voit disparaître dans ce liquide noirâtre ; un autre un peu plus tard disparaît et on voit ensuite ce qui se passe pour les « disparus » au cœur de ce liquide…

Du coup, chaque itération semble apporter quelque chose, en tout cas c’est comme ça que je l’ai vu. Une construction « sérielle », au sens premier du terme.
Ce qui me semble intéressant avec cette façon de faire, c’est que ça casse complètement le schéma habituel en trois actes « exposition / nœud du problème / dénouement », tout en ménageant quand même une montée en puissance dans la portée des révélations (même s’il semble évident que Glazer n’a que faire de « distraire » son spectateur ; c’est peut-être un tort).[/quote]

J’entends bien, mais hormis le mystère sur ce qui se passe en définitive dans la maison, le reste des itérations ne me semble pas apporter quelque chose de significatif, que ce soit du point de vue de l’intrigue ou des personnages, même si la discussion avec l’homme difforme dans la camionnette est le point de départ pour la deuxième partie du film. En temps normal, je serai plutôt sensible à ce genre de démarche mais c’est ici au service de thématiques et de choix narratifs qui ne me parlent absolument pas. Mais c’est affaire de perception, j’en conviens, je trouve même que techniquement il y a beaucoup à dire du travail effectué. Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est à cent coudées au-dessus de la concurrence, par contre. :wink:

[quote=« Photonik »]Je pinaille sur ces quelques détails mais ça n’enlève rien au fait que je trouve ta réception du film tout à fait légitime bien entendu, et dûment explicitée, en plus. Je ne suis simplement pas forcément sensible aux mêmes axes.
Il est cependant probable que la plupart des spectateurs risquent de trouver le film ennuyeux, je peux le comprendre (et le craindre)…[/quote]

Ah ça, dans la séance où j’étais (petite salle de 100 places mais remplie), c’était le soulagement général lorsque le générique de fin est tombé (en plus d’avoir eu droit au lourd qui pouffe devant la scène de sexe et celle du restaurant).

je verrais à l’occassion, mais j’attend le film au tournant à vous lire, parce que la découverte « des sensations humaines » ramenées au seul corps, sans le langage qui va avec, c’est juste fumeux.

Mouais. Faudrait développer un peu, là.

Ceci dit, on en revient toujours au même point, Nemo, tu dénies au cinéma (ce qui est ma foi ton droit le plus strict) ses spécificités narratives propres, qui peuvent passer par le langage…ou pas.
On peut développer une narration qui exclue le « langage », c’est quand même pas à un lecteur de BD que je vais apprendre ça ?!? :wink:

non, mais c’est toi là qui réduit le langage aux mots. La narration ça fait partie du langage.

Ce que je veux dire c’est qu’il n’y a pas de sensualité propre au corps et uniquement au corps, d’affect propre au corps et uniquement au corps.

dans la psychose le corps s’effondre, il est atteind d’une mortification très forte, dans l’autisme il n’y a pas de corps, ce dont témoignent les personnes autistes qui ont accedé au langage.

C’est de ça dont je parle, il n’y a pas une façon brute propre a tous de vivre son corps qui reposerait sur un système nerveux partagé par tous.

Je prend des exemples tirés de la clinique psychanalytique mais on peut aussi bien plonger dans les textes antiques, se souvenir de la fureur des heros grecques, l’expèrience des métamorphose d’ovide, pour s’appercevoir que notre façon de vivre notre corps, de le percevoir, de le ressentir, si notre il y a, n’a que peu à voir avec celle des grecs.

Donc l’eveil à l’humanité par la sensualité du corps, faut que ça tienne compte de cela, sinon c’est un positivisme de bas étage.

Et je ne denie pas au cinéma son écriture, je m’interroge sur ses limitations et sur l’industrie qu’elle mobilise.