[quote=« Asimov »]Le film est une excellente adaptation pourtant, un peu comme pour 300, mais des petits changements ont comme même étaient faits.
Je préfère le film à la BD, le film étant moins décousu. Mais la BD n’en reste pas moins très bonne effectivement, développant plus les persos et leur psychologie, le film étant plus centré action, sans toutefois dénier les scènes clés du comic.
Mais il faut voir V!!![/quote]
En fait, la BD n’est pas décousue.
D’abord, faut savoir qu’elle est parue en premier dans un magazine anglais, par tranche d’une dizaine de planches. Cela crée, une fois compilé, un rythme particulier. Mais cela permettait aussi à Moore et Lloyd de s’attarder à chaque segment sur un détail, un personnage, une péripétie particulière.
Ensuite, c’est une BD polyphonique : on suit plusieurs personnages, plusieurs voix et plusieurs intrigues en parallèle. C’est pas du tout linéaire. Et ça peut désarçonner, effectivement.
Après, si l’adaptation n’est pas mal vue, il manque au film le discours politique propre à Moore. Moore est un anarchiste qui émet (et étaye) l’hypothèse que le pouvoir devrait être confisqué par le peuple (et pour le peuple). Et que les représentants des institutions (surtout dans une Angleterre fasciste) devraient en être privés. Mais il conclut son récit en fin ouverte, comme ça a été dit avant moi, mais aussi en fin non résolutive (et là, on peut aussi penser, en termes de cinéma, à John Carpenter, qui laisse souvent la conclusion de ses récits à son spectateur). On ne sait pas qui est V, on ne sait pas clairement ce que va faire Evey, on ne sait pas ce qu’il advient du pouvoir, ni de plusieurs des personnages secondaires qui sont désormais livrés à eux-mêmes en sortant de l’histoire.
On se doute bien que cette pensée anarchiste enquiquine Hollywood et l’Amérique. Donc la production et le réalisateur ont opté pour une fin différentes, qui confère le pouvoir au peuple mais à travers un vote symbolique. Et ce qui était une fin militant pour l’anarchisme chez Moore devient une fin militant pour la démocratie (la voix du plus grand nombre) dans le film.
En soi, cela constitue une trahison assez forte de l’œuvre.
Ceci dit, les mêmes problèmes se sont présentés à Snyder quand il a adapté Watchmen, et les studios ont maintenu la même pression (sans doute pour les mêmes raisons politiques), de sorte que la fin a été considérablement changé.
Dans la BD, l’apparition du poulpe téléporté suscite une peur collective qui se mue en naissance d’idées, de solutions et d’imagination dans le monde entier. L’esprit de l’humanité se met à réfléchir à sa place dans le monde et trouve des solutions (sans doute temporaires…). Le pouvoir appartient à l’imagination.
Dans le film, une ville est rasée par l’énergie de Doc Manhattan, et l’humanité est plongée dans une peur non pas stimulante mais pétridiante, une peur sacrée face à ce qu’elle interprête comme la colère divine (car, on nous le dit dans le film, « Dieu existe et il est américain »). Du coup, là où la « stratégie du choc » dynamise l’imagination, l’optimisme et le volontarisme dans la BD, elle fige les hommes dans une peur attentiste.
Bref, politiquement, d’un côté une vision anarchiste, de l’autre une vision impérialiste.
À tout prendre, l’adaptation de V For Vendetta s’en sort mieux.
Jim