[quote=« Jim Lainé »]Tu parles ici des thèmes et des sujets. Et si je suis d’accord pour dire qu’il y a une énonciation forte, des idées, tout ça, ça ne l’emporte pas assez, pour moi, pour me saisir comme ça t’a saisi.
J’ai du mal à le voir comme un chef d’œuvre, pour ma part, d’autant que des tas de points structurels se retrouvent dans l’autre film que j’ai vu, Drive : le rapport à l’enfant, les visions du futur, le ciel nuageux…
Du coup, j’ai l’impression que le cinéaste ne s’est pas mis à la disposition de son sujet, mais au contraire a cherché un sujet qui lui permettent de passer ce qu’il a à dire ou à montrer. Et du coup, cela me semble anti-kubrickien.
(Ça demeure ceci dit une découverte, de mon côté…)
Jim[/quote]
Je ne crois pas du tout que se mettre au service de son sujet soit la marque du cinéma Kubrickien, qui me semble plutôt être le cinéaste par excellence qui « tire » le sujet à lui. Du coup, des films qui peuvent sembler thématiquement très éloigné l’un de l’autre (« Orange Mécanique » et « Full Metal Jacket », par exemple) racontent pratiquement la même chose (liberté individuelle vs la société, l’endoctrinement, et plus largement, la vraie fixette kubrickienne, la défiance vis-à-vis du discours…).
Ce qui m’amène au point suivant : je comprends qu’on puisse apprécier un bon dialogue bien écrit et bien mis en scène (c’est mon cas aussi), ça fait partie intégrante du cinéma, mais je ne pense pas que ça soit l’essence de cette discipline (ce qui est logique, sinon il faudrait jeter tout le cinéma muet aux orties).
Les dialogues ou les discours ont toujours constitué de la matière cinématographique de premier ordre, mai bizarrement assez souvent pour exprimer (comme chez Kubrick) une certaine méfiance vis-à-vis du discours et de sa logique. Ex : dans les « screwball comedies » à la Howard Hawks, les acteurs déclament de véritables logorrhées verbales, mais en général elles expriment l’inverse de ce que pense le personnage, et tout le travail du cinéaste est de montrer ce hiatus par la mise en scène et la monstration du corps qui prononce ce discours. Un personnge prétendant haïr son interlocuteur alors que tout dans son attitude corporelle (ou ses lapsus) indique exactement le contraire, typiquement…
On peut aussi penser à Chaplin qui a été un grand metteur en scène de muet, et qui se frotte au discours pour en dénoncer le potentiel poison (cf. « Le Dictateur »).
Pour revenir à Kubrick, il est vraiment le cinéaste par excellence qui pense la toute-puissance des images par rapport au discours, à cause de l’impuissance de celui-ci à évoquer (logique) l’indicible.
Pour « Valhalla Rising », il est intéresssant de signaler la façon dont Refn a procédé (un peu chaotique).
Refn a vendu son projet comme un « Pusher » chez les Vikings (de son propre aveu, avant « Drive », il vendait toujours ses projets comme ça, pour rassurer les producteurs), plutôt un film d’action à la « Pathfinder », on va dire. Sauf que 15 jours avant le tournage, il se rend compte qu’il n’a pas du tout envie de faire ça. Il convoque son scénariste pour ménager en catastrophe des pistes lors du tournage, et c’est ensuite au montage (!) qu’il trouve son film, c’est-à-dire lorsqu’il le déstructure pour en complexifier le propos (en introduisant la notion de voyage dans le temps, et les visions fulgurantes de « One-Eye »). Il en parle dans une excellente interview présente dans le DVD de « Valhalla Rising ».
Il indique dans la même interview qu’il a voulu créer une figure « mythique » de cinéma de genre, à mi-chemin entre le samouraï Yojimbo et l’Homme sans nom de Leone…