REALISATEUR
Peter Bogdanovich
SCENARISTE
Henry Ney
DISTRIBUTION
Mamie Van Doren, Mary Marr, Paige Lee, Gennadi Vernov…
INFOS
Long métrage américain
Genre : science-fiction
Année de production : 1968
Au début des années 60, la firme American International Pictures, la société de production de séries B à petit budget fondée par James H. Nicholson et Samuel Z. Arkoff, achète les droits d’une poignée de pelloches de S.F. venant de Russie. Mais pas pour les distribuer aux States telles quelles…le message propagandiste ne pouvait d’ailleurs pas passer en pleine Guerre Froide : la tâche est donc revenue à Roger Corman de produire de nouveaux films à moindre frais à partir du matériel à disposition.
C’est ce que les spécialistes ont appelés les « Corman’s cut-and-paste » (les couper-coller de Corman) : de nouveaux dialogues en anglais sont écrits pour remplacer les répliques originales et le montage est changé pour former une histoire différente. De nouvelles séquences sont également tournées pour (essayer de) former un tout cohérent. Les comédiens russes se retrouvent également affublés au générique de noms américanisés.
La Planète des Tempêtes, un bon film de S.F. russe datant de 1962 dont je vous ai déjà parlé dans ces colonnes, a ainsi été « cannibalisé » non pas une, mais deux fois. Cette histoire de cosmonautes partis explorer la planète Venus a d’abord servi de base pour Voyage to the Prehistoric Planet en 1965. C’est à un débutant nommé Curtis Harrington (Le diable à trois, Ruby) que Corman confie la tâche d’écrire et de réaliser des segments qui permettent de faire le lien avec le montage provenant du matériel russe. Le vétéran Basil Rathbone, dans l’un de ses derniers rôles, y joue un savant qui dirige depuis une base lunaire une opération de sauvetage visant à récupérer les astronautes (ben oui, ce ne sont plus des cocos) qui se sont crashés sur Venus.
Seulement voilà, AIP et Corman ont ensuite décidé qu’il fallait en rajouter une couche.
Se rendant peut-être compte que Voyage to the Prehistoric Planet manquait de présence féminine, Roger Corman a l’idée de refourguer quasiment le même film au public des drive-in (même les dialogues doublés en anglais sont identiques), mais en changeant le contexte. Exit la base lunaire, les scènes rajoutées mettent cette fois-ci en scène de jolies Vénusiennes télépathes (avec soutifs en coquillage), adorant un « dieu » ptérodactyle et n’appréciant guère la présence sur leur planète de visiteurs indésirables. C’est un autre poulain de Corman, Peter Bogdanovich (futur réalisateur de La Dernière Séance et Mask), qui essaiera de donner un sens à l’ensemble. Il part pendant 5 jours filmer des pin-ups sur un bord de mer et ajoutera lui-même ces séquences au montage existant, en bidouillant une voix-off pour donner du liant à ce patchwork troué de partout.
On retrouve aussi dans le premier acte des images tirées de Nebo Zovyot, une autre production russe de 1959 dont Corman tirera Battle Beyond the Sun (avec un nouveau montage et quelques scènes supplémentaires remplies de bébêtes visqueuses réalisées par un jeune Francis Ford Coppola), dans le but de créer une nouvelle introduction, qui se révèlera bien confuse à cause de faux raccords à gogo.
Au final, ce Voyage to the Planet of Prehistoric Women n’est qu’un second recyclage pas très inspiré et n’a que peu (voire pas du tout) d’intérêt surtout pour quelqu’un qui a vu l’oeuvre originale et la première redite Cormanienne. On est loin de l’atmosphère du long métrage de Pavel Khlushantsev, qui perd ainsi de son mystère en donnant forme(s) (et quelles formes !) à ces voix envoûtantes qui résonnent tout au long du périple des voyageurs de l’espace.
À noter que Peter Bogdanovich a préféré signer le film d’un pseudonyme (Derek Thomas) puisque le produit fini ne compte qu’une dizaine de minutes mises en boîte par ses soins. Il est tout de même crédité au générique en tant que narrateur.