1962-2022 : BON ANNIVERSAIRE SPIDER-MAN !

Amazing Spider-Man Annual #15 (1980) :

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Si Denny O’Neil a marqué les esprits chez Marvel avec ses runs sur Iron Man (la déchéance de Stark suivie de son retour en grâce) et Daredevil (l’ascension remarquée du prometteur David Mazzucchelli), c’est en revanche un peu moins le cas de son passage d’un an et demi sur Amazing Spider-Man, assez souvent réduit à ses deux principaux apports. En l’occurence, les débuts respectifs de Madame Web & Hydro-Man, sans oublier le monstrueux Mud-Thing, résultant de la fusion passagère de Morris Bench avec l’Homme-Sable, tous deux entichés de la même demoiselle (tout cela aboutissant à un pseudo-remake de King Kong avec la créature boueuse dans le rôle du grand singe).

Plutôt que les histoires de sont propre run, le plus grand impact de Denny O’Neil sur Spidey se trouve en fait du côté de ses fonctions d’editor/responsable éditorial. En effet, ce n’est autre que lui qui a confié Spectacular Spider-Man à Roger Stern (un run assez remarqué, ayant ensuite permis au scénariste de monter en grade sur le titre Amazing Spider-Man, accompagné cette fois-là de dessinateurs à la mesure de son talent). Un choix particulièrement inspiré, comme l’ont démontré la cinquantaine de numéros que Stern aura produit sur ce personnage durant la 1ère moitié des années 80.

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En ce qui concerne la quinzaine d’épisodes d’O’Neil sur Amazing Spider-Man (post-Wolfman/pré-Stern), ses numéros les plus mémorables sont sans aucun doute les deux Annuals que le scénariste a produit en compagnie de son jeune protégé d’alors, un certain Frank Miller (sur le point de devenir le seul scénariste de Daredevil à ce moment-là , une série justement supervisée par O’Neil), le cover artist attitré de Spectacular Spider-Man à la même période (durant l’ère Stern).

O’Neil et Miller, ici tous deux sur un pied d’égalité (qualifiés de co-créateurs dans les crédits) y ont l’opportunité d’orchestrer une de ces rencontres plus ou moins régulières entre Spidey et le sorcier suprême (une tradition remontant à l’Annual de Lee/Ditko, reprise au cours des décennies suivantes).
Un team-up assez logique étant donné le pedigree des auteurs, Miller étant ainsi un grand fan de Ditko (il a après tout failli être le dessinateur du Doctor Strange de Stern, mais le succès de son Daredevil en a décidé autrement), tandis que O’Neil n’était pas non plus étranger à l’univers de Stephen Strange, celui-ci ayant été associé à la fin de l’ère Ditko (surtout en tant que dialoguiste) lors de son début de carrière.

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Les différents team-up de ces deux héros ont de plus cet intérêt narratif de représenter un choc des cultures (le monte-en-l’air étant aussi peu à l’aise avec l’univers de Strange que Jack Flag avec le pan cosmique des Gardiens de la Galaxie) ainsi qu’une complémentarité conceptuelle, tant ces deux-là représentent chacun une facette distincte, qu’il s’agisse de la magie (Strange) ou de la science (Spidey), justement deux des spécialités du Docteur Fatalis (un des deux vilains principaux de ce numéro).

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Ceux qui s’attendent à une présence accrue de Fatalis (rapport à ce que laisse envisager la couverture) risquent d’être déçus puisqu’il ne se taille pas vraiment la part du lion dans ce numéro, celui-ci ayant préféré déléguer ses basses besognes à un laquais qui ne paye pas de mine (Lucius Dilby, un nabot avec un look à la Otto Octavius), véritable pion dans les machinations coordonnées de Fatalis et Dormammu.

Plus que les team-up des deux vilains (complotant ensemble seulement au début) et des deux héros (réunis qu’à la toute fin du récit), le principal attrait est bien sûr la présence de Frank Miller au dessin.

Le jeune dessinateur s’en donne à coeur joie à chaque séquence avec des lieux variés, qu’il s’agisse du château de Fatalis, de la dimension de Dormammu, du sanctuaire de Strange ou encore de l’univers urbain de Spidey (des toits aux rues, en passant par ces châteaux d’eau typiques de la version Ditko), nappant l’ensemble d’une atmosphère baroque et oppressante avec cette pluie quasi-continuelle. Les scènes d’action se font dynamiques et inventives à souhait, tirant parti de l’environnement dans lequel les personnages se déplacent (avec cet alignement caractéristique de cases horizontales et verticales).
Un véritable festin visuel qui bénéficie en outre de l’encrage du grand Tom Palmer (c’est Byzance).

Au cours de la séquence du concert nocturne, Miller s’arrange même pour placer une référence au groupe punk Shrapnel, contenant dans ses rangs deux futurs membres du groupe Monster Magnet, parmi lesquels sont fondateur Dave Wyndorf (au rayon coïncidence, le groupe Shrapnel a été associé au label Elektra Records, ce qui ne peut que rappeler aux fans de Miller une tueuse d’origine grecque).

Annual oblige (donc un peu à part), les rappels à la continuité restent assez légers, le Docteur Fatalis étant alors récemment sorti de sa catatonie (dans une histoire courte de Moench/Sutton), tandis que côté « soap » la malchance se poursuit entre Peter Parker (obligé de poser un lapin à ses proches) et la pauvre Debbie Whitman (jamais le bon timing entre ces deux-là). Quant à la paire de docteurs (Strange/Fatalis), ils auront eu l’occasion de se recroiser à la fin de cette même décennie lors du Triomphe & Tourment de Stern/Mignola (sans Spidey ni Dormammu cette fois mais avec Méphisto en guise d’ennemi commun).

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