PUNISHER PRESENTS: BARRACUDA #1-5
Au milieu de l’année 2007, Garth Ennis s’offre une petite récréation, toujours inscrite dans le label Max. Faut croire que l’irlandais, même quand il dit qu’il veut écrire des sujets plus sérieux, finit toujours par revenir au grotesque, à un moment ou à un autre. Et qui de mieux que son nouveau personnage, créé l’année d’avant, pour cela. Mais attendez, le Punisher ne l’avait pas laisser pour mort et estropié, au milieu des requins ? Explications !
Barracuda a donc survécu et a besoin de pognon, beaucoup de pognon, énormément de pognon, pour se venger du Punisher. Cependant, des mafieux italiens tentent de le faire monter dans une voiture … mais en oubliant les formules de politesse, ils s’attirent ses poings et tout autre objet pouvant faire mal. Puis, dans un bar, visiblement une vieille connaissance sudiste lui apprend que « Big » Chris Angelone a un taf pour lui… et c’était ses hommes qu’il a molestés. Après avoir fait le ménage nécessaire, il se rend chez le mafieux. Celui-ci lui demande de former son seul fils, Oswald, en butant son fournisseur de drogue, Leopoldo Luna, également président du Santa Morrricone. Le problème est qu’Oswald est hémophile, qu’a 20 ans, il a le physique d’un ado chétif, un QI qui semble peu élevé et qu’il interagit assez peu avec son environnement. On est loin du futur parrain de la mafia.
Là, où ça se complique pour les Angelone, c’est que Barrucada connait très bien Luna, puisqu’il l’a aidé dans son coup d’Etat. Le piège s’inverse, Oswald devient le prisonnier (de luxe, parce qu’il ne se rend compte de rien) du Santa Morricone. Big Chris décide donc de se rendre en Amérique du sud, afin de faire le boulot.
Barracuda décide d’appeler un ancien camarade barbouze, Fifty, dorénavant drag queen et gradé dans l’armée américaine, pour l’aider dans son plan, qui comprend aussi la participation de la femme de Luna (ex star du porno) et d’un ex-prêtre pédophile. Son objectif : récupérer un max de pognon, quitte à remplacer le président par sa femme et le mafieux par son fils.
De son côté, Angelone utilise tout d’abord l’armée des rebelles du pays, sans réel succès, mais celui permet de tester les forces en présence. Puis, il soudoie la force militaire au service d’El Presidente, ce qui change forcément la donne…
Mais avant la grande fusillade finale, Luna, qui a appris le plan de Barracuda par l’ex-prêtre, cherche à envoyer les deux barbouzes dans le volcan… sauf que l’homophobe qu’il est vient de se rendre compte que le Fifty qu’il draguait était un homme (y a bien que lui qui ne le savait pas) et dans la surprise, tombe lui-même dans son piège.
Avant d’évoquer le final, il faut aussi préciser que le FBI, la NSA, les Stups et la CIA suivait toute cette affaire de près, chacun pour ses propres raisons. Forcément, le résultat va être catastrophique, puisque quasiment tout ce petit monde va mourir par balle, exploser ou écraser par un char. Quand Barracuda, la femme de Luna et Oswald s’envolent dans le dernier hélicoptère en marche, Big Chris Angelone apparaît et alors qu’il allait tirer, se fait tuer par son propre fils, qui avait compris que son père ne se préoccupait finalement pas de lui. Heureux de le voir enfin devenir un homme, Barracuda lui donne une belle frappe dans le dos … qui lui provoque immédiatement des hémorragies internes. L’hélicoptère allant vers le Pacifique et avec peu de carburant fini à l’eau, Barracuda et la femme de Luna ensemble dans un canot de sauvetage, façon James Bond… mais avec de vrais problèmes matériels.
Je ne vais pas rentrer dans le détail, mais on voit bien ici que Garth Ennis a multiplié et cumulé les éléments pour amener de l’humour potache, burlesque, grotesque et un brin provocateur. A la fois dans les personnages (je précise que jamais il ne se moque de Fifty, mais se sert surtout de lui pour montrer toute la bêtise de Luna), mais aussi dans les situations (rien que le prêtre pédophile, sur la fin), jusqu’au bout. Il n’y absolument aucun personnage à sauver ici, que ce soit pour leur bêtise (Bobby du FBI) ou pour leurs actions (là, je ne vais pas lister, car même ceux qui représentent le gouvernement américain sont irrécupérables). Cette capacité à assembler tout cet aréopage de gredins au service de l’histoire est à saluer, car il s’avère que tout s’emboîte parfaitement, tout en gardant un certain nombre de surprises (même si on se doute de l’issue).
Et puis au-delà de ce qui aurait pu être une blague potache, Ennis ne peut s’empêcher de lancer une critique de la politique extérieur des Etats-Unis, que ce soit dans leur manière de mettre en place des présidents, de gérer le narcotrafic ou dans leur libéralisme économique à l’américaine (là, les grandes entreprises sont bien critiquées). Et je ne parle pas de ce que je n’ai pas su détecter. Bref, personne n’est épargné.
Ah… et comment Barracuda a survécu aux requins ? Bah, ils n’avaient plus faim. Le reste, pour Ennis, c’est de la littérature et c’est pas plus mal comme ça.
Il fallait évidemment que ce soit Goran Parlov qui reprenne une histoire avec Barracuda. Faut dire qu’il le tient bien, son personnage, avec son sourire béat quasiment dans chaque situation. Et puis, pour ne rien gâcher, il maîtrise plutôt bien storytelling et l’expressivité des visages, et sait rendre comiques des situations (sincèrement, la tronche que peut faire Fifty par moment, c’est très drôle). Associé à une patte graphique pas désagréable pour les mirettes, cette petite récréation est un véritable goûter.