Il y a les gros kiffs de lecture, et les gros kiffs de relecture.
Et le gros kiff de relecture du moment, c’est Akira.
Le deuxième tome couvre l’un de mes moments préférés de la saga, celui de la descente vers la chambre cryogénique où dort Akira. Le suspense est à son comble, l’ensemble est bâti comme une course poursuite où plusieurs parties convergent vers le même endroit sans réellement en avoir conscience, ni même sans savoir qu’elles mènent une course contre la montre. La tension qui monte permet aussi de montrer les réactions des différents intervenants, et notamment le Colonel, dont le vernis craque (mais il ne sera pas le seul).
À chaque fois que je relis Akira, sous quelque format que ce soit, je repense à ce qu’avait dit Bill Sienkiewicz au sujet d’Otomo, à savoir qu’il dessinait les décors les plus vivants qui soient. Et c’est clair qu’il y a une qualité indéfinissable dans les décors d’Otomo, qui ont tout pour être froids et stériles, ou artificiels, et qui pourtant affichent un naturel saisissant. Et il sait tout autant restituer les grands espaces et les lieux confinés, le gigantisme ou l’étroitesse.
Rajoutons des scènes fortes (le laser), des idées visuelles percutantes (les traîneaux volants) et une capacité à glisser des scènes d’humour sans que ça affaiblisse l’ensemble (pas besoin de « super-déformé », il suffit à Otomo de lancer Kaneda dans une volée d’escaliers ou face à un plat bien garni pour créer de la comédie de situation qui enrichit la série sans la dénaturer), et on a une lecture où l’on tourne les pages sans voir passer le temps.
Un truc que je me rappel (autre temps, autre manières) c’est que j’ai découvert Akira avec ce tome :
dont une partie est dans le tome que tu viens de relire.
Rétroactivement je le considère comme une sorte de bulle, de pause entre deux explosions (entre la mort de Yamagata et celle de Takashi). Et pourtant qu’elle claque, que de péripétie, que d’aventure et que de beauté, comme tu le précise, dans les décors donnant apportant un sentiment de réalité incroyable à l’histoire
Oui, Otomo écrit vraiment en pensant le rythme, avec des courses-poursuites qui apportent énormément d’action mais peu d’information et pas de chocs. Or, les chocs, ce sont eux qui font avancer l’action, qui marquent des bonds narratifs en avant. Il alterne les claques et les courses, et en fait il ne fait jamais baisser la pression.
Moi, je connaissais par Scarce, qui avait fait un numéro spécial mangas qui m’avait fasciné. Donc quand j’ai entendu parler de la sortie en kiosques, j’ai sauté dessus. J’étais à la fac et je me précipitais sur chaque numéro. J’adorais. J’adore encore ce format.
Le truc bien avec l’édition kiosque c’est le résumé très détaillé de l’histoire. Du coup j’ai pu facilement racroché les wagons avec ces volumes plus les éditions librairies (tiens le 1er tome c’est même chez France Loisirs que ma mère me l’a commandé, c’est dire l’impact)
Ah ouais, le premier tome cartonné chez Glénat, c’est décembre 1990, et son équivalent en France Loisir, c’est septembre 1991. Purée, c’est arrivé super vite.
C’est clairement bouffé sur l’arrière mais en soit, ce n’est pas une surprise et les pages intérieures sont propres, hormis la fin sur le haut, mais pas dérangeant du tout pour le plaisir de lecture.
Même ma femme a approuvé quand elle a vu ce qu’il y avait dans le carton.
Le troisième tome développe l’aspect politique derrière l’intrigue elle-même. On découvre donc les coulisses « parlementaires » et la sphère d’influence de Nezu, entre autres. Ainsi que les choix qui l’opposent au Colonel.
L’un des trucs forts dans cette partie, qui fait écho à la construction générale du récit, c’est la capacité qu’a Otomo à présenter des choses (personnages, enjeux, situations…) et à tout faire évoluer, parfois d’un grand coup de balais. Là, tout le travail effectué autour de Nezu est représentatif de cette tendance à surprendre : Nezu est au départ présenté comme l’éminence grise, tendance grognon, d’un groupe que l’on perçoit comme des résistants (pour nous lecteurs) ou comme des terroristes (pour les autorités et pour le Colonel). Par capillarité, il bénéficie d’un capital sympathie à cause de sa proximité avec Kei et Ryu. Sauf que ce tome permet de voir que c’est une fieffée crapule, un comploteur roué, doublé d’un fanatique obsédé (qui n’a donc même pas l’excuse de la real politik). Et l’opposition avec le Colonel est frappante même d’un point de vue chorégraphique : Nezu est derrière, dans l’ombre, là où le Colonel s’avance, précède ses troupes.
La relecture me fait aussi prendre conscience que l’aspect religieux ne tombe pas comme un cheveu sur la soupe mais, au contraire, est présent depuis longtemps, amené progressivement. C’est une des forces de la bande dessinée sur le film : certaines choses y sont trop abruptes (la mort de Nezu, l’arrivée des croyants), là où le manga les place très tôt dans le décor afin qu’on ne soit pas surpris.
Et puis, il y a toujours cette action rythmée, soutenue, avec des groupes éclatés qui finissent par se retrouver, se croiser, se percuter. Là aussi, la chorégraphie compte beaucoup !
La toute petite a commencé à le choper, juste après la photo, sans prévenir.
Quand je lui ai dit qu’elle était encore petite et que c’était fragile, elle me sort « mais j’ai droit de lire, quand même ».
3 ans. Je vais souffrir.
J’ai repris ma lecture de l’intégrale, et dévoré le tome 4 hier soir. Bon, je connais l’histoire (qui est encore fraîche, malgré le temps passé, et contrairement à d’autres séries dont le souvenir est nettement plus diffus), mais ça reste un plaisir.
L’intrigue reprend après la grosse explosion reproduisant celle qui avait détruit Tokyo et conduit à la construction de Néo-Tokyo, qu’on découvre au début de la série. Si Otomo décrivait une véritable société post-apocalyptique, à savoir une société construite sur la destruction, avec sa paranoïa, ses fantômes, ses hantises, sa misère à peine déguisée, ses dérives sectaires, sa privatisation galopante. Avec ce nouvel acte, il décrit un monde de catastrophe davantage proche des canons connus : décors détruits, vêtements en lambeaux, disette, constitution de petits royaumes en guerre perpétuelle… Pour résumer, Akira passe du premier Mad Max au deuxième, avec son effondrement à la fois esthétique et moral. Belle prouesse (une de plus !) que de raconter deux visions successives du post-apo !
Le tome s’ouvre sur une scène d’une efficacité redoutable, celle du détournement d’un hélicoptère humanitaire, ce qui permet de montrer le nouveau décor (ravagé), de poser les enjeux géopolitiques et d’amener à retrouver les protagonistes dans cette redistribution des cartes. On retrouve donc nos héros (presque tous), qui doivent survivre. C’est aussi un tome d’explication, notamment par le truchement de Lady Miyako, qui éclaire l’historique des étranges gamins ridés qu’on voit depuis le début. Ça occasionne quelques séquences bavardes mais toujours riches en caractérisation.
Enfin, le tome se distingue par l’absence de Kaneda, dont le sort est laissé à l’imagination, les personnages ne sachant pas s’il est mort, disparu… Et ils n’ont pas tellement le temps de s’en préoccuper puisque la guerre entre l’empire de Tokyo (fédéré autour du « sauveur » Akira) et la secte de Miyako fait rage. Le tome entier redistribue les rôles, posant un nouvel échiquier pour la suite.