Pareil. L’image en n&b est bluffante. Pour avoir revu le run de Texeira (incluant la mini Dents de Sabre), c’est sur l’ambiance et les perso en civil et leurs « émotions » qu’il excelle !
Cette impression de découverte vient aussi d’une période que je ne refeuillette pas tout simplement. La période Arme X du scénariste est tout de même bien tordue., et Texeira n’est pas un narrateur exceptionnel, c’est un dessinateur d’ambiance, très bon dans son genre cela dit !!
Je voyais qu’il y avait une représentation « realiste » du perso, mais je ne me posais pas trop de question, à cette époque, je manquais de maturité, je pense que j’étais plus intéressé par ce que faisait les Capullo, Jim Lee et Quesada Ça fait peu de temps que je m’intéresse à l’utilisation de photo et d’images références pour appuyer un dessin. J’avais toujours pensé, à tort, que c’était de la faiblesse, que c’était « tricher »! Jusqu’à ce que je vois les WIP d’un Paolo Rivera par exemple. J’ai réalisé que j’étais peut être passé à côté d’une méthode de travail « différente ».
Moi, j’ai toujours bien aimé le dessin réaliste, quand il est associé à de l’exagération, de la déformation. C’est pour ça que j’aimais beaucoup le Neal Adams de la grande période, parce qu’il déforme plein de choses, notamment quand il crée des perspectives folles ou des raccourcis forcés.
C’est un truc que j’ai mis des années à comprendre (Mathieu Lauffray me l’a pourtant expliqué, mais sans doute que je n’ai pas trouvé d’exemples parlants), à savoir que si l’on prend une photographie d’un bras en perspective (par exemple, un homme qui pointe du doigt vers l’objectif), c’est plat, parce que l’avant-bras et la main occupent le premier plan, masquent le biceps et peut-être l’épaule, et donc tout est écrasé, il manque des informations de profondeur. Sur une photo, ça passe très bien, mais si on représente ça dans un dessin « réaliste » fidèle à la base, on obtient un dessin plat. Et qui, en plus, « sonne faux ». Donc il faut tricher, il faut décaler des parties du bras afin de faire apparaître le coude, l’épaule… Chez Adams, un personnage qui pointe du doigt, il tord son poignet de sorte que le doigt n’est plus aligné avec l’avant-bras, et l’effet est formidable parce qu’il y a une gestuelle très maniérée, et aussi parce que ça permet de montrer « artificiellement » le reste du bras.
Tout ça, j’adore. Et Texeira s’inscrit complètement dans cette logique : juste ce qu’il faut de déformation pour rendre tout cela « pas photographique ». Ce qui fait que l’insertion d’éléments photographiques passe très bien. L’encrage, épais, riche, dense, chargé en noir, aide beaucoup à faire passer l’ensemble, à lui donner une unité.
D’ailleurs, en voyant le noir & blanc montré plus haut, je vois beaucoup de similitude avec ce que faisait Mathieu Lauffray au tout début (par exemple pour Le Serment de l’Ambre) : un encrage nerveux, matiéré, sans doute avec beaucoup de plume.
Pour ce qui est de l’usage de la photographie, il y a deux gars qui parviennent à intégrer la doc photo avec une souplesse incroyable, c’est Charlie Adlard et Sean Phillips. Surtout le deuxième. Il travaille beaucoup sur informatique. Il place ses photos sur un calque, encre par-dessus, vire le calque de la photo… Son encrage est assez libre, nerveux, et aussi simplifié, avec juste ce qu’il faut d’hésitation, de « tremblé », pour faire disparaître la présence de la documentation. Il obtient un trait naturel accroché à des perspectives tout à fait justes puisque provenant de la réalité. Il a de ce fait la liberté de les triturer, la possibilité de ne pas les respecter. Adlard utilise un procédé similaire, mais comme j’ai vu beaucoup d’originaux encrés sur papier, je suppose qu’il passe par une étape où il imprime en bleu sa documentation afin d’encrer directement, ou quelque chose d’avoisinant (ou alors il est passé au tout numérique depuis l’époque relative aux planches que j’ai vues).
Après, aujourd’hui, je suis davantage intéressé par des dessinateurs qui parviennent à s’émanciper du réalisme (et encore plus du photographique). Le travail d’Alex Maleev ne me touche pas parce que justement, je sens trop la photo (personnages figés, raccourcis plats). En revanche, un Chris Samnee ou un Greg Smallwood, ils ont un trait complètement réaliste, parfaitement académique, ils sont dans la lignée d’un José Luis Garcia-Lopez, sans la volonté de retranscrire à ce point le caractère crédible des personnages et de l’univers : ils stylisent, ils épurent. C’est sans doute ce qui me touche le plus aujourd’hui (même si ce n’est pas d’aujourd’hui : des décennies plus tôt, j’admirais Paul Smith, Steve Rude ou, plus loin, Russ Manning).
Le réalisme mène à tout, à condition d’en sortir.
J’utilise depuis peu des photos pour certaines illustrations où j’ai besoin qu’on ne sente pas d’erreurs anatomiques ou de traits « organiques » crédibles (surtout pour les mains en fait), et pour gérer certaines ombres :
Je n’ai plus les références, mais ici, l’encrage gras permettait peut être de ne pas sentir les photos derrière.
Dans un registre plus personnel (je sens que je prends des risques là!! Mais vous me semblez très sympathiques! )
Pour le coup, c’est une approche « à la » Deodato Jr, où j’avais besoin de gérer le contact et les effets de pression sur la chair (ainsi que les ombres).
Dans ces exemples, je posais une feuille sur l’écran, et je dessinais rapidement les contours, à l’instar d’une table lumineuse. J’en ai d’ailleurs acheter une il y a 3-4 mois, parce que je me rendais compte que j’utilisais de plus en plus de références*, et que je pourrais en avoir besoin pour des décors, comme peut le faire un Sean Phillips justement.
Le piège, c’est de ne pas sentir la photo derrière, de ne pas sentir le côté « décalque » à la Greg Land, et de garder du dynamisme, que la photo atténue considérablement.
*et souvent, mes 1ers crayonnés sont hyper dynamiques parce que je ne pense pas réaliste, et j’ai du mal à répéter ce crayonnés plusieurs fois. La table lumineuse me permet du coup de retravailler ce 1er jet, en l’ameliorant. C’est une méthode un peu long longue, parce que je n’y suis pas habitué en fait.
Il me semble que dans ton dessin de wolvie, on retrouve des éléments sur lesquels Jim attirait notre attention.
Le dos au premier plan est superbe et très dynamique et musculeux. Par contre la jambe droite, correcte du point de vue perspective, ce que confirme la photo, apparaît, je trouve, un peu plate voir même un peu ratée selon la perspective, alors que non.
Ça me semble bien illustrer la difficulté de la démarche, où il s agit parfois d être faux, pour faire plus vrai.
Tout à fait. D’ailleurs le livre Mythology est assez passionnant en terme de « coulisses » . J’aimerais le même type d’ouvrage sur ces travaux chez Marvel, comme source d’inspiration. Certains personnages sont complexes selon le point de vue (je pense à Magneto ou Galactus, qu’il faut penser en 3D, par rapport à leurs casques), et l’approche réaliste de Ross peut aider. Il m’est arrivé de m’inspirer de Ross pour certaines positions d’ailleurs (la Wonder Woman contre les tentacules d’Octopus)
C’est tout à fait ça. Parce que qu’il y a une différence entre ce que le regard voit, et ce que le cerveau interprète. Je ne sais pas si c’est clair. Mais il y a le rationnel (l’intellect) et la sensation ( l’émotion). Un dessin trop réaliste va peut être focaliser l’attention sur des petits défauts. Là où un dessin plus libre permettra au cerveau d’accepter les erreurs parce qu’il y a une acceptation d’un dessin « fantaisiste ».
Bon… Je ne sais pas si cette explication est plus claire !
Ce dessin, je le retravaille sur table lumineuse. Donc i’ y a un crayonné supplémentaire (que je n’avais pas scanné)
J’arrondis, j’ajoute ou supprime des « traits ». J’essaie de mettre du volume, de charger en ombres. Je perds peut être quelques caractéristiques du visage (je ne suis pas vraiment satisfait du regard) , mais c’est justement pour éviter l’effet « décalque ». Par contre, j’aurais aimé tester une version épurée, sans les « artifices » qui surchargent le visage (parce que j’ai l’impression de camoufler plus que de retravailler la photo). C’est un exercice qui me permet de jauger ce qui fonctionne en fait.