DE LA TRADUCTION...

Je suis comme Lord, je ne comprends pas cet acharnement sur cette personne.

Le problème de Geneviève Coulomb (enfin pas LE problème principal, mais pour ce qui nous concerne…), c’est que c’est un peu devenu le point Godwin de toute discussion sur la traduction de comics, et à mon avis ça vient surtout des conditions brutales dans lesquelles elle a quitté le métier. Du fait que ceux qui l’ont critiqué sur le net (ça ne se limite pas à un article, aussi critiquable soit-il de son côté) n’avaient, pour la plupart, pas de « légitimité » d’être eux-mêmes traducteurs, et du fait que la violence de ces critiques brusquement découvertes a poussé la personne à la retraite anticipée, la réaction des « pros » (aussi estimables soient-ils, qu’ils fréquentent ce forum ou non) est souvent une défense instinctive qui vue de loin, et même, souvent, quand on gratte un peu, vue d’un peu plus près, ressemble tout de même diablement à du corporatisme.

Alors oui, c’est tout-à-fait vrai, il semble que Mme Coulomb avait un certain style pour la traduction épique / heroic fantasy, exemplairement illustré dans ses **Thor **de Simonson. Et oui, c’est tout-à-fait vrai aussi, le « problème » Coulomb dépasse largement sa personne, c’est aussi très largement la responsabilité de Panini, d’une part pour lui avoir confié des séries qui n’avaient rien à voir avec cette sensibilité-là [size=85](bon, après, on peut se demander si un « bon » traducteur est vraiment censé se restreindre à la traduction d’un seul style… mais n’étant pas du métier je laisse la question ouverte)[/size], et d’autre part pour n’avoir clairement pas fait les boulots de relecture qui s’imposent – et concernant ce dernier point, le problème demeure pour d’autres traducteurs jusqu’à aujourd’hui et sans doute au-delà.

Bon. Ceci posé, qu’est-ce qu’il reste ? Bah il reste, malgré tout, du lourd.

:arrow_right: Des traductions qui dans leurs « meilleurs » moments rendent vaguement l’idée centrale d’un dialogue sans rien respecter de son éventuelle finesse. Gênant quand on traduit du Alan Moore ? Un peu oui, au point que Panini a caché pendant des années que c’était elle qui avait signé, enfin, réalisé, plutôt, mais pas signé, justement, leur traduction de Watchmen (vendue, si je me souviens bien, dans les 90 € tout de même).

:arrow_right: Un « choix de traduction » (selon la formule professionnelle consacrée) assez bizarre, pour ne pas dire critiquable, de traduire systématiquement le « patrimonial » Marvel (donc années 60 et suivantes), que ce soit les Quatre Fantastiques, Spider-Man, Daredevil ou les X-Men dans un style pastichant Audiard et San Antonio, avec un dictionnaire d’argot resté bloqué dans les années 30/40, voire années 20 (le fameux size=85[/size] « semer du poivre », pour « tromper une filature », que le post de blog auquel Lord faisait référence sur la trad de Spider-Man prend pour une expression inventée de toutes pièces, et qui vient apparemment en ligne directe des tout premiers albums des Pieds Nickelés). Le pire étant peut-être qu’elle a fait école, cf. les pages traduites par Nicole Duclos dans l’intégrale Daredevil susmentionnée.

:arrow_right: Des accumulations de fautes d’orthographes et de syntaxes au-delà de l’approximatif qui traduisent certes un manque de relecture chez Panini mais aussi, tout de même, soit un travail particulièrement bâclé, soit un manque de maîtrise de la langue française qui va au-delà du simple « on laisse tous passer une coquille de temps en temps », en plus des éventuels contresens éhontés par rapport à la langue-source. Et que dire de l’exploit d’avoir réussi à introduire une faute dans un passage en français dans le texte de la **Ligue des Gentlemen Extraordinaires **? (La Rue Morgue de Poe qui devient « Rue de la Morgue »… bon ok là c’est plus un problème d’inculture que de syntaxe, mais tout de même ; comme on dit chez Audiard - pour être raccord -, « c’est rien, mais faut le faire »).

Alors certes Geneviève Coulomb était loin d’être la seule à faire des fautes, et ça ne s’est pas arrêté avec son départ, et peut-être même qu’elle a « payé » pour les autres et pour l’incurie générale de Panini, devenant le symbole de tous les dysfonctionnement de la boîte - d’accord. Mais elle a quand même poussé le bouchon très loin.

Ceci étant, chacun fait ce qu’il veut de son argent. S’il y en a pour redouter de trouver le dessin d’un Frank Miller vieillot mais qui ne sont pas gênés par les dialogues où « le môme Murdock » affronte Bullseye l’arsouille, tant mieux pour eux. Si « j’ai reçu un mail » dans un Captain America d’Englehart (qui est effectivement une bourde d’inattention) vous semble plus gênant que traduire "Here comes the Spider-Man !" par un « Glaglatez Navarrais, Maures et Castillans ! » d’anthologie, digne de Kaamelott, voire plus grave que d’inventer la date importante dans l’Histoire moderne du « 9 novembre » en lieu et place du « 11 septembre » (9/11, ce qui a toutes les allures d’une faute digne d’un collégien), chacun sa sensibilité. Si vous jugez que la traduction correcte de trois volumes de Thor vaut absolution pour la pelletée d’autres titres traités par dessous la jambe, libre à vous. Mais libre à moi de ne pas dépenser mes sous en prenant le risque de m’infliger ça sur des centaines de pages d’affilée (lesquelles occuperaient au surplus un espace de plus en plus précieux dans ma bibliothèque !). :confused:

Disons que s’il n’y avait que ça.
Je me suis régulièrement plaint dans le giron de Jim (merci à lui d’accepter toutes mes remarques avec tact et zen) du fait de la traduction. Et à chaque fois que je l’ai fait concernant les Intégrales, c’était effectivement Geneviève qui avait fait la trad. Pas de bol, ça me sautait aux yeux. Surtout que par exemple, pour certains albums, pour les avoir beaucoup lus dans ma jeunesse, j’avais la trad Lug dans la tête (qui n’était pas forcément meilleure, mais voila, elle fait office de mètre étalon, c’est comme ça).
Ce qui m’amène ensuite, quand une traduction me parait farfelue, d’aller voir sur le net si je vois la planche originale, afin de voir si c’est effectivement le traducteur qui s’est permis des excentricités (à tort ou à raison, ça peut être pour de bonnes raisons, pour donner un style par exemple).
Bon les coquilles, ça me soûle, mais concernant les Intégrales, ça me donne vraiment l’impression que c’est un travail bâclé, tant au niveau de la traduction qu’au niveau de la relecture. Ce n’est peut-être pas le cas, mais c’est l’impression que ça me fait. C’est comme ça.

N’allant pas sur les réseaux sociaux, je n’ai aucune idée de la véhémence des propos des internautes la concernant, je reste dans mon coin et je ronge mon os, mais cela dit, j’en étais arrivé il y a quelques semaines à me dire que si une réédition de certaines Intégrales se présentait avec un/e autre traducteur/trice (autre que GC), il est fort probable que j’échangerai mon bouquin.

Tout ça pour dire à Lord ou Kab que je n’abois pas avec la meute, mais que je peux comprendre que l’on puisse reprocher des choses à GC (et Panini bien évidemment, ils ont leur part de responsabilité bien entendu).

Il ne s’agissait pas du 9 novembre 1989 ? C’est une date importante de l’Histoire moderne, non ?

Le problème, avec Genviève Coulomb, c’est que son nom apparaissait… Ce n’est pas le cas pour le traducteur du dernier volume français d’Usagi Yojimbo, par exemple…

Tori.

Pas autant que le 9 novembre 2016 :mrgreen:

Tiens, puisque mon nom apparaît un peu plus haut, j’en profite pour faire un détour par ici…

Moi, personnellement, je n’ai rien à redire quand la critique s’appuie sur un ou des exemple(s) clairement identifiés. Le côté « cette traduction, c’est de la merde », ça ne me satisfait pas. Mais si on me dit « c’est de la merde parce que ceci, cela et encore tout ça », alors là, je commence à discuter.
Moi-même, je sais que j’ai fait des conneries dans mes traductions (taper un « quatre millions » au lieu d’un « quatre cents millions », quand on parle d’ère géologique, c’est un peu ballot, par exemple… mais j’en ai d’autres en tête, sauf que je ne vous les dirai pas, z’avez qu’à chercher, na), mais j’admets parfaitement qu’on me dise « hé, t’as fait une grosse connerie, quand même ». Je n’admets pas qu’on qualifie ma trad négativement sans apporter un peu d’eau au moulin (parce que sinon, on brasse du vent).
Donc j’essaie d’exiger la même chose envers les confrères, même envers ceux dont je trouve le boulot plus que contestable (j’ai quelques noms en tête, et Coulomb n’en fait pas partie à brûle-pourpoint).

Après, donner des exemples précis a un autre avantage, celui de donner des indications sur la grille de lecture du gars qui s’exprime, et sur sa culture personnelle. Le fameux pisse-vinaigre qui s’en est pris à Coulomb, rameutant tout plein de dégonflés bien content d’aboyer avec la meute, ne semblait pas connaître « coturne », synonyme de « coloc » (celui qui partage la « turne », quoi). Et il en a fait toute une pièce montée. Grand bien lui fasse, il n’aura fait que démontrer qu’il est complètement à côté de la plaque. Son texte, je retombe dessus à chaque fois que je cherche quelque chose sur Coulomb. Les trois quarts des exemples qu’il donne sont du même acabit : il ne sait pas, mais il a la prétention de penser que ça n’existe pas (bah oui, forcément, s’il ne connaît pas, c’est que c’est une invention).
De mon temps, quand je découvrais un mot ou une expression, soit je m’en foutais et je continuais ma lecture, soit je cherchais dans le dico. Je n’avais pas la prétention de penser que la personne qui utilisait un mot inconnu de moi inventait des vocables ou ne maîtrisait pas la langue.
La critique anti-Coulomb, que nous connaissons tous il me semble, est un aveu d’inculture revancharde qui en dit long sur notre société actuelle.
Bref.

En revanche, j’ai commis l’erreur, dans mes jeunes années de forumeur, de citer des noms. Pensant bien faire en appliquant mon précepte énoncé plus haut, à savoir citer des exemples précis d’erreurs (ou que je juge comme telles, en tout cas), il m’est arrivé de commenter ainsi le travail de gens que je connais personnellement. Et ça n’a pas loupé, j’ai reçu des mails vexés (à juste titre) de personnes qui m’ont dit « ok, y a une connerie, mais tu aurais pu m’en parler au lieu de t’épancher sur le ouaibe ». Juste remarque, effectivement.
Parce que bon, l’effet caisse de résonance, on ne le connaît que trop bien.
Bon, aujourd’hui, j’ai pas toujours le temps de commenter et tout et tout, mais je n’oublie pas.
Pour en revenir au boulot de Geneviève Coulomb, que je ne connais pas personnellement mais que j’aime bien (notamment sur Thor), un autre traducteur (enfin, il n’est plus du métier, ou alors épisodiquement) m’a fait remarquer une chose : Geneviève, elle s’est chargé des X-Men dans Spécial Strange, dans les années 1980. Je ne saurais pas dire dans quelle mesure, dans quelle quantité ni dans quelle période, mais bon, m’y replongeant de temps en temps, je trouve cette VF, pour elliptique que le lettrage manuel de l’époque l’ait forcée à être, tout à fait convenable, à la fois expressive, imagée et inventive. Rien que pour ça, j’aurais tendance à pardonner beaucoup d’erreurs auxquelles on pourra trouver mille excuses, de la fatigue à la déconnexion du monde réel, des délais de travail aux changements de méthode et de technologie, du mauvais encadrement (quelle idée de lui passer Watchmen alors que d’autres traducteurs plus « littéraires » sont sur le marché ?) à la relecture maladroite…

Jim

C’est effectivement la moindre des choses, et comme je l’ai dit encore récemment - ayant parlé de traduction dans mes commentaires™© (avec exemples et propositions à l’appui) - il est toujours plus facile de voir là où il y a un problème après coup, que de se farcir une traduction en entier. Et je parle bien de traduction et pas de lecture V.O.

D’où l’intérêt d’un relecteur (je n’ai pas dit correcteur), qui lui n’a pas fait la traduction.

Et dans le rayon des belles idées, il y a dans le tome 1 de Vision chez Panini, un excellent « sales porcs USB » (traduction de Ben KG (MAKMA))

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J’ai acheté Talc de verre hier et en regardant les crédits, j’ai eu la surprise de constater qu’en plus des traductrices et du lettreur, la relectrice est également créditée. Chose rare dans le milieu de l’édition de bande dessinée en France me semble-t-il.

J’ai acheté Talc de verre hier et en regardant les crédits, j’ai eu la surprise de constater qu’en plus des traductrices et du lettreur, la relectrice est également créditée. Chose rare dans le milieu de l’édition de bande dessinée en France me semble-t-il.
[/quote]

On trouve ça aussi chez Delirium il me semble.

Le gros problème, c’est surtout qu’il n’y a pas de relecture. Le traducteur peut faire un oubli ou une erreur, une relecture peut permettre de l’éviter. Sauf que l’éditeur, qui prétend faire du beau livre, ne se donne pas les moyens de cette relecture, et donc il est responsable du résultat. Et le client qui doit lâcher 30 euros pour une intégrale pleine de coquilles et d’erreurs de trado, il se met à l’anglais et passe à la VO. Et il est beaucoup moins ignare qu’avant et à d’autres sources d’approvisionnement, le client.

Kymera peut être aussi, mais j’ai un doute. Peut être dans les remerciements !

C’est effectivement très rare… et je crains que ce ne soit parce qu’il n’y a pas de relecture.
J’essaie d’être attentive à entrer le staff entier quand je propose un volume et la fonction relecture n’est pas proposée.

Ca fait partie justement des choses que je reproche, c’est qu’effectivement, c’est plus le travail de suivi et de relecture qui manque. Une coquille, ça peut arriver. Moi-même, en relisant un post ou un mail 3 fois, il arrive que je rate encore une faute. Ca m’énerve d’ailleurs prodigieusement.

Après, c’est l’effet d’accumulation. Quand dans un épisode de 22 pages, t’as une erreur de trad, deux bulles qui sont interverties, deux fautes d’orthographe et un mot qui manque, là, oui, j’exprime mon mécontentement. Et le traducteur n’est pas le seul incriminé.

Par méconnaissance, je me garderai de faire des généralités mais pour prendre l’exemple d’un gros éditeur, Delcourt en l’occurrence, il y a bien une étape de relecture dans le process d’adaptation d’une bande dessinée étrangère. La réédition de Royal Space Force, anciennement Ministère de l’espace chez Semic, s’accompagnait de quelques modifications de certaines répliques imputables aux relectrices et non pas au traducteur, Alex Nikolavitch, dans ce cas précis. Sans parler du fait que des traducteurs peuvent également faire de la relecture sur le travail de confrères.

Mais chez Delcourt, cette étape n’est pas créditée à ma connaissance.

Chez Urban aussi.
En général, chez les éditeurs qui pratiquent la chose, il y a deux voire trois étapes de relecture, l’une d’elles au moins étant externe (la rédaction est soumise aux mêmes aléas que le traducteur : quand on est le nez dans le guidon, on ne voit pas tout).
Pour les rééditions (par exemple lors du passage du kiosque à l’album, ou de l’album à l’intégrale), il y a aussi une relecture. Comprenant moins d’étapes, l’éditeur estimant que le bouquin a déjà été relu lors de l’édition précédente.

En franco-belge, c’est la même chose : trois relectures en général.

Pourquoi « relectrices » ? Il y a des garçons qui font de la relecture, aussi.

Tout à fait.

J’en profite pour préciser que les corrections sont validées par la rédaction. Si celle-ci estime que la correction n’a pas lieu d’être, c’est son droit, même si elle a tort. Elle peut aussi procéder à une autre correction (le correcteur propose une nouvelle version, et la rédaction en choisit une troisième). Enfin, il est tout à fait possible, ça s’est vu bien souvent, que la correction amène une faute nouvelle (répétition de mots, altération de la ponctuation, faute de frappe).
Le passage du correcteur et de la rédaction devrait idéalement mener à un nettoyage, mais ce n’est pas aussi simple (que ce soit d’ailleurs pour des traductions ou pour des créations).

Chez Urban non plus.
Je ne sais pas si dans le monde franco-belge c’est précisé, en général, mais je dirais que non.
À ce titre, on voit souvent des expressions telles que « ouvrage dirigé par ». Je dois bien admettre que le « directeur d’ouvrage » en question est souvent celui qui en fait le moins, et qu’il y a des personnes qui suivent les différentes étapes, y compris et surtout les dernières, et qui ne sont pas citées. Le monde de l’édition est peuplé de soutiers qui ne sont jamais sous le feu des projecteurs, alors que ce sont eux qui permettent au bouquin d’exister sous sa forme finale (avec ses qualités et ses défauts). Il n’y a pas que les relecteurs externes qui mériteraient un coup de projecteur.

Jim

[quote=« Jim Lainé »]

Pourquoi « relectrices » ? Il y a des garçons qui font de la relecture, aussi.[/quote]

Je parlais dans ce cas précis de Royal Space Force, dont on avait discuté de la ressortie sur Superpouvoir.com et c’est Alex qui avait confirmé que les quelques changements apportés étaient dus au travail de relectrices sur cet ouvrage en particulier. Je me suis permis de reprendre cet exemple car c’est l’un des seuls dont je dispose, mais il n’a bien entendu pas valeur de généralisation à mes yeux.

OK OK.
Et ces modifications sont-elles propices à des améliorations ?
(je n’ai assurément pas la version Delcourt, et je ne sais même pas si j’ai encore la version Semic…)

Jim

Pas nécessairement. Le sens n’est pas altéré mais le choix retenu par Alex pour l’édition Semic me semblait plus fort et mémorable, ce qui explique sans doute que j’ai perçu la différence à plusieurs années d’écart au moment de relire la nouvelle version de Delcourt.

Je me souviens nettement de l’exemple suivant (première version chez Semic, la deuxième chez Delcourt), quand l’ingénieur s’explique des dessous innommables du financement de la course à l’espace britannique face aux hautes instances:
*- Vous nous avez rendus monstrueux.

  • Je nous ais rendus grands!*

*- Vous avez fait de nous des monstres.

  • J’ai fait de nous des héros!*

Une petite table ronde sur la traduction de comics, à laquelle participent Edmond Tourriol et Laurent Queyssi.

Jim