DELIVRANCE (John Boorman)

REALISATEUR

John Boorman

SCENARISTE

James Dickey, d’après son roman

DISTRIBUTION

Jon Voight, Burt Reynolds, Ned Beatty, Ronny Cox…

INFOS

Long métrage américain
Genre : drame/aventures
Titre original : Deliverance
Année de production : 1972

L’homme face à la nature, la nature face aux actions de l’homme (comme les conséquences de l’urbanisation galopante)…des thèmes que le cinéaste britannique John Boorman a traité dans deux de ses meilleurs films sortis à plus de dix ans d’intervalle, Délivrance (1972) et La Forêt d’Emeraude (1985). Le réalisateur y ajoute à chaque fois une certaine dimension mythique, qu’il déconstruit à sa manière en exposant ses personnages à une dure réalité. C’est ce qui arrive aux quatre citadins de Délivrance qui entreprennent un « retour à la nature »…

Parce que la région va être inondée pour faciliter la construction d’un barrage, Ed, Lewis (Louis pour la V.F.), Bobby et Drew (André pour la V.F.), des hommes d’affaires, se lancent dans une expédition : descendre la rivière Cahulawassee en canoë, histoire de profiter de la beauté de ce milieu naturel qui va être défiguré par l’homme. Le premier acte du film prend le temps de s’attacher à ces protagonistes bien caractérisés et superbement interprétés par un quatuor complémentaire.

Des acteurs comme Lee Marvin, Marlon Brando, Jack Nicholson, Charlton Heston ou encore Gene Hackman avaient dans un premier temps été considérés pour les rôles principaux. Mais ces grands noms ont tous rejeté les propositions pour diverses raisons. La faiblesse du budget en faisait partie et Boorman a donc décidé de choisir des acteurs qui coûtaient moins cher. Au début des années 70, Burt Reynolds avait déjà plus de dix ans de carrière derrière lui mais il n’avait pas encore vraiment percé, enchaînant les rôles dans les séries TV et les séries B. Délivrance fut son premier grand succès, le début d’une décennie pendant laquelle il a enchaîné les projets qui firent de lui une star. Il est Lewis, le dur-à-cuire, l’homme d’action qui a planifié ce périple et qui ne manque pas de rabaisser ceux qui ont du mal à suivre et accepter ses méthodes.

Révélé trois ans plus tôt par Macadam Cow-Boy, Jon Voight voyait déjà sa carrière végéter un peu (un rôle secondaire dans Catch-22, The Revolutionnary passé inaperçu) et Délivrance lui a permis de renouer avec les hauteurs du box-office. Il est Ed, un homme doux, opposé à la violence. Bobby, le gars de la ville, et Drew, calme et humaniste, sont respectivement interprétés par Ned Beatty (Superman) et Ronny Cox (Robocop), deux excellents éternels seconds rôles qui faisaient avec Délivrance leurs débuts sur grand écran. La dynamique de groupe est bien rodée…jusqu’à un certain point dans le scénario qui permet un intéressant renversement du rapport de force…

John Boorman a souvent dit que Délivrance était le genre de film qui ne pourrait plus être tourné de nos jours. Pour réduire les coûts, la production a rogné sur les assurances et les acteurs ont effectué leurs cascades eux-mêmes, dans des conditions très difficiles. Les scènes d’action sont palpitantes, d’une grande intensité et la sensation de danger ne quitte pas ces personnages qui se retrouvent dans une situation où ils vont devoir dépasser leurs limites pour rester en vie…

Délivrance a aussi une dimension horrifique, qui fait que l’on peut rattacher ce film de studio à ce sous-genre du cinéma d’exploitation qu’est le « backwoods horror », ces récits de survie qui se déroulent dans des coins de campagne reculés. Cela commence avec l’atmosphère de certaines scènes dans les premières minutes…et la scène qui est peut-être la plus célèbre, celle qui fait définitivement basculer l’aventure dans le cauchemar, créé toujours le malaise, preuve de sa terrible efficacité…

Un film qui m’avait vraiment fait angoisser quand je l’avais vu… et que je n’ai pas revu depuis très longtemps parce que j’appréhende de le revoir.

ginevra

Un film que je rapprocherais de deux tentatives contemporaines développant un discours similaire ou en tout cas cousin, à savoir « Les Chiens de paille » de Peckinpah, et surtout « Wake In Fright » de Ted Kotcheff, mon préféré parmi ces trois-là, même si le film de Boorman (un réalisateur passionnant et pas si souvent cité pourtant) est un must qui m’avait fait très forte impression à la première vision.
Le film ne manque pas de scènes mémorables, dont la « scène-choc » qui a fait sa célébrité, mais aussi évidemment cette confrontation inoubliable citadins/ruraux à travers le fameux « dueling banjos » :