J’ai avancé dans ma (re-)lecture des Venom de Semic, une version intégrale enquillant les mini-séries consacrées au personnage. En parcourant ces aventures qui, décidément, ne me disent pas grand-chose, je me faisais la réflexion que Marvel, à l’époque, ne sait pas trop quoi faire du personnage. Et peut-être n’arrive pas à fixer une équipe régulière (contrairement par exemple à ce que la concurrence avait fait avec Robin, en confiant trois mini-série à Dixon et Lyle puis en commandant au même scénariste une série régulière, assurant une sorte de continuité affirmée autour du justicier juvénile), et préfère passer le protagoniste à une succession d’équipes. Peut-être afin d’en tester le potentiel.
Le quatrième numéro entame donc la traduction de la deuxième mini-série, « Funeral Pyre », qui voit la confrontation entre Eddie Brock et Frank Castle, deux justiciers expéditifs particulièrement populaires à l’époque. L’action se passe à San Francisco, Potts prenant soin de citer les événements de la mini précédente, où le Punisher vient faire un peu de nettoyage. Mais il s’en prend à une bande dans laquelle s’est infiltré un journaliste que Brock a juré de protéger. Donc, les deux flingueurs se retrouvent face à face.
C’est sympa, c’est musclé, ça va vite. Carl Potts connaît bien le personnage du Punisher, qu’il a soit écrit soit supervisé. On lui doit notamment le développement de l’arsenal et du casting, mais aussi la propulsion de la carrière de Jim Lee. Ici, il s’ingénie à mettre en scène le van surarmé du justicier ainsi que des dialogues avec Microchip. L’histoire amène le journaliste susmentionné à se dissimuler dans une machine (liée à une énième tentative d’imitation du projet super-soldat ayant donné naissance à Captain America : un jour, un scénariste serait bien avisé d’en faire une généalogie et d’en tirer une bonne histoire) et acquiert des pouvoirs ardents. Il prend le nom de Pyre (« Brasero » en français) mais finit enseveli dans les ruines du laboratoire.
Le point fort de cette mini-série un peu anecdotique, qui cumule des mécanismes narratifs sans surprise, c’est la confrontation entre deux visions de la justice qui se heurtent à un mur et débouchent sur des impasses. La traduction, tout à fait correcte mais un peu elliptique du fait du gros lettrage, laisse deviner que Potts renvoie les deux personnages à leur inefficacité respective et à leur incapacité à discuter et à construire. Ça donne envie de lire ça dans le texte d’origine.
C’est donc dans Venom #5 que se conclut la traduction de « Funeral Pyre » et que débute celle de « The Madness », un récit également en trois parties (qui se conclut dont dans Venom #6), écrit par Ann Nocenti et dessiné par Kelley Jones. On a donc droit à des personnages très ombrés qui ne se ressemblent pas d’une case à l’autre et dont la gestuelle ne colle pas toujours avec les dialogues et l’humeur qu’on est censés deviner. L’intrigue parle de malversations industrielles, de pollution, de conscience de classe, et fait intervenir le Juggernaut (le Fléau en VF) et un virus conscient à base de mercure, dans lequel Venom est plongé par accident comme le premier Joker venu, et qui lui fait entendre davantage que les deux voix qui se partagent d’ordinaire sa caboche.
Ann Nocenti parvient à livrer un excellent démarrage, avec une mise en contexte efficace, un position social bien marqué, et une description intéressante de la lente folie qui s’empare du héros, qui perd pied littéralement. Elle redonne à Venom son caractère horrifique, bien aidée en cela par l’esthétique bouillonnante de Jones. Le scénario retombe assez vite cependant, comme si elle n’avait pas assez de place pour tout raconter (même si elle prend le temps d’une dernière scène intéressante). Il manque une petite étincelle, mais il demeure dommage que Nocenti ne soit pas restée plus longtemps sur le personnage : la double personnalité de Venom ainsi que le nouvel environnement (la communauté souterraine) auraient sans doute totalement convenu à cette scénariste bien marquée à gauche, qui aurait su en tirer un sel évident.
Jim