Ouvrant le sommaire se trouve sans doute le plus intéressant de ces récits. Il s’agit d’un épisode consacré à Doctor Strange, écrit par Roger Stern et dessiné par Neil Vokes. Les lecteurs des posts précédents ont donc aussitôt identifié l’un des récits destinés à l’origine à la série Marvel Universe , sans doute dans la foulée de l’histoire de Captain America (exploitée dans Sentinel of Liberty ), donc peut-être pour l’éventuel numéro 9.
Sous une couverture de Mario Alberti, le récit nous permet de retrouver Stephen Strange alors qu’il revient du voyage à l’autre bout du monde qui a changé sa vie. De retour dans son pays d’origine, il décide de s’installer, et jette son dévolu sur une bâtisse à la mauvaise réputation… qu’il s’empresse d’acheter sans même que l’agent immobilier ait besoin de déballer son arsenal d’arguments.
Comme dans les autres histoires (celle des Envahisseurs, celles des Chasseurs de Monstres), Stern utilise des prétextes classiques afin d’amener des idées plus surprenantes. Ainsi, via le personnage de l’agent immobilier, le scénariste nous laisse croire que la maison est hantée à cause de rituels païens perpétrés dans les fondations, voire même bien avant que celles-ci ne soient posées. Mais ces allusions lorgnant vers Shining ou Poltergeist sont des diversions.
En effet, le shaman indien évoqué dans les dialogues semblait lutter contre une force extradimensionnelle à laquelle Strange, encore novice rappelons-le, va être confronté. Autre diversion, la structure du récit fait que les soupçons du lecteur peuvent se porter vers un autre ennemi du sorcier, bien connu des lecteurs de longue date. Mais là encore, c’est une feinte du scénariste.
Quand la confrontation survient, le jeune magicien utilise autant les sorts qu’il a appris auprès de l’Ancien que sa tête, et même ses muscles. Et la fin du récit place cette bataille dans le cycle d’apprentissage, sorte de dernière épreuve confirmant la place d’élève de premier ordre qu’occupe Stephen dans le cœur de l’Ancien.
Au dessin, Neil Vokes, qui a déjà dessiné Doctor Strange à l’occasion d’un numéro spécial de la série Untold Tales of Spider-Man (dont Stern avait déjà assuré les dialogues) rend un hommage graphique très agréable à Steve Ditko. Son Strange anguleux, aux traits presque asiatique, renvoie au premier épisode dans Strange Tales . Le dessinateur réinvestit tout le catalogue d’astuces visuelles, reproduisant merveilleusement les mondes bizarres et les représentations des sorts. Il est soutenu par les couleurs rusées de Lee Loughridge, qui confère aux flash-backs des palettes différentes aux touches sépia du meilleur effet.
Constituant donc le dernier épisode de Marvel Universe qui n’ait pas trouvé refuge quelque part, cette aventure ressort donc des tiroirs à l’initiative du responsable éditorial Tom Brennan, qui s’empresse de contacter Roger Stern pour que ce dernier rédige les dialogues. Stern avait commencé l’exercice en 1998, au moment où Vokes avait réalisé les planches, mais il a entre-temps perdu le fichier. Il n’en avait rédigé que l’équivalent de deux ou trois pages, disparues depuis lors. C’est donc une douzaine d’années plus tard qu’il reprend l’histoire, donnant au récit une voix off ni trop pesante ni trop envahissante, mais qui correspond bien à la plongée intérieure que vit le magicien dans le récit.