DUEL AU COUTEAU (Mario Bava)

REALISATEUR

Mario Bava

SCENARISTES

Mario Bava, Alberto Liberati et Giorgio Simonelli

DISTRIBUTION

Cameron Mitchell, Fausto Tozzi, Giacomo Rossi Stuart, Elissa Pichelli…

INFOS

Long métrage italien
Genre : aventures
Titre original : I coltelli del vendicatore
Année de production : 1966

Lorsque Mario Bava est appelé pour sauver le tournage de I coltelli del vendicatore en 1966, la mode éphémère des films de vikings (initiée par le succès de l’excellent Les Vikings de Richard Fleischer en 1958) est déjà en perte de vitesse. Le maestro italien avait déjà livré sa propre épopée en 1961 avec La Ruée des Vikings, qui bénéficiait d’un budget nettement plus important que ce modeste Duel au couteau.

Le tournage de Duel au couteau débuta sous la houlette de Leopoldo Savona (le co-réalisateur des Mongols avec Jack Palance), mais celui-ci fut vite débarqué par les producteurs, qui s’adressèrent alors à Mario Bava. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois que Bava reprenait le tournage d’un long métrage après le départ (forcé ou pas) de son metteur en scène initial. Les dons de réalisateur du très doué et très demandé directeur de la photographie et spécialiste des effets spéciaux furent vite remarqués par Riccardo Fredda qui lui mit le pied à l’étrier en le laissant compléter (mais sans le créditer) le tournage des Vampires et de Caltiki, le monstre immortel. Et la même année que Duel au couteau, Bava remplaca au pied levé, et toujours sans être crédité, le réalisateur du western Les Dollars du Nebraska après le renvoi de celui-ci pour « divergences artistiques ».
À noter que pour Duel au couteau, Bava utilisa son pseudonyme américain John Old, ici bizarrement orthographié « John Hold ».

Quand il arriva en pleine production de I coltelli del vendicatore, Mario Bava décida de réécrire le scénario et de ne garder qu’une toute petite partie des rushs avant de boucler le reste du tournage en une semaine. Bava dut composer avec la maigre somme allouée (environ 75.000 dollars) et il ne faut donc pas s’attendre à des séquences emblématiques de ce genre particulier, comme une attaque de château ou des affrontements en pleine mer.

En s’inspirant de L’Homme des Vallées Perdues de George Stevens, dont il est un grand admirateur, Bava a donc eu la bonne idée de faire de son deuxième film de viking un western à peine déguisé. Le prolifique second couteau Cameron Mitchell (déjà à l’affiche de deux autres Bava, La Ruée des Vikings et Six Femmes pour l’Assassin) incarne un « cow-boy solitaire » au lourd secret; dans un « ranch », il rencontre Karin et son fils, menacés par un despote qui fait régner la terreur sur la région; le premier duel entre le loup solitaire et le tyran aura lieu dans une taverne aux faux airs de saloon; la relation entre le héros et l’adolescent rappelle fortement le schéma narratif de L’Homme des Vallées Perdues
Le métrage ne manque également pas de chevauchées en décors naturels et en lieu et place d’un pistolero qui ne rate jamais sa cible, le héros est doué d’une incroyable dextérité au lancer de couteau.

Duel au couteau peut aussi faire penser au péplum, par le biais de Karin (en fait l’épouse du roi Harald, parti en mer depuis plusieurs années), qui attend le retour de son époux tel une Pénélope attendant Ulysse. Et Bava oblige, le personnage de la sorcière, qui intervient au début et à la fin de l’histoire, donne une petite touche surnaturelle à l’ensemble.

Mario Bava a souvent su tirer parti des moyens limités mis à sa disposition (comme pour La Planète des Vampires sorti l’année précédente) et cela se vérifie encore sur ce film de commande : la composition des plans est subtilement travaillée (ce qui s’exprime notamment par la façon dont le méchant est cadré lorsqu’il s’adresse à ses troupes), le contraste entre les ombres et les couleurs fait des merveilles dans les scènes de duels (la taverne et les cavernes du grand final) et fait écho aux sentiments des acteurs de l’histoire, les grands espaces sont très bien utilisés et les moments les plus intenses et les plus violents ne sont pas sans rappeler certains de ses films d’horreur les plus réussis.

Si je regrette quelques lenteurs, Duel au couteau vaut mieux que sa réputation de « Bava mineur » (même si ici, on est bien entendu loin de ses plus grandes réussites); la mise en scène du maestro, solide artisan, arrivant régulièrement à faire oublier le côté un peu cheap de la production et le grand classicisme du scénario.