Dingue comment on perd le style de Byrne, quand même.
Palmer en a longtemps utilisé, Janson aussi. Des gens comme Bob McLeod ou Bret Breeding (formé par Bob Layton) en utilisaient aussi.
Techniquement, on peut utiliser des trames industrielles. Je connais aussi des personnes qui les fabriquent (fabriquaient) en définissant la trame de leur choix sur ordinateur puis en l’imprimant sur transparent (rhodoïd). Ensuite, tu découpes et tu colles (à la bombe, pour éviter les grumeaux et conserver la transparence).
L’idée, c’est de produire un effet d’ombrage par les hachures (ou les trames à points) sans avoir à les « dessiner ». La régularité de la trame permet souvent de donner un aspect froid et artificiel à la matière, et Palmer l’utilise souvent (mais pas toujours) pour des surfaces métalliques.
(Accessoirement, Palmer est un grand admirateur de Wood.)
Le seul impératif technique à vérifier, c’est dans le cas où tu veux retoucher la trame (par exemple, en plaçant des effets de blancs par-dessus, pour couper les traits de la trame, en quelque sorte). Dans ce cas, tu colles ta trame du côté non imprimé, de sorte que le côté imprimé soit à l’air libre, si bien que tu peux retravailler soit à la gouache, soit au cutter, en grattant l’encré déposée sur le transparent.
Je peux comprendre. J’aime beaucoup Palmer, mais je ressens un effet comparable avec le travail d’autres encreurs qui m’emballent un peu moins (même si j’aime aussi), comme Rubinstein ou Mooney (que je place quand même très haut dans mon classement personnel), ou bien sûr Sinnott ou Janson. Layton et Breeding me font un effet assez voisin : l’assurance d’un certain niveau.
Surtout sur les Terriens. Sur le Surfer, on voit Byrne parfaitement. Mais sur les Fantastiques, par exemple, Palmer redessine beaucoup.
Jim
Je viens de lire ton article sur Mooney. Je n’avais jamais fait gaffe qu’il avait été autant encreur. Dans ma tête, il restait dessinateur uniquement (je parle au niveau du « générique d’un épisode », pas du travail fourni, hein).
Je ne sais pas pourquoi, mais sans déprécier pour autant, je ne suis pas un grand fan d’Andru/Mooney.
Par contre, je viens de voir les pages avec Byrne, Leonardi et même JR² (pas la première), et c’est plutôt joli (JR² est un peu effacé sur la deuxième planche que tu montres)
Oui, voilà.
Quand j’ai commencé à lire des comics, je n’avais pas conscience que ces gens (Ross Andru, Jim Mooney, Mike Esposito, Frank Giacoia…) avaient déjà plusieurs décennies de carrière. Je ne connaissais pas les Wonder Woman d’Andru, sans doute pas non plus ses Metal Men. Je ne savais pas que Mooney avait dessiné Supergirl. Et par conséquent, je ne me rendais pas compte de caractère « valeur sûre » de leur présence sur un titre.
Je soupçonne Andru de partager ton avis.
En général, il bossait avec Esposito, qui l’a accompagné sur les titres DC, mais avec qui il s’est lancé dans la production de comics indépendants, comme le parodique Get Lost. Je crois qu’il appréciait sa rapidité, sa sobriété et sa capacité à respecter son trait. Esposito a un encrage « modeste », il n’écrase pas son dessinateur. Giacoia, c’est pareil. Et Andru fonctionne bien avec des encreurs sobres (mais bon, ses Doc Savage encrés par Palmer sont magnifiques, cela dit). C’est pour cela que les épisodes encrés par Dave Hunt sont chouettes, aussi : Hunt, c’est sobre et propre (un pur produit DC) et ça lui convient bien.
Jim
Je me demande bien combien de temps cela pouvait prendre pur faire une page. ça me parait long à faire, ces trames.
Non, tu les achètes toutes faites.
C’était en vogue avant l’avènement de l’informatique (qui te permet ça en plaçant les trames sur des calques séparés, par exemple). Le principe était celui de l’autocollant ou de la décalcomanie, mais parfois le produit ne collait pas, tu le fixais à la bombe.
Tu trouvais donc des feuilles préimprimées, que tu découpais et collais sur les zones concernées. Des marques comme Zip-a-Tone ou Letratone (ou Letraset en France) proposaient ce genre de produits.
Ça, c’est ce qu’utilise Palmer.
Une autre manière de placer des trames consiste à utiliser un papier Craftint (le nom d’une marque) ou duo-tone. C’est un papier traité spécialement afin de réagir avec un produit révélateur. Tu passes celui-ci au pinceau sur des surfaces, et ça fait apparaître des trames. Frank Miller a utilisé ça pour des illustrations d’Elektra, ou pour son récit en solo dans Bizarre Adventures.
On peut aussi penser à Howard Chaykin sur American Flagg! ou à John Byrne sur Namor. Mais ce n’est pas de la trame collée, nuance que j’aurais dû préciser plus haut, et ta remarque m’y a fait penser.
Jim
Tiens, je feuilletais à l’instant le troisième numéro de la mini-série prestige format Deathlok, de 1990, et je tombe sur deux pages qui concernent un peu notre discussion.
Sur la première (dessin de Denys Cowan, encrage de Rick Magyar), on voit une trame manuelle (donc des hachures) sur la silhouette de Nick Fury : l’irrégularité des espacements donne une certaine vie. Là, pour le coup, je trouve que c’est long à faire, mais j’imagine que, quand on a le coup de main, ça peut aller vite. L’effet est assez joli.
(Et je n’évoque même pas la trame grise pour les écrans éteints.)
Sur la seconde, on voit des trames blanches. Mécaniques, cette fois-ci. Même principe que ce qui a été énoncé ci-dessus, sauf que ce sont des traits blancs, ce qui permet de créer un effet « balayage horizontale » très clair pour représenter les écrans vidéo.
Jim
J’ai pas dû bien suivre (mon voisin bavassait) : si c’est pas collé, ça tient comment ?
J’ai un peu un doute, là : est-ce que je m’exprime en français, ou bien le sujet est-il à ce point difficile ?
Jim
Ah, donc il dessine directement sur un papier spécial. Désolé, j’avais pas compris
(oui, l’encrage est quelque chose que je trouve compliqué, même avec un tas d’explications)
Et les trames, c’est très utile dans le noir & blanc…
Les mangas en foisonnent ! Forcément, avec les outils numériques, la donne a un peu changé, mais certains mangakas sont vraiment de grands utilisateurs de trames (et il y a parfois des motifs compliqués).
On en voit notamment dans les shojo, pour le motif des vêtements ou pour des fonds de cases à motifs floraux.
Parfois aussi dans des mangas d’action pour les « explosions d’étonnement » et autres représentations de l’émotion des personnages…
La pose des trames me semble un sacré boulot, en tout cas !
Tori.
Les trames peuvent avoir plusieurs fonctions.
Elles permettent surtout un effet de textures métalliques. Je pense qu’il y avit l’idée d’accompagner la mise en couleur, qui restait rudimentaire, et qui était un compromis entre le blanc du papier, ou le bleu clair. Ca marque une sorte de dégradé. Pas mal d’artistes cités par Jim ont utilisé cet effet pour souligner,
ou des textures non organiques (bouclier de Captain America, costumes de la Veuve Noire, visière de Cyclope,…)
ou un fond « d’atmosphère »
ou des ombres organiques, qui, dans certains cas, ont aussi une fonction narrative/dramatique. :
- le bouclier de Captain America
John Buscema / Tom Palmer
Dans cet exemple, les effets métalliques permettent
-de donner du volume et un éclairage (1ère case)
-de donner de la profondeur, et faire ressortir par la même occasion les personnages, jouer avec la notion de 1er et 2nd plan (2ème case)
-de varier les effets d’arrière plan. On passe de traits croisés sur Starfox, à du vide pour la Guêpe, et des trames pour Cap.
Ron Frenz / Brett Breeding
Ron Frenz / Tom Palmer
2 types de trames sont utilisées: celle (verticales) qui sert le plus souvent au bouclier de Cap, et les trames en « points », qui servent ici à marquer l’ombre, que se soit le métal du plastron de Thor par rapport au soleil, ou la cape.
Gene Colan / Klaus Janson
Marc Silvestri / Joe Rubinstein
Dans cet exemple, on voit que les trames placées sur le transistor permettent de différencier le 1er plan du 2nd, donc de lui donner une importance narrative face à un Magneto muet. Cette analyse peut fonctionner aussi pour le bouclier que lande DD (la trame pouvant même suggérer l’ombre de la Veuve Noire avant l’impact)
2 . Les effets métalliques
L’un des plus reconnaissables, et (re)connu pour cette utilisation, c’est Bob Layton.
Quelquel soit le dessinateur qu’il accompagne, c’est lui qui donnera le style de la série Iron Man, reposant sur des effets de scintillement bien caractéristiques le scintillmement qui se termine par 2 ou 3 petits points
Que se soit avec
Byrne
John Romita Jr
On remarque l’utilisation des trames bien les caractéristiques de l’encreur/dessinateur
Mais il peut aussi utiliser cette technique pour accentuer des ombres
John Byrne
Mark Bright
John Romita Jr
Les trames peuvent être utilisées par certains encreurs pour donner une caractéristique particulière au costume d’une personnage ( Veuve Noire), ou lui donner du volume, ou de la texture.
La plus connue étant la Veuve Noire
Frank Miller / Klaus Janson
David Mazzucchelli
Steve Epting / Tom Palmer
Même Angel Medina et Scott Koblisch ont respecté cette caractérisation
Certains encreurs utilisèrent des trames pour donner une textures particulières à certains accessoires bien connus:
le costume de la Sorcière Rouge
John Byrne / Terry Austin
John Byrne / Mike Machlan
Terry Austin, sur son run des X-Men, utilisa subtilement des trames, pour jouer avec des éclairages dramatiques :
Ou pour identifier des accessoires bien précis
La visière de Cyclope, ici avec Byrne
Ou avec George Perez
La cape de Tornade eut aussi ce traitement bien particulier avec Byrne aux crayons
Ah, donc il dessine directement sur un papier spécial. Désolé, j’avais pas compris
Oui. Il dessine sur ce papier traité, l’encreur encre (plume, pinceau, feutre…) dessus, et les trames sont ajoutées en trempant le pinceau dans un révélateur puis en passant l’outil sur la surface du papier, dans les zones qu’on veut mettre en valeur. La réaction du révélateur sur le papier chimiquement traité fait apparaître des trames.
Donc soit c’est ça, soit ce sont des trames dites « mécaniques », achetées dans le commerce ou fabriquées à la maison sur transparent, que l’on découpe et que l’on colle (du côté pas imprimé, afin de pouvoir manipuler le côté imprimé, notamment par grattage).
(oui, l’encrage est quelque chose que je trouve compliqué, même avec un tas d’explications)
C’est épuisant.
Je vais dormir.
La pose des trames me semble un sacré boulot, en tout cas !
Je crois que certains assistants sont même spécialisés dans cette activité. Du moins, c’est ce que j’ai cru comprendre.
Les trames peuvent avoir plusieurs fonctions.
C’est quand même pratique d’avoir un teneur de crayon sous la main : il explique tout vachement mieux !!!
Jim
La pose des trames me semble un sacré boulot, en tout cas !
Oui, c’est exactement ce que je voulais dire. C’est un vrai travail de précision (le scintillement des armures ?!?!?!?!)
Ils doivent y passer un temps fou, entre le découpage, le collage, un gros travail de précision.
C’est quand même pratique d’avoir un teneur de crayon sous la main : il explique tout vachement mieux !!!
Merci à vous deux, en tout cas. Je fais partie des gens à qui ils faut expliquer longtemps (et ça éclaire des choses que j’ai vues/lues à l’expo Wood)
Les trames peuvent aussi avoir une fonction plus narratives.
Elle peuvent être utilisées par certains encreurs pour poser des ombres, mais certains artistes vont y voir la possibilité d’y amener une approche dramatique, par un jeu d’effets qui je pense, servaient à aider la mise en couleur qui s’avérait limitée.
Et il ne faut pas oublier qu’hier, les artistes ne prenaient pas forcément la couleur comme substitu à certains effets, et que le contact avec l’encre favorise dans certains cas une "approche noir & blanc)
Mais avant d’aborder l’aspect narratif des trames, passons à une approche "organique.
Nous avions vu jusque là que les trames étaient souvent utilisées pour des objets, pour donner de la matière ou poser des ombres.
Certains vont utiliser ces « outils » pour les poser sur des visages, afin d’appuyer des effets de lumière (et par la même occasion, souligner un aspect narratif …on y arrive)
Les exemples qui suivent concernant un dessinateur ayant collaboré avec 2 encreurs ayant eu cette approche:
Frank Miller / Klaus Janson
On retrouve dans l’exemple plus haut le traitement bien particulier du costume de la Veuve, auquel s’ajoute des effets sur les visages.
(j’ai appuyé précipitamment sur envoyer! )
Miller toujours, mais avec Joe Rubinstein. Nous avons vu plus haut que Rubinstein utilisait ces trames pour un usage de textures, mais aussi à un usage narratif (le transistor)
Rubinstein avec Dave Cockrum, qui contraste le visage d e Caliban par des trames verticales.
Joe Rubinstein toujours, qui, avec George Perez sur le Défi de Thanos, proposa une approche des trames, combinant ce que nous venons de voir : textures et éclairage.
David Mazzucchelli poussa encore plus loin cette approche
Nous avons sur l’exemple ci-dessus ce que Jim décrivait avec l’utilisation de gouache blanche
Les trames soulignent sur la première case un dégradé, qui accentue le sentiment d’abîmes, de profondeur.
De plus, en terme de narration, que la fuite d’eau intervienne sur la gauche des dernières cases permettent
- la conscience du danger qui guette Matt, le regard est guidé de la fuite au corps inconscient de Matt
- la gros plan, plus resséré sur les yeux, accentue un sentiment d’urgence (l’eau va remplir la case), mais la fuite guide l’oeil vers le réveil de Matt!!!
Qui n’a pas envie de tourner la page pour voir la suite?!?!)
Nous avons une série d’exemples mettant des personnages aux visages « tramés ». En plus de donner une source lumineuse donnant du relief aux personnages, ces trames soulignent souvent le doute, l’incertitude. Cette sensation de « trouble » est balayé par le dernier visage, en pleine lumière, d’un Matt serein, en paix. Dans le contexte religieux de l’épisode, cette lumière peut être interprétée à sa convenance.
Ici, en plus d’une approche très appuyé des ombres du store (des barreaux de prisons qui donnent un sens de lecture gauche/droite)), les trames sur JJ soulignent le sentiment d’inconfort ou de doutes, exprimé juste avant. Mais le poing en lumière semble laisser supposer que JJ ne va pas se laisser faire! Ce poing mise en avant par l’encrage représente-t-il l’intégrité du personnage?
Une autre manière de placer des trames consiste à utiliser un papier Craftint (le nom d’une marque) ou duo-tone. C’est un papier traité spécialement afin de réagir avec un produit révélateur. Tu passes celui-ci au pinceau sur des surfaces, et ça fait apparaître des trames. Frank Miller a utilisé ça pour des illustrations d’Elektra, ou pour son récit en solo dans Bizarre Adventures.
John Byrne utilisa ce procédé pour Namor (et Omac) pour des effets…saisissants!!
John Byrne utilisa ce procédé pour Namor
Oui, Jim l’a évoqué, mais sans illustration.