Si l’on prend le chiffre donné plus haut de 5255 bouquins en 2015, ça veut dire qu’il y a 101 bouquins par semaine.
101 bouquins.
Si l’on s’arrête à la création franco-belge, ça laisse une concurrence sauvage. Mettons qu’il y ait vingt comics et vingt manga dans cette semaine. Ça laisse l’album qui sort face à soixante concurrent. Mettons que l’album, ça soit un truc genre aventure / SF / fantasy / thriller, on écarte donc les albums « gros nez » (allez, comptons large : vingt bouquins) et quelques albums plus expérimentaux / personnels / romans graphiques. L’album dont nous parlons va tout de même se trouver face à une vingtaine de concurrents susceptibles d’intéresser le même lecteur. Qui ne va pas acheter les vingt bouquins, c’est certain. Il a mille raisons de s’intéresser à autre chose, soit à une série qu’il poursuit déjà, soit à une « valeur sûre », etc etc.
Quand Omnopolis ou Grands Anciens sont sortis, j’avais fait un calcul similaire, et j’étais arrivé à la conclusion que mes bouquins se trouvaient face à soixante puis soixante-quinze concurrents hebdomadaires. Même si le créneau qui est le leur, mes albums voyaient leurs chances réduites.
Ce qui en soit est faux.
Il n’y a pas plus d’auteurs. Il y a même des auteurs qui quittent le milieu pour aller faire autre chose (de la littérature, du dessin animé, du jeu vidéo, de la pub et de la comm, de l’enseignement, ou carrément des métiers qui n’ont rien à voir).
Je crois que c’est Filipini qui relevait, il y a deux trois ans, un fait intéressant : la production augmente, mais pas la part des nouveautés franco-belges. En effet, les mangas restent stables, les comics sont plus nombreux, et dans la part du franco-belge, il y a de plus en plus de place consacrée aux rééditions, aux intégrales, etc etc. Le patrimoine franco-belge est effectivement très exploité, j’ai même l’impression que ça va croissant (mais là, c’est peut-être moi qui en achète davantage). De Bouloum-Bouloum & Guiliguili à Simon du Fleuve, les éditeurs proposent de constantes rééditions sous l’allure d’intégrales qui, pour intéressantes soient-elles sous le rapport quantité-prix, demandent à sortir 25 ou 30 euros par tome.
Filipini faisait donc le constat que la création d’œuvres originales demeurait constante. Mais comme le volume global augmente, la proportion diminue. Si l’on ajoute à cela le fait que de nombreuses séries patrimoniales sont relancées (Achille Talon, Bob Morane…), que d’autres génèrent des séries dérivées (Thorgal, XIII, Spirou…) et que ces projets sont confiés à des auteurs confirmés, on voit bien que la part des « nouvelles » créations diminue en proportion, et que l’avenir est plus gris si l’on n’est pas déjà installé.
Donc non, je n’ai pas l’impression qu’il y a plus d’auteurs.
Jim