En bande dessinée, personne ne l’emploie.
C’est peut-être un terme employé dans l’édition de roman.
En bande dessinée, on parle de responsable éditorial, voire d’éditeur (abus de langage) et, en interne, souvent de « référent » (en gros, celui à qui on envoie un mail ou un coup de fil quand on a un souci…).
Je partage complètement l’avis de Maxime concernant l’aspect collectif du travail, ainsi que son souhait de voir d’autres noms figurer au générique des albums : c’est très bien de mettre le nom du traducteur en dessous de ceux des auteurs, mais ça serait pas mal de créditer, ailleurs que dans une petite ligne de la dernière page, le studio de lettrage. Et pourquoi pas les relecteurs, le responsable éditorial.
Pour les saluer, déjà. Et puis aussi parce qu’il y a plein d’intervenants après le traducteur, qui peuvent aussi bien corriger des erreurs qu’en rajouter (ça m’est arrivé plusieurs fois, et découvrir des bourdes rajoutées dans les bulles, ça fait pas plaisir : je vous « rassure », ça m’est arrivé aussi sur mes essais…), et ça serait pas mal qu’ils « assument » vraiment en se mettant en avant tout autant que les auteurs, traducteurs et lettreurs.
Maxime fait partie des traducteurs qui demandent à relire, et qui annotent les épreuves papier afin d’apporter des corrections sur les réimpressions. Tout le monde ne fait pas ça, par manque de temps ou d’intérêt. J’en discutais avec une responsable éditoriale il y a une dizaine de jours, et elle était étonnée que je n’ai pas accès aux épreuves lettrées de mes BD (chez elle, mes traductions une fois maquettées me sont soumises, mais c’est une pratique très rare, que je n’ai connu que chez elle).
Pour en revenir au travail de préparation, je ne connais pas tous les éditeurs de comics, mais ceux que je connais sont souvent pris par le temps, et sautent certaines étapes.
Par exemple, du temps de Semic, on essayait, dans la mesure du possible, de relire les traductions quand elles arrivaient (à l’époque, on recevait une enveloppe contenant une disquette et une version papier de cette traduction). Au début, pas de souci, mais avec la montée en volume, on faisait ça de plus en plus vite. Aujourd’hui, les éditeurs reçoivent le fichier de trad, l’ouvrent pour vérifier si le fichier est bon, puis le transmettent au lettreur. La première lecture s’effectue sur le lettrage V1, bien souvent. Du temps où je supervisais quelques albums, j’essayais de relire, au moins en diagonale, les trads, afin de choper d’éventuelles fautes, de corriger des choix de typo (par exemple : guillemets à l’anglaise, pas à la française…). Mais moi, en tant que responsable éditorial externe, j’ai plus de temps, je ne suis pas contraint à subir des réunions, etc. Donc je relisais les trads. Mais je sais qu’au moins dans deux maisons d’édition, ils n’ont pas le temps. Ensuite, il y a deux relectures externes en plus de celle du responsable éditorial, sans compter les relectures internes à la rédaction pour la maquette et les trucs importants (la couverture, le dos, le code-barre…), puis une relecture à l’étape du « print » (l’envoi à la fabrication), un check au moment du « BAT » (le « bon à tirer », quand l’imprimeur a tout bien calé et a le doigt sur la détente. Donc ça en fait, des étapes de contrôle (mais on voit bien que malgré ça, et chez tous les éditeurs, y a de la casse : que l’on pense aux planches inversées dans l’adaptation de Liu Cixin par Runberg et Pellé, les fichiers textes mal calés sur L’Orateur, apparemment aussi l’oubli des pages intercalaires dans le récent XIII Mystery…).
Tout cela est lié, à mon sens, à la systématisation de l’informatique, qui a dématérialisé les étapes et le matériel, et qui a aussi raccourci les délais. En 1999, on travaillait à trois mois. Par exemple, à la parution du bouquin de janvier, celui de février était chez l’imprimeur, on supervisait le lettrage de celui de mars pendant que le traducteur bossait sur celui d’avril. Voire plus loin. Parce qu’on avait intégré les échanges physiques, par courrier. On commandait le matériel plus tôt afin que les éditeurs américains puissent préparer et envoyer les CD (ou les films d’impression). Etc etc.
Aujourd’hui, y a au moins un mois de moins. Les traducteur peuvent travailler sur des PDF d’épisodes qui ne sont pas encore sortis, fournis par l’éditeur. Tout le monde envoie des fichiers par mail, via WeTransfer, ou les dépose sur un FTP. Ça raccourcit tous les délais. Ça crée un rythme plus soutenu (d’autant que les albums de comics sont plus épais que ceux d’il y a vingt-cinq ans : pensez au boulot d’un pavé comme les gros WildC.A.T.s de la fin d’année dernière), avec la possibilité de se perdre dans le planning, en travaillant sur des épisodes tout en checkant l’impression des précédents et en lançant les commandes des épisodes suivants.
Il y a un côté plus confortable, assurément : de son fauteuil, on peut tout faire, pas besoin d’aller fouiller dans les archives en dur pour retrouver le bon CD, pas besoin de passer une après-midi à découper, recompter et empaqueter les films d’impression… Mais en même temps, le rythme est beaucoup plus serré, et les étapes de contrôle plus rapides et plus tendues.
Jim