HOKUTO NO KEN - KEN LE SURVIVANT t.1-18 (Buronson / Tetsuo Hara)

À la fin du tome précédent, les lecteurs avaient appris que Kenshiro a des frères. Frères d’armes plus que frères de sang, ils semblent avoir survécu à l’apocalypse dont l’évocation ouvre la série.

Ce quatrième volume permet d’opposer le héros à Jagi puis à Toki, deux de ces « frères ». Le thème de l’imposteur est présent dans les deux cas, avec des variations telles qu’on évite la redite trop évidente : le premier se fait passer pour Kenshiro, le deuxième n’est pas son vrai frère. Dans son combat, le « sauveur » profite de l’aide de Rei, désormais son allié. La série évolue donc, offrant des variations sur le schéma de base : tant mieux, là aussi ça évite la redite.

Jim

Ken le Survivant par Daniel Warren Johnson :

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Les enjeux grossissent dans ce cinquième tome. Kenshiro et ses alliés, Rei et Mamiya, se rendent à Cassandra, la cité prison, où ils pensent que Toki (le vrai, pas l’imposteur Amiba) est détenu. Encore un prétexte pour Buronson et Hara de montrer des horreurs.

Le scénariste, cependant, prend soin de varier la présentation des méfaits. Au début de la série, on avait un Kenshiro qui regardait les crimes commis par tous les affreux qui hantent la terre désolé post-apo, froidement, comme détaché. Au fil des récits, il s’implique davantage, réagit, intervient. Pas toujours, certes, mais un peu plus. Ça correspond à son parcours personnel, au fait aussi que les auteurs font revenir autour de lui des éléments de son passé (qu’ils semblent inventer au fil de l’eau, un peu, quand même). Donc Kenshiro ne peut plus taire ses souvenirs. L’autre mécanisme d’humanisation, c’est la présence de personnages récurrents, au-delà de Lynn et Batt, les enfants du début (qui sont un peu éclipsés, et tant mieux : Batt est un peu agaçant, en parangon de débrouillardise bavarde).

Et donc, après avoir libéré les détenus de Cassandra (dont Toki, désormais nanti d’une tignasse blanche, mais pas réellement diminué pour autant), la fine équipe se retrouve bien littéralement sur les traces de Ken’Oh, colosse juché sur un canasson géant. Il y a quelques scènes un peu bordéliques, mais ils finissent par être confrontés à ce dernier, en qui Ken a reconnu l’un de ses « frères », le plus dangereux, Raoh. Et là, effectivement, les choses ne se passent pas comme prévu, et le lecteur est laissé en plein suspense…

C’est pas mal, et la série a un côté addictif, bien sûr. De post-apo, l’intrigue a basculé dans une sorte de fantasy des derniers jours, de version cauchemardesque d’un monde féodal sans foi ni loi. L’un des éléments agaçants, en revanche, c’est le fort goût de testostérone du titre : c’est vraiment une affaire de mecs. Ça manque de nanas, même en matière de méchants. Mamiya ou Aïli occupent bien souvent le rôle de la « demoiselle en détresse », et c’est assez frustrant. C’était déjà un truc que je reprochais à Sanctuary (je sortais de ma lecture de Crying Freeman et de Mai, faut dire, en admirateur d’Ikegami…), et là, franchement, ça se sent un peu trop.

Jim

Les choses sérieuses, enfin. Ken se retrouve face à un adversaire qui est plus fort que lui, Ken’Oh, alias Raoh, son « frère ». La première moitié du tome est constitué d’une grosse baston qui repose les enjeux, impose le nouveau méchant en menace colossale, et permet aussi de rééquilibrer les forces et de faire revenir quelques participants dans le jeu.

Alors oui, on sent un peu les astuces amenées au fil de l’eau, avec une progression au doigt mouillé (c’est peut-être dû aussi au contact étroit de la rédaction du Jump avec son lectorat, ou bien Buronson a compris que c’est bien beau de flinguer les personnages, mais qu’à trop déboiser, il finira par dépouiller la série). Toujours est-il que la petite armée autour de Kenshiro se consolide. Ce qui permet de faire évoluer leurs capacités et leur apparence. À ce sujet, j’aurais une question pour les fins connaisseurs de l’histoire éditoriale des mangas, genre @Blackiruah ou @Benoit1 : les héros qui se transforment physiquement (je pense aux cheveux blancs de Rei, par exemple), parfois après une épreuve qui leur fait voir la mort de près, c’était nouveau, à l’époque, ou déjà bien implanté ? Parce que je trouve que ce tome, avec Raoh, puis l’aide de Toki et tout ça, convoque des astuces narratives qui auraient pu servir d’influence à Toriyama pour son Dragon Ball. Les épreuves successives, l’apprentissage et le développement de nouvelles capacités, les cheveux blancs, tout ça… Est-ce que Hokuto No Ken est pionnier en la matière ou bien c’est plus vieux encore ?

La suite du tome offre un instant de répit à l’équipe de Kenshiro, et la révélation d’un secret de Mamiya, ce qui entraîne la rencontre du nouveau méchant, colosse efféminé qui propose une variation intéressante sur le thème de la grosse brute. On peut sans doute y voir une trace du machisme propre aux récits de Buronson, mais la confrontation est intéressante.

Jim

Alors là, aucune idée. Tout ce qui a trait aux épreuves successives, à l’apprentissage et au développement de nouvelles capacités dans le façonnage de la structure narrative d’une histoire, ça renvoie visiblement à la catégorie spécifique nekketsu du shonen et au dépassement de soi, dont Dragon Ball deviendra un représentant à l’influence durable et encore palpable bien des années après sa fin (les auteurs de One piece, Hunter X Hunter et Naruto, les succès mastodontes du shonen qui apparaîtront quelques années après, citent le manga de Toriyama parmi leurs influences). Gon, le héros de Hunter X Hunter, partage même une parenté évidente dans l’apparence et le caractère avec Son Goku, et la précédente série de l’auteur, Yuyu Hakusho, était déjà dans la première moitié des années 90 sous influence directe de Dragon Ball (tournoi de combattants à pouvoirs entre autres, je dois entamer la lecture de la série prochainement).

Dans le cas de Dragon Ball, après une recherche sommaire, c’est a priori à partir du premier tournoi d’arts martiaux que la série rencontre le succès; idée soufflée par l’éditeur que d’incorporer un trope de compétition alors en vogue pour faire rebondir le manga après son premier arc. La compétition, avec le dépassement de soi qui y est associé, c’est un thème récurrent dans le shonen sportif qui a connu des ribambelles de titres au fil des décennies, et ce bien avant les années 1980 (en boxe ou baseball notamment, et Captain Tsubasa précédait Dragon Ball de deux ans au début de cette décennie).
Le manga, notamment le shonen, fonctionne beaucoup par effets de modes et l’émulation entre séries n’était pas rare visiblement. J’ai une vue très limitée de l’histoire du manga, mais il me semble que le livre de Karyn Nishimura - ma lecture est trop lointaine, une remise à niveau s’impose - abordait clairement la mutation progressive du marché avec la création des magazines de prépublication axés autour du shonen avec le succès grandissant (concurrence accrue entre plusieurs magazines publiés par différents éditeurs) mais je ne sais plus dater ça ni quels sont les titres étendards au fil des années qui sont mentionnés. Mais je me souviens clairement que Dragon Ball, Jojo’ bizarre adventures et sans doute Hokuto no ken figurent dans les œuvres traitées de la décennie 80, l’autrice est d’ailleurs plus amatrice du travail graphique d’Araki Hirohiko que de celui de Toriyama (ça m’avait marqué). Si je devais hasarder une grille d’analyse, c’est que Dragon Ball va appliquer certains éléments en vogue dans un contexte original de récit d’aventures mâtiné d’humour et de combats de kung-fu (Toriyama est fan de Jackie Chan et Bruce Lee et sa volonté de se lancer dans une série avec des combats vient en partie de là), dans un monde où la fantaisie débridée (les monstres, créatures et démons constituent un bestiaire persistant les premières années) côtoie des éléments de sf plus disparates (la technologie et les véhicules notamment, du moins au début, avant l’évolution plus sérieuse de l’histoire et la réfection d’une partie du decorum sous un angle sf). Et c’est ce mélange inédit (à ma maigre connaissance, je ne vois pas de précurseur similaire direct) qui fera le sel de la série et deviendra un jalon source d’influences ultérieurement. Hokuto no ken ayant démarré la même année, peut-être y a t-il eu émulation au fur et à mesure des années et de l’évolution des goûts du lectorat. D’ailleurs, excepté la dimension post-apocalyptique héritée directement de Mad Max, qu’est-ce qui a donné l’envie aux auteurs de partir sur un titre où les combats occupent une large place?

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Là, c’est frappant (enfin, ça m’a frappé) : tout le monde dit à Kenshiro qu’il n’a pas le niveau, il y va quand même, il se prend une dégelée, et son niveau augmente. C’est marquant. L’amélioration par les tatanées qu’on reçoit.

En revanche, ce qui m’a interpelé dans ce tome, outre l’édiction de règles (ne pas attaquer à deux un ennemi commun, c’est contraire au code d’honneur, blablabla, détail qui apparaît d’un coup et qui donne bien l’impression que Buronson improvise au doigt mouillé), ce sont les cheveux blancs. Toki sort de prison avec les cheveux blancs, mais on fait bien comprendre que s’il a vieilli, il a aussi mûri et n’a rien perdu de ses capacités, bien au contraire. Et quand Rei est transformé, il a les cheveux blancs. C’est très rapproché dans la série, et c’est dans un seul tome. Là, fatalement, je n’ai pu que penser aux cheveux des super-saiyans.

Il me semblait que Hokuto No Ken, c’était 1983, et Dragon Ball 1984.
Raison pour laquelle, même s’il n’est pas facile de dater un chapitre précis dans les éditions française (c’est un truc qui me plairait bien, moi, dans les sommaires des VF : la date et le numéro du mag de l’édition d’origine au Japon), je me disais que le coup des cheveux provenait de Hokuto No Ken. Tout en me disant que, peut-être, ça avait un ancêtre commun.

Peut-être bien : même période, même journal…

C’est clair que ça se dilue vite. Au départ, on est sur de l’emprunt sans vergogne, mais rapidement, les motos disparaissent, les décors ne sont plus que ça, des décors, et une ambiance plus fantasy s’installe. Le canasson de Raoh, qui renvoie à celui du Death Dealer de Frazetta, est assez emblématique de cette évolution. Même la ville-prison de Cassandra relève d’une fantasy marquée.

Jim

Alors pour Dragon Ball, pour avoir lu sa biographie (éd Pix’n love), l’inspiration de Toriyama c’est le Voyage en Occident dont Son Goku partage le nom et la queue avec le roi des Singes.

Son souhait en sortant de Slump c’est un truc pas sérieux d’où les dinos, les motos, les personnages comme Pilaf, etc. Pas vraiment de fil conducteur. Et effectivement son éditeur va l"orienter" vers un tournoi d’arts martiaux. Et ça c’est la faute de Muscleman (chez nous, merci Dorothée pour la découverte), Kinnikuman en VO, présent avant DB dans le Jump.

Et Muscleman c’est une succession de tournois et de combats improbables, et ça cartonne.

D’où duplication du procédé et le 1er tournoi de DB est super bien reçu par le public. Ca réorientera tout le manga et on oublie le Voyage en Occident.

Anecdote marrante : Toriyama avoue adorer des machines, avions, robots, etc. Mais déteste refaire le même dessin à ce niveau de détails. Donc dans le manga, il dit les détruire très rapidement, dès la page suivante. Tout en se faisant plaisir sur les pages de garde ou d’insert où là il dessine des motos, robots…

Les années 80 c’est la baston qui prime pour le lectorat !

L inverse du vécu français

M’étonne pas !!!
:wink:
Jamais vu. C’est passé quelles années, sur la télé française ?

Ah c’est plus vieux ? C’est fou, ça. Je savais pas, merci.

Très chouette bouquin. Quelques défauts, mais dans l’ensemble, c’est bien.

Ça, je l’ai appris il y a des décennies dans Mangazone. Je crois que c’est à cette occasion que j’ai découvert l’existence de ce texte.

Et tout ça ne nous dit pas d’où vient cette idée des cheveux blancs après la transformation et l’accès à un autre niveau de pouvoir.
Vous faites durer le suspense, les amis !

Jim

En même temps, le blanchissement des cheveux après un choc émotionnel, ça existe depuis toujours mais qui a eu l’idée en BD…?

Claremont ?

Voilà.
Et plus qu’un choc émotionnel, c’est une métamorphose physique (ici, Rei échappe à la mort, son corps se transforme, et on nous dit que sa puissance est accrue). Ça me semble arriver avant l’équivalent chez Dragon Ball, mais je me trompe sans doute.

Jim

Ah, je vois sur la wikipédia française que ça a commencé en mars 1989 sur la télé française. Donc là, j’ai pas vu du tout.

Jim

Muscleman ? Mais c’est quel nom en VF ?

Muscleman.

Jim

Ca ne me dit rien du tout.

Jim

Absolument pas.

Tellement génial. Complètement crétin mais j’adorais. Par contre, la diffusion n’était pas régulière, y’a eu des coupes, etc mais j’en garde un bon souvenir de jeunesse (donc éviter de regarder un vieil épisode ^^)

Y a des jeunes épisodes ?