Drame/fantastique
Long métrage américain
Ecrit et réalisé par Frank Darabont, d’après le roman-feuilleton de Stephen King
Avec Tom Hanks, David Morse, Michael Clarke Duncan, Jeffrey De Munn, Barry Pepper, Doug Hutchison, Sam Rockwell, James Cromwell, Bonnie Hunt, Michael Jeter, Graham Greene, Gary Sinise, Harry Dean Stanton…
Titre original : The Green Mile
Année de production : 1999
Stephen King a plusieurs fois raconté qu’il avait été choqué lorsqu’à l’âge de 12 ans, il avait surpris sa mère jeter un oeil à la fin d’un roman d’Agatha Christie alors qu’elle avait à peine dépassé la page 50. Pour le lecteur vorace qu’il était déjà, c’était tout simplement quelque chose qui ne se faisait pas (et il a tout à fait raison). Au début des années 90, une discussion sur Charles Dickens avec un éditeur britannique lui a remis en mémoire les qualités de feuilletoniste de l’auteur de David Copperfield. Il s’est alors mis à jouer avec l’idée d’écrire un roman sous forme de feuilleton afin de créer le suspense, d’écrire dans l’urgence (quand le premier volet est sorti, la fin n’était pas encore claire dans son esprit) et suivre ainsi mois par mois les réactions de ses lecteurs. Je me souviens très bien avoir lu la moitié de La Ligne Verte au printemps 1996…et d’avoir du attendre deux mois pour lire les trois derniers tomes après mon retour d’un stage en Angleterre…quelle attente !
Sur les quatre longs métrages réalisés par Frank Darabont, trois sont des adaptations de Stephen King. Et aux Evadés, La Ligne Verte et The Mist, il faut aussi ajouter The Woman in the Room, son premier court métrage. De tous les réalisateurs qui ont transposé les écrits de King à l’écran, je trouve que Darabont fait partie de ceux qui en ont une meilleure compréhension, notamment en faisant des changements judicieux qui savent tout de même garder l’esprit des romans. Ainsi le récit fragmentaire du passé du gardien de prison Paul Edgecombe laisse place à l’histoire racontée par un vieil homme à une de ses amies, ce qui donne une narration plus fluide et linéaire…
Stephen King avait déjà touché au drame carcéral avec Rita Hayworth et la Rédemption de Shawshank (dont le titre de la version ciné avait été bêtement traduit par Les Evadés en V.F.). Si le cadre est le même (et l’unité de temps presque identique, les années 40 pour le début des Evadés, les années 30 pour La Ligne Verte), le sujet est différent. La Ligne Verte se concentre sur le quartier des condamnés à mort, la chaise électrique hantant l’esprit de King depuis des années. Pour reprendre ses termes, ce qui l’intéressait était de savoir quel était le prix à payer quand on était bourreau, quand on avait la mort pour métier. On suit alors le quotidien d’un groupe de gardiens sous les ordres de Paul Edgecombe, brillamment personnifié par un Tom Hanks entouré par d’excellents seconds rôles (David Morse, Jeffrey De Munn, Barry Pepper…les plus sympathiques…et Doug Hutchison dans le rôle de l’insupportable Percy Wetmore).
Les jours du Bloc E sont rythmés par les tâches quotidiennes, la gestion des condamnés qui doivent attendre le jour J et l’accueil des nouveaux. Une routine qui va être bouleversée par l’arrivée de John Coffey, un colosse (le regretté Michael Clarke Duncan n’était en fait pas si grand et le réalisateur et ses équipes ont multiplié les astuces pour souligner l’immense taille du personnage) accusé du meurtre de deux petites filles. Mais suite à son premier entretien avec le doux John Coffey et les événements étranges qui suivent, Paul Edgecombe va commencer à douter qu’il soit vraiment responsable des faits qui lui sont reprochés…
Porté par une bande d’acteurs impliqués, tous aussi bons les uns que les autres (il y aussi Sam Rockwell en dangereux chien fou, James Cromwell digne et triste, William Sadler en père brisé, Bonnie Hunt et Patricia Clarkson pour les rares rôles féminins…et même ce bon vieux Harry Dean Stanton…jolie distribution !), La Ligne Verte est une histoire forte, reconstitution soignée qui déroule toute la gamme des émotions. À chaque fois que je le revoie (et quand je relis le livre, c’est la même chose), je souris aux moments légers; je m’attache à la dynamique des protagonistes, les amitiés et les inimitiés; je suis pris par la poésie qui se dégage de certains plans; je suis saisi par l’efficacité des passages les plus horribles (la chasse à l’homme, la mort affreuse d’Edouard Delacroix, la révélation des actes de Bill Wharton) et par l’atmosphère mystérieuse de l’équipée nocturne…et je suis (très) ému par le destin de John Coffey, un homme simple doté d’un pouvoir extraordinaire.
Les trois heures de film (qui passent sans ennui et sans temps morts en ce qui me concerne) n’ont pas découragé les spectateurs de l’époque puisque La Ligne Verte est la collaboration King/Darabont qui a connu le plus grand succès. Entre l’échec financier du magnifique Les Evadés et les résultats modestes du très bon The Mist, La Ligne Verte a ainsi récolté plus de 286 millions de dollars pour un budget de 60 millions.