REALISATEUR
Mark Robson
SCENARISTES
Charles O’Neal et DeWitt Bodeen
DISTRIBUTION
Kim Hunter, Jean Brooks, Tom Conway, Hugh Beaumont…
INFOS
Long métrage américain
Genre : drame/horreur
Titre original : The Seventh Victim
Année de production : 1943
Mary Gibson (Kim Hunter, la future Zira de La Planète des Singes dans son premier rôle), est convoquée par la directrice de son internat (un décor qui réutilise une nouvelle fois le grand escalier de La Splendeur des Amberson de Orson Welles). Elle apprend que sa soeur Jacqueline n’a pas plus payé sa pension depuis plusieurs mois. Mary décide alors de quitter la sécurité de l’établissement pour partir à la recherche de sa soeur à Greenwich Village. Au fil de ses rencontres et de son enquête, un trio très particulier se forme autour de la jeune femme.
Il y a Jason, un poète qui a perdu son inspiration. L’avocat Gregory Ward, le mari de Jacqueline, qui semble être plus amoureux de l’idée qu’il se fait de Jacqueline que de sa femme elle-même. Et le docteur Judd, un psychiatre cynique, aux motifs troubles. C’est l’un des personnages les plus étranges de La Septième Victime, car Tom Conway a bien l’air de reprendre son rôle de La Féline…et pourtant, ceux qui ont vu la première production de Val Lewton savent quel sort a été réservé au docteur Judd…
Première réalisation du monteur Mark Robson, La Septième Victime est l’un des films les plus lugubres supervisés par Val Lewton. Le cinéma de Lewton est marqué par des thèmes sombres, mais ici il y a une véritable tristesse, un désespoir morbide qui se dégage du parcours des protagonistes (et pas seulement les têtes d’affiche). Au coeur de l’histoire, il y a cet isolement social et affectif que certains peuvent ressentir dans les grandes villes. On découvre alors que Jacqueline a été conduite à faire partie d’un club d’adorateurs du Diable, les Palladistes, avant de les quitter. Une décision qu’ils n’acceptent pas…
Le scénario peut paraître parfois décousu et c’est du en grande partie aux choix de montage. Les séries B de la RKO ne devaient pas dépasser 75 minutes, ce qui a contraint Mark Robson et son monteur à couper des scènes qui auraient, paraît-il, pu éclaircir certains passages. La Septième Victime préfigure Rosemary’s Baby dans la description d’une secte qui se dissimule sous des atours respectables.
Mais ici, la menace est plus insaisissable. Les ellipses font que le spectateur doit souvent « remplir les blancs »…ce qui peut parfois être frustrant tout en participant au côté terriblement intrigant des déambulations nocturnes de Mary et Jacqueline, une femme hantée, au bord du gouffre…
Sur certains aspects, La Septième Victime n’est pas totalement maîtrisé. Mais du point de vue du suspense, le métrage est traversé par des scènes d’une grande puissance. Les débuts de Mark Robson derrière la caméra ne manquent pas de moments mémorables et d’images fortes qui en ont influencé plus d’un (dont très certainement Hitchcock). Lorsqu’on évoque le travail de Val Lewton et de ses collaborateurs réguliers (on retrouve encore ici l’excellent chef opérateur Nicholas Musuraca), on pense immanquablement à ces ombres dans lesquelles s’engouffrent les personnages et qui cachent d’impalpables menaces, ces lumières blafardes et fantomatiques, ces pulsations sonores, autant d’éléments qui sont ici au service de purs moments de tension comme les scènes du train et du destin tragique du détective qui a voulu offrir son aide à Mary.
Tragique, le final l’est également…une fuite en avant pour échapper à la main du destin d’un pessimisme déchirant…un dernier plan qui intervient de manière presque abrupte (là aussi, une scène a été coupée) mais dont l’efficacité est pour moi indéniable…